| | Hadrien Mathoux Directeur adjoint de la rédaction
La lente agonie du front républicain
L'un des réflexes électoraux les plus ancrés de la Ve République est en train de périr à petit feu. Lors du second tour des dernières élections législatives, à l'été 2024, les électeurs de la gauche et du centre ont peut-être érigé les dernières fortifications du « barrage républicain », en bloquant la route de Matignon au Rassemblement national. Aujourd'hui, les signaux faibles s'accumulent pour montrer que l'alliance de circonstance contre « l'extrême droite » est désormais loin d'être une évidence. Et que les « castors », ces électeurs de gauche et du centre parfois moqués pour leur propension à dresser des barrages sans trop réfléchir, sont à la veille d'une grande extinction.
La répartition des postes clefs à l'Assemblée nationale a ainsi été un indice marquant. Il y a un an, députés du bloc central et du Nouveau Front populaire s'étaient ligués pour barrer la route du bureau de la chambre basse au RN, en cohérence avec l'entre-deux-tours des législatives, mais renonçant au légitime besoin de représentativité du peuple français dans les instances de l'Assemblée. Un an plus tard, le RN a décroché deux postes de vice-présidents et un secrétaire, et conclu un accord tacite avec le « socle commun » dénoncé à grand bruit par la gauche.
Individuellement, de nombreuses personnalités assument désormais qu'en cas de second tour opposant Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon — perspective envisageable, à en juger les études d'opinion —, ils se résigneraient à voter pour la première, signe que la France insoumise a peut-être récupéré le mistigri de « diable de la République » qui a longtemps condamné le RN à une défaite inéluctable. Le sénateur LR Roger Karoutchi a ainsi annoncé qu'il préférerait voter « sans état d'âme » pour le représentant du RN face à LFI, « qui n'est plus dans l'arc républicain ». Récemment, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez ont martelé que les insoumis étaient « le plus grand danger politique pour notre pays ». Des propos somme toute peu surprenants, tant la proximité idéologique entre LR et le RN est bien plus grande qu'avec LFI, mais qui entérinent une rupture nette du « cordon sanitaire » tressé en son temps par Jacques Chirac.
Enfin, et surtout, il y a ce que révèlent les études d'opinion : une enquête Odoxa-Backbone montre que plus de la moitié des Français désapprouvent désormais l'appel au barrage contre le RN, tandis que 58% acceptent l'idée d'un front… anti-LFI. Dans les sondages réalisés en cas de second tour opposant Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen ou Jordan Bardella, l'insoumis est donné perdant, systématiquement avec plus de vingt points de retard. Il est un peu tôt pour prononcer l'oraison funèbre du front républicain, tant la vieille coutume peut ressurgir à la faveur d'un entre-deux tours sous haute tension, mais il semble bel et bien que la stratégie de respectabilisation du RN, couplée au jusqu'au-boutisme de LFI, aboutisse à un basculement majeur. Twitter @hadrienmathoux
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"Nouveau peuple, nouvelle gauche" : (inquiétant) précis de doctrine insoumise
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