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samedi 17 novembre 2018

Homéopathie, efficace placebo le 27.10.2018


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TRIBUNE
Homéopathie, efficace placebo
Faut-il rembourser l’homéopathie ? Débat secondaire disent certains, car cela ne représente que de 100 à 200 millions d’euros par an. Et puis : « si cela ne fait pas de bien, au moins cela ne fait pas de mal ! » Et c’est de l’emploi sur le territoire national. Le déremboursement pourrait inciter à consommer des médicaments beaucoup plus chers. Sans compter le mécontentement des utilisateurs qui sont autant d’électeurs. Toutes bonnes raisons pour continuer à rembourser un « médicament » par ailleurs dispensé de toute étude visant à démontrer son efficacité et sa tolérance avant sa mise sur le marché. Ce faisant, les autorités de santé estiment implicitement que l’effet du médicament homéopathique ne relèverait que de l’effet placebo.
Cependant, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a demandé à la Haute Autorité de santé (HAS) d’évaluer l’efficacité des médicaments homéopathiques. Mais évaluer par rapport à quoi ? Par rapport à un placebo en apparence semblable au médicament testé, mais ne contenant aucune substance biologiquement active. Le serpent se mord la queue. On connaît le résultat, qui sera récusé par les homéopathes puisque leur médicament prétend agir par la simple « mémoire de l’eau » ayant eu contact avec des substances actives susceptibles de reproduire les symptômes du malade. En somme, soigner le mal non pas par le mal mais par le souvenir du mal que conserveraient les très hautes dilutions. De plus, les essais devraient être réalisés en double aveugle avec des séquences alternant, de façon aléatoire, chez le même malade, le médicament homéopathique et le placebo, car la force de conviction principale de l’homéopathe, c’est qu’il prétend individualiser sa prescription. A chaque personne son médicament. Reste que le placebo est efficace sur certains symptômes (douleurs, fatigue, troubles de l’érection…) et chez certaines personnes.
Cette efficacité s’explique par le biais de la « chimie cérébrale » (opioïdes endogènes, dopamine, neurostéroïdes…) dont la sécrétion peut d’ailleurs être bloquée par des inhibiteurs enzymatiques. L’efficacité limitée mais réelle du placebo ne pourrait donc être démontrée qu’en comparant les répondeurs au placebo à des non-répondeurs.

Pensée magique du patient

On peut penser que l’individualisation moléculaire permise par la médecine dite « omique » (génomique, épigénomique, métabolomique…) permettra demain de reconnaître ex ante et pas ex post les répondeurs et les non-répondeurs. Reste que l’effet placebo, tout chimique qu’il soit, est bien d’origine psychique, confirmant l’obsolescence du vieux dualisme postulant l’existence d’une barrière étanche entre le corps et l’esprit. Le placebo ne marche que si l’on y croit. D’où la question légitime : « Si ça marche pour le patient, si ça lui fait du bien, pourquoi lui dire que c’est un placebo ? »
L’effet placebo est en effet d’autant plus efficace qu’il est magnifié par un discours pseudo-scientifique ou une doctrine à résonance philosophique. Prescrire l’homéopathie ou la réflexologie en disant « ce n’est qu’un placebo », reviendrait à tuer l’effet placebo par l’effet nocebo. Pour autant, est-il éthique de conter des calembredaines aux malades alors qu’on dénonce à juste titre le manque de transparence des médecins ? Peut-être si le médecin y croit lui-même, à condition toutefois de ne pas retarder un traitement efficace et justifié, et que les honoraires respectent « le tact et la mesure ». Au cours du colloque singulier, le médecin doit donc faire au mieux avec ce conflit éthique : utiliser l’effet placebo sans le dire tout à fait et sans mentir vraiment. Surtout ne pas s’opposer à la pensée magique du patient si elle ne comporte pas de danger pour lui. Le premier effet placebo n’est-il pas la relation médecin-malade, ce qu’oublie la « médecine industrielle » où les patients sont vus à la chaîne toutes les dix minutes ?
Mais, quand il s’agit de santé publique ou de débat public, on doit dire la vérité. Les autorités ne peuvent pas appeler à la pertinence des actes et des prescriptions si elles ne respectent pas elles-mêmes la pertinence des remboursements par la solidarité nationale. Cela concerne aussi tous les traitements n’ayant pas fait la preuve d’une efficacité supérieure au placebo et n’ayant pas un rapport bénéfice-risque jugé positif. Il n’est pas question d’interdire l’homéopathie, mais d’en faire supporter les coûts par les utilisateurs ou par le biais d’assurances privées dites « complémentaires ».
Reste l’utilisation des mots à des fins de marketing. En inventant le terme d’« allopathie », les promoteurs de l’homéopathie séparent le monde de la médecine selon leurs propres catégories. Ils visent à réduire la médecine scientifique à un dogme parmi d’autres. Or, la médecine scientifique associe de façon indissociable, d’une part, la démonstration empirique de l’efficacité apportée par les études randomisées et par le big data, et, d’autre part, la compréhension physiopathologique, aujourd’hui moléculaire, du mécanisme d’action des médicaments. Non, nous ne sommes pas des « allopathes » !
André Grimaldi
Professeur émérite
au CHU Pitié-Salpêtrière (Paris). Ce dernier déclare n’avoir pas de conflit d’intérêts en rapport
avec cet article.

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