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samedi 3 novembre 2018

Incompréhension après la mort d'un ado aux Lilas - le 17.10.208


17 octobre 2018

Incompréhension après la mort d'un ado aux Lilas

Les policiers s'interrogent sur une recrudescence des rixes ces dernières semaines en Ile-de-France

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Ce devait être un duel. Ce fut une exécution. Samedi 13  octobre, vers 19  heures, aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, un adolescent de 13 ans a été roué de coups par une bande de jeunes munis de -barres de fer. Il est mort à l'hôpital le lendemain. Lundi 15  octobre, cinq mineurs âgés