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samedi 22 septembre 2018

Radiographie du macronisme


22 septembre 2018

Radiographie du macronisme

Une étude détaille la sociologie des partisans du chef de l'Etat

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Le mouvement créé par Emmanuel Macron en avril  2016 et qui a accompagné sa conquête de l'Elysée reste un objet politique mal identifié. C'est tout l'intérêt de l'étude que Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean Jaurès, vient de consacrer au profil des sympathisants de La République en marche (LRM).
Cette radioscopie repose sur l'analyse du panel électoral du Centre de recherches de Sciences Po, réalisée par Ipsos en partenariat avec Le Monde depuis décembre 2015. Sur la base de la dernière vague de cette enquête, menée en juin 2018 auprès de 12 387 électeurs, un échantillon de 1 696 sympathisants de LRM a été circonscrit. Il s'agit de citoyens qui répondent que le parti dont ils " se sentent le plus proches " est celui des " marcheurs ". Un noyau plus large que les adhérents, mais plus étroit que les électeurs.
Ces sympathisants, qui étaient quasi inexistants en janvier 2017, représentent actuellement 14 % de l'ensemble du panel, contre 14 % pour Les Républicains, 13 % pour le Rassemblement national, 9 % pour le Parti socialiste, 7  % pour La France insoumise et 25  % qui ne se sentent proches d'aucune formation. Si l'émergence du parti présidentiel est indéniable, elle ne lui permet pas pour autant de dominer le paysage politique.
Des Français optimistes Premier constat : les sympathisants de LRM ne sont ni particulièrement jeunes ni particulièrement urbains. Ils sont surreprésentés (+ 6 points par rapport à la moyenne des Français) chez les plus de 64 ans et ils sont à peine moins nombreux (– 2 points) dans le monde rural que dans les grandes villes (+ 2 points).
Second constat : ils sont les représentants d'une France qui va bien. C'est vrai de leur catégorie socio-professionnelle : les cadres supérieurs sont en nombre (16 % contre 11  % en moyenne), contrairement aux employés et ouvriers (17  % contre 27  % en moyenne). De même, ils sont plus diplômés et plus aisés que la moyenne : 27 % ont un diplôme au moins égal à bac + 4 (+ 8 points) et 38  % ont un revenu mensuel supérieur à 3 500 euros (+ 12 points). Enfin, c'est parmi les sympathisants de LRM que l'on trouve le plus grand nombre de Français ayant le sentiment d'avoir " réussi leur vie " : 58 %, contre 52 % chez les sympathisants proches du parti Les Républicains (LR), 49 % chez les socialistes, 40 % chez les " insoumis " et 39 % chez les lepénistes.
Enfin, 61 % d'entre eux considèrent que " la démocratie fonctionne bien ", à rebours de l'ensemble des Français (28 %). Toutefois, ils ne sont pas insensibles à la tentation d'un pouvoir fort : 46 % ont le " sentiment que la France devrait avoir à sa tête un homme fort qui n'a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections ". C'est moins qu'au RN (55 %), mais autant qu'à LR et beaucoup plus qu'à gauche.
Le centre droit en marche L'électorat d'Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle penchait nettement à gauche, 47  % des électeurs de François Hollande en  2012 ayant voté pour lui. Un an plus tard, le centre de gravité des sympathisants de LRM a glissé sensiblement vers la droite. Parmi les sympathisants d'aujourd'hui, 40  % se déclaraient proches de LR ou de l'UDI en septembre  2016, 7  % proches du MoDem et 27 % seulement proches du PS. Cette évolution confirme les nombreux sondages qui relèvent la " droitisation " de l'image du président.
Macronophiles, voire macronolâtres Sans surprise, les " marcheurs " plébiscitent à 91 % la personnalité du chef de l'Etat et à 93  % (+ 48 points par rapport à la moyenne) son action durant sa première année de mandat. Qu'il s'agisse du respect des engagements de campagne, du rythme des réformes ou de leur effet positif, leur soutien est massif. Et ils se démarquent nettement du reste des Français sur le caractère inégalitaire de la politique économique et sociale : 47  % jugent qu'elle profite avant tout aux catégories aisées, contre 76 % pour l'ensemble des Français qui considèrent Emmanuel Macron comme le " président des riches ".
Libéraux et europhiles Comme le président, ses sympathisants sont de fervents partisans de la construction européenne. Pour 63 % d'entre eux, le mot " Europe " est positif, contre 41  % pour l'ensemble des Français ; il est négatif pour 16  % seulement d'entre eux (contre 35  % en moyenne). De même, ils sont 81  % (27 points de plus que les LR) à préconiser " plus de libre-échange pour permettre aux entreprises françaises de -conquérir de nouveaux marchés ".
De manière générale, cette cohésion est remarquable sur l'ensemble des questions économiques. Comme dans toutes les familles politiques, les sympathisants LRM placent la lutte contre le chômage au premier rang des priorités. En revanche, ils sont les seuls pour lesquels la compétitivité des entreprises est citée (à 38 %) comme la deuxième priorité, devant le pouvoir d'achat, l'immigration ou la criminalité. De façon également symptomatique, s'ils ont majoritairement (55 %) une opinion positive du service public, ils n'en préconisent pas moins, pour 52  % d'entre eux, une réduction du nombre de fonctionnaires (contre 38  % pour l'ensemble des Français).
Ils sont en revanche beaucoup plus partagés sur la question de la redistribution. Ainsi, 29 % approuvent l'idée de " prendre aux riches pour donner aux pauvres ", 30 % la réprouvent et 41 % ne -tranchent pas.
L'identité fait débat Si les sympathisants LRM sont massivement libéraux sur des questions de -société, comme l'homosexualité ou la peine de mort, ils sont en -revanche très partagés au sujet de l'immigration et de l'islam. Ainsi,37 % approuvent l'idée qu'" il y a trop d'immigrés en France ", -contre 26  % qui la récusent et 37  % d'indécis. De même, 44 % estiment que " l'islam représente une menace pour l'Occident ", 28 % s'opposent à cette affirmation et 28  % sont indécis.
Au total, en dépit de la diversité de leurs origines politiques, cette radioscopie témoigne donc d'une cohésion assez forte des sympathisants de La République en -marche : ce sont pour l'essentiel des libéraux, à l'image du chef de l'Etat.
Gérard Courtois et Virginie Malingre
© Le Monde



