Rebondir. Reprendre l'initiative. Emmanuel Macron espérait procéder au remaniement du gouvernement lundi 15 octobre, mais les inondations survenues dans l'Aude dans la nuit de dimanche pourraient encore provoquer le report des annonces prévues. Lundi matin, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé qu'il se rendait sur place dans l'après-midi. En tout état de cause, la nouvelle équipe exécutive devrait être au complet pour le conseil des -ministres prévu mercredi.
Depuis cet été, Emmanuel Macron cherche à sortir de cette mauvaise passe où l'a plongé l'affaire Benalla, fin juillet, et que les démissions successives de Nicolas Hulot, fin août, puis de Gérard Collomb, le 3 octobre, ont prolongée. Rien n'y a fait, ni le plan de lutte contre la pauvreté, ni le plan santé, ni sa tentative aux Antilles de paraître plus proche des Français. A chaque fois que le président de la République espérait avoir trouvé la parade pour relancer son quinquennat, il s'est trouvé confronté à de nouvelles difficultés, parfois de son propre fait, d'ailleurs. A l'Elysée, on espère que le remaniement permettra enfin de mettre un point final à cette mauvaise séquence et de trouver un second souffle.
" Vivier resserré "Il aura donc fallu près de quinze jours à l'Elysée et à Matignon pour former un nouveau gouvernement. Jamais remaniement n'aura pris aussi longtemps sous la Ve République. Jusqu'au bout, Emmanuel Macron a hésité, revu sa copie, évalué les avantages et inconvénients des différents scénarios. Avec un cahier des charges parfois paradoxal. D'une part, le chef de l'Etat veut maintenir l'équilibre subtil qu'il tente de réaliser entre ses alliés du MoDem, la droite et la gauche, le monde politique et la société civile, les hommes et les femmes. D'autre part, il a à cœur de ne pas fâcher la droite dite " constructive ", à quelques mois des élections européennes qui pourraient donner l'occasion d'une alliance entre La République en marche (LRM) et les amis d'Alain Juppé et de Jean-Pierre Raffarin notamment.
" Une véritable alchimie ", commente-t-on dans son entourage.
Ce week-end encore, Emmanuel Macron a poursuivi les tractations politiques. Même ceux de la -Macronie historique qui avaient quitté Paris pour assister au -mariage d'Ismaël Emelien, le -conseiller spécial du président de la République, n'ont pas totalement décroché.
" Le président a beaucoup consulté samedi et dimanche ", fait savoir l'Elysée. Il s'est entretenu avec le premier ministre, Edouard Philippe, Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, et Christophe Castaner, le délégué général de LRM. Il a également
" beaucoup "parlé avec le président du MoDem, François Bayrou, confie-t-on dans son entourage, et discuté avec le centriste Jean-Louis Borloo, ainsi qu'avec certains élus locaux.
Ce remaniement laissera sans aucun doute des traces. Le président de la République, même s'il s'en défend, est apparu comme ayant du mal à trancher. Par ailleurs, juge Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'IFOP, le chef de l'Etat puise désormais dans un
" vivier assez resserré " de personnalités.
" Un certain nombre d'acteurs politiques se disent que la recomposition politique, lancée par Macron au moment de la présidentielle, a du plomb dans l'aile ", explique le sondeur.
Au cours de ces deux semaines qui auront été nécessaires pour former un nouveau gouvernement, des tiraillements se sont exprimés au sein de la Macronie, notamment entre les partisans d'un rééquilibrage à gauche et ceux qui militent pour une plus grande ouverture à droite. Si Emmanuel Macron et Edouard Philippe n'ont manifesté aucune divergence publique et affirment travailler en excellente entente, leurs entourages, en revanche, n'ont pas toujours été à l'unisson.
" En prenant beaucoup de temps pour ce remaniement, l'exécutif a créé des attentes fortes ", juge un député LRM,
" il faut qu'il en sorte quelque chose qui nous donne un second souffle ".
" La semaine sera consacrée à engager cette nouvelle étape du quinquennat, commente-t-on à l'Elysée,
notamment en relançant le lien avec les territoires. " L'agenda d'Emmanuel Macron pour les jours à venir est à cet égard éloquent. Mardi, le chef de l'Etat recevra à l'Elysée Jean -Rottner, le président du conseil régional du Grand-Est, Hervé Morin, qui dirige Régions de France, et Dominique Bussereau, son homologue de l'Association des départements de France, ainsi que Gérard Larcher, le président du Sénat. Vendredi, le chef de l'Etat rencontrera Xavier Bertrand, le patron des Hauts-de-France.
" Pacte girondin "
" Le président veut évoquer avec eux la République contractuelle ", qu'il a évoquée devant le Congrès, le 9 juillet, explique l'un de ses conseillers. Alors que les relations entre l'Etat et les collectivités locales sont tendues, Emmanuel Macron veut apaiser les tensions et donner du corps à ce
" pacte girondin " qu'il appelle de ses vœux.
" La première phase - du quinquennat -
a été d'une grande verticalité mais elle était nécessaire. Aujourd'hui, nous devons davantage nous appuyer sur toutes les forces de progrès. Seuls on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ", avait expliqué au
JDD du 7 octobre le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.
Alors que les résultats de la politique menée tardent à arriver, le président de la République est conscient qu'il lui faut à la fois
" reprendre de la hauteur et paraître moins déconnecté ", confie l'un de ses proches. A l'occasion du centenaire de la première guerre mondiale, Emmanuel -Macron a d'ailleurs prévu une
" itinérance mémorielle " inédite, qui le verra, du 4 au 9 novembre, se déplacer dans onze départements du Grand-Est et des Hauts-de-France.
Invité du Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, dimanche 14 octobre, François Bayrou l'a exhorté à s'exprimer devant ses concitoyens.
" Je suis certain qu'il doit le faire et je pense qu'il le fera ", a glissé l'ancien garde des sceaux, ajoutant qu'Emmanuel Macron
" aurait dû sortir de l'Elysée pour aller à la rencontre " des Français dès cet été, après l'affaire Benalla.
" Toute la question est de savoir si la baisse de Macron dans les sondages relève de sa personnalité et de son exercice du pouvoir, ou si elle sanctionne sa politique. Auquel cas, tant que le président garde son cap, le remaniement n'y changera rien ", nuance Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos.
Virginie Malingre
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