Santé publique France devait publier lundi 15 octobre les résultats d'une enquête qui ne devrait pas rassurer les familles vivant dansles plaines d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Triel-sur-Seine (Yvelines), Méry-sur-Oise et Pierrelaye (Val-d'Oise). Dans un rapport que Le Monde a pu consulter, l'organisme de veille sanitaire détaille pourquoi il est favorable à une " incitation au dépistage du saturnisme infantile " ainsi qu'à la " mise en œuvre de mesures de réduction des expositions " au plomb. " Il n'est pas possible d'exclure la survenue d'un effet sanitaire en lien avec la présence de plomb dans les sols pour les enfants de 0 à 6 ans du site ", conclut Santé publique France.
Pendant plus d'un siècle, ces trois plaines, qui s'étendent sur 4 620 hectares entre les boucles de la Seine et la forêt de Saint-Germain-en-Laye, ont servi de gigantesque égout à Paris puis à son agglomération. Elles ont fait l'objet d'épandages massifs d'eaux usées brutes (entre 1895 et 1999) puis partiellement traitées jusqu'en 2006.
Les épandages de boues et eaux usées sont à l'origine d'une pollution qui contamine durablement les sols. Plomb mais aussi mercure, arsenic, cadmium, zinc, manganèse ou cuivre : de nombreux métaux lourds se sont accumulés dans des zones au départ réservées aux activités agricoles, qui se sont progressivement urbanisées. Au total, dix-neuf communes ont été concernées par ces pratiques. Elles représentent un bassin de population de plus de 300 000 habitants dont environ 25 000 enfants de moins de 9 ans.
Attention aux potagersSanté publique France s'est focalisée sur les enfants de moins de 6 ans car ils constituent une population à
" risque élevé d'intoxication saturnine ". Ils ont en effet tendance à ingérer davantage de plomb – par exemple en portant leurs mains à la bouche lorsqu'ils jouent dehors – et leur système nerveux est plus sensible à ses effets neurotoxiques.
L'étude répond à une saisine de 2013 de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France. Une étude provisoire rendue un peu plus tôt concluait que les risques sanitaires résultant de la pollution par le plomb étaient
" inacceptables ".
Des prélèvements ont été effectués sur 54 sites ayant subi les épandages les plus intenses. La campagne de mesures a particulièrement ciblé les établissements accueillant des enfants (crèche, école, collège) ou du public (club de sport, stade) ainsi que les potagers privés ou collectifs. Les concentrations de plomb les plus élevées ont été retrouvées dans des jardins privés (jusqu'à 690 mg/kg dans la plaine d'Achères) et ouvriers (640 mg/kg à Carrières-sous-Poissy). Des points noirs (dépassant 200 mg/kg) ont également été identifiés dans plusieurs écoles.
L'étude montre également que ces résidus sont facilement accessibles aux enfants. La fraction de plomb dite " bioaccessible " – absorbable par l'organisme – est établie à 100 %, soit
" une valeur très élevée ", précise le rapport. C'est pourquoi, outre un dépistage du saturnisme, Santé publique France préconise de compléter la présente enquête par une analyse
" technico-économique " qui devra permettre de prendre des mesures spécifiques pour réduire l'exposition au plomb.
L'organisme rappelle déjà quelques recommandations d'hygiène générale :
" lavage de mains fréquent, particulièrement avant les repas, et coupage des ongles court " pour éviter aux enfants d'ingérer du plomb au contact de la terre. Santé publique France préconise aussi de limiter la consommation des fruits et légumes des jardins.
Dans un rapport de juillet 2014, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) a émis de nouvelles recommandations, basées sur une plombémie critique abaissée à 12 microgrammes par litre de sang, pour protéger les jeunes enfants des effets neurotoxiques du plomb. Cette valeur " critique " correspond à la perte d'un point de quotient intellectuel. Les connaissances scientifiques ont mis en évidence de nombreux effets néfastes d'une exposition chronique au plomb : retards de croissance ou pubertaires, troubles du comportement ou encore réduction de l'acuité auditive.
Stéphane Mandard
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