22 septembre 2018

Un socle solide toujours traversé par le clivage gauche-droite

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Les sympathisants de La République en marche constituent la base politique du président de la République. Sous réserve que les turbulences de l'été et de la rentrée ne l'aient pas brouillé, le portrait-robot qui en est dressé par la Fondation Jean Jaurès démontre que ce socle est solide. Qu'il s'agisse du primat de l'entreprise, de l'ouverture sur le monde, de l'engagement européen ou du libéralisme sociétal, les Français qui se sentent proches du parti présidentiel partagent étroitement les -valeurs et les orientations d'Emmanuel -Macron. De même, ils approuvent massivement la politique engagée durant la -première année de son quinquennat.
Indéniable atout pour le chef de l'Etat, cette cohésion n'est toutefois pas sans failles. Si le libéralisme économique des " marcheurs " constitue un ciment idéologique puissant, des ambiguïtés ou des divisions significatives subsistent en leur sein. Ainsi, la question de la justice sociale provoque au moins de la gêne, voire du malaise : 7 % seulement estiment que " la société est juste ", contre 33  % d'avis contraire, et, surtout, 60  % qui ne parviennent pas à trancher. De même, quand on leur demande s'il faut " prendre aux riches pour donner aux pauvres ", 29 % approuvent, 30 % désapprouvent et 41  % ne se prononcent pas.
Base politique étroiteL'indécision, voire les divergences, est aussi manifeste sur les questions de l'immigration et de l'islam. Comme le souligne Gilles Finchelstein, le directeur général de la fondation, sur ces deux thématiques, comme sur celle de la redistribution, " le clivage -entre la gauche et la droite demeure structurant et vient donc traverser LRM de la même manière que des questions comme l'Europe et l'économie venaient traverser les partis traditionnels ". Même chez ses sympathisants, le " en même temps " macronien peut donc trouver là une de ses limites.
Il reste que cette radioscopie souligne, à ce stade, l'un des freins à la démarche présidentielle. Sa base politique, aussi solide soit-elle, reste étroite : il n'a creusé l'écart ni avec le parti Les Républicains ni même avec le Rassemblement national. Chercher à l'élargir risque d'en fragiliser la singularité et, du coup, la cohésion. Ne pas chercher à le faire serait s'exposer à rester durablement minoritaire. Ce serait prendre le risque de ne pas trouver dans le pays des relais assez forts pour poursuivre la politique de réforme voulue par le chef de l'Etat.
G. C. et V. Ma.
© Le Monde



