Le mouvement créé par Emmanuel Macron en avril 2016 et qui a accompagné sa conquête de l'Elysée reste un objet politique mal identifié. C'est tout l'intérêt de l'étude que Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean Jaurès, vient de consacrer au profil des sympathisants de La République en marche (LRM).
Cette radioscopie repose sur l'analyse du panel électoral du Centre de recherches de Sciences Po, réalisée par Ipsos en partenariat avec
Le Monde depuis décembre 2015. Sur la base de la dernière vague de cette enquête, menée en juin 2018 auprès de 12 387 électeurs, un échantillon de 1 696 sympathisants de LRM a été circonscrit. Il s'agit de citoyens qui répondent que le parti dont ils
" se sentent le plus proches " est celui des " marcheurs ". Un noyau plus large que les adhérents, mais plus étroit que les électeurs.
Ces sympathisants, qui étaient quasi inexistants en janvier 2017, représentent actuellement 14 % de l'ensemble du panel, contre 14 % pour Les Républicains, 13 % pour le Rassemblement national, 9 % pour le Parti socialiste, 7 % pour La France insoumise et 25 % qui ne se sentent proches d'aucune formation. Si l'émergence du parti présidentiel est indéniable, elle ne lui permet pas pour autant de dominer le paysage politique.
Des Français optimistes Premier constat : les sympathisants de LRM ne sont ni particulièrement jeunes ni particulièrement urbains. Ils sont surreprésentés (+ 6 points par rapport à la moyenne des Français) chez les plus de 64 ans et ils sont à peine moins nombreux (– 2 points) dans le monde rural que dans les grandes villes (+ 2 points).
Second constat : ils sont les représentants d'une France qui va bien. C'est vrai de leur catégorie socio-professionnelle : les cadres supérieurs sont en nombre (16 % contre 11 % en moyenne), contrairement aux employés et ouvriers (17 % contre 27 % en moyenne). De même, ils sont plus diplômés et plus aisés que la moyenne : 27 % ont un diplôme au moins égal à bac + 4 (+ 8 points) et 38 % ont un revenu mensuel supérieur à 3 500 euros (+ 12 points). Enfin, c'est parmi les sympathisants de LRM que l'on trouve le plus grand nombre de Français ayant le sentiment d'avoir
" réussi leur vie " : 58 %, contre 52 % chez les sympathisants proches du parti Les Républicains (LR), 49 % chez les socialistes, 40 % chez les " insoumis " et 39 % chez les lepénistes.
Enfin, 61 % d'entre eux considèrent que
" la démocratie fonctionne bien ", à rebours de l'ensemble des Français (28 %). Toutefois, ils ne sont pas insensibles à la tentation d'un pouvoir fort : 46 % ont le
" sentiment que la France devrait avoir à sa tête un homme fort qui n'a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections ". C'est moins qu'au RN (55 %), mais autant qu'à LR et beaucoup plus qu'à gauche.
Le centre droit en marche L'électorat d'Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle penchait nettement à gauche, 47 % des électeurs de François Hollande en 2012 ayant voté pour lui. Un an plus tard, le centre de gravité des sympathisants de LRM a glissé sensiblement vers la droite. Parmi les sympathisants d'aujourd'hui, 40 % se déclaraient proches de LR ou de l'UDI en septembre 2016, 7 % proches du MoDem et 27 % seulement proches du PS. Cette évolution confirme les nombreux sondages qui relèvent la " droitisation " de l'image du président.
Macronophiles, voire macronolâtres Sans surprise, les " marcheurs " plébiscitent à 91 % la personnalité du chef de l'Etat et à 93 % (+ 48 points par rapport à la moyenne) son action durant sa première année de mandat. Qu'il s'agisse du respect des engagements de campagne, du rythme des réformes ou de leur effet positif, leur soutien est massif. Et ils se démarquent nettement du reste des Français sur le caractère inégalitaire de la politique économique et sociale : 47 % jugent qu'elle profite avant tout aux catégories aisées, contre 76 % pour l'ensemble des Français qui considèrent Emmanuel Macron comme le " président des riches ".
Libéraux et europhiles Comme le président, ses sympathisants sont de fervents partisans de la construction européenne. Pour 63 % d'entre eux, le mot " Europe " est positif, contre 41 % pour l'ensemble des Français ; il est négatif pour 16 % seulement d'entre eux (contre 35 % en moyenne). De même, ils sont 81 % (27 points de plus que les LR) à préconiser
" plus de libre-échange pour permettre aux entreprises françaises de -conquérir de nouveaux marchés ".
De manière générale, cette cohésion est remarquable sur l'ensemble des questions économiques. Comme dans toutes les familles politiques, les sympathisants LRM placent la lutte contre le chômage au premier rang des priorités. En revanche, ils sont les seuls pour lesquels la compétitivité des entreprises est citée (à 38 %) comme la deuxième priorité, devant le pouvoir d'achat, l'immigration ou la criminalité. De façon également symptomatique, s'ils ont majoritairement (55 %) une opinion positive du service public, ils n'en préconisent pas moins, pour 52 % d'entre eux, une réduction du nombre de fonctionnaires (contre 38 % pour l'ensemble des Français).
Ils sont en revanche beaucoup plus partagés sur la question de la redistribution. Ainsi, 29 % approuvent l'idée de "
prendre aux riches pour donner aux pauvres ", 30 % la réprouvent et 41 % ne -tranchent pas.
L'identité fait débat Si les sympathisants LRM sont massivement libéraux sur des questions de -société, comme l'homosexualité ou la peine de mort, ils sont en -revanche très partagés au sujet de l'immigration et de l'islam. Ainsi,
37 % approuvent l'idée qu'
" il y a trop d'immigrés en France ", -contre 26 % qui la récusent et 37 % d'indécis. De même, 44 % estiment que
" l'islam représente une menace pour l'Occident ", 28 % s'opposent à cette affirmation et 28 % sont indécis.
Au total, en dépit de la diversité de leurs origines politiques, cette radioscopie témoigne donc d'une cohésion assez forte des sympathisants de La République en -marche : ce sont pour l'essentiel des libéraux, à l'image du chef de l'Etat.
Gérard Courtois et Virginie Malingre
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