22 septembre 2018

Pour reprendre la main, l'exécutif adapte son programme

Face à la baisse dans les sondages et à la colère des retraités, M. Macron a corrigé, reporté ou abandonné certaines mesures

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Edouard Philippe a senti le danger. " On peut s'améliorer. Mais le cap est là. Je suis tout à ma tâche et nous allons -tenir sur ce qui est engagé ", a une nouvelle fois assuré le premier ministre, jeudi 20 septembre, sur France Inter.
Un rappel destiné à l'opinion mais aussi à la majorité, alors que l'exécutif semble, depuis la rentrée, tiraillé entre le respect des engagements de la campagne présidentielle et l'abandon de certaines mesures pour enrayer sa chute dans les sondages.
S'il avait jusqu'ici assumé de demander des efforts aux retraités, présentés comme mieux lotis que le reste de la population, l'exécutif a ainsi décidé de faire un geste fiscal dans leur direction. Jeudi, Edouard Philippe a annoncé que 300 000 d'entre eux seraient exonérés en  2019 et en  2020 de la hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) appliquée depuis le 1er  janvier 2018. Une décision " technique ", a plaidé l'ancien maire du  Havre (Seine-Maritime), mais qui devrait tout de même représenter pour l'Etat " un effort de 350  millions d'euros " par an.
De même, Emmanuel Macron a exclu toute réforme des droits de succession. " Il faut arrêter d'emmerder les retraités ", a cinglé le chef de l'Etat devant ses -conseillers, lundi. Lors de la campagne, le candidat d'En marche ! s'était pourtant dit favorable à taxer davantage l'héritage pour favoriser le travail.
Dans une note au président de la République révélée par Le Monde en juin, trois économistes proches d'Emmanuel Macron – Jean Pisani-Ferry (Sciences Po), Philippe Martin (Conseil d'analyse économique) et Philippe Aghion (Collège de France) – avaient -encore plaidé pour " une taxation plus lourde des très -grosses successions ".
TroubleCes deux décisions, ajoutées au report cet été de la réforme institutionnelle à la suite de l'affaire Benalla et à la valse-hésitation sur le report du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, jettent le trouble. Jusqu'ici, Emmanuel Macron avait toujours donné l'impression de vouloir mener à bien son programme quel qu'en soit le coût, à la fois par souci démocratique, mais aussi pour se distinguer de ses prédécesseurs. Dans les études d'opinion, c'était d'ailleurs l'un des traits marquants de l'image du chef de l'Etat. Même les Français qui désapprouvaient sa politique lui étaient gré de respecter ses engagements.
Au sein de l'exécutif, on réfute pour autant toute idée de " godille ", un terme honni en Macronie. L'abandon de la réforme des droits de succession ? " On a promis aux Français une baisse -massive des impôts, il ne faut pas envoyer des contre-signaux qui pourraient brouiller le -message ", justifie l'entourage d'Edouard Philippe. L'exonération de 300 000 retraités de la hausse de la CSG ? " C'est plus une mesure de justice qu'une mesure électorale, les effets de seuil sont très difficiles à anticiper ", -assure François Patriat, président du groupe La  République en marche (LRM) au Sénat.
Dans l'entourage du chef de l'Etat, on se veut en tout cas rassurant sur sa détermination. " Macron sait qu'il ne peut pas perdre sa capacité à réformer, il sait que, s'il s'aseptise, il disparaît. Mais on n'est pas obligé non plus de se -fâcher avec tout le monde pour montrer qu'on réforme ", décrypte un poids lourd de la majorité. " Ceux qui croient qu'on peut faire bouger l'opinion avec une mesure quantitative se trompent. Si c'était le cas, François Hollande aurait été réélu ", estime Christophe Castaner, le délégué général de LRM.
En attendant, Emmanuel Macron a passé le mot : chacun est prié de " mettre davantage l'accent sur les mesures positives ", -selon un élu de la majorité, citant le reste à charge zéro, l'augmentation du minimum vieillesse, la baisse des cotisations sociales pour les salariés, etc.
Pour ce faire, l'exécutif va aussi nommer un nouveau patron à la tête du service d'information du gouvernement (SIG), l'organisme chargé de coordonner la communication de tous les ministères. Selon nos informations, il s'agit de Michaël Nathan, jusqu'ici vice-président de Dassault Systèmes.
Cédric Pietralunga
© Le Monde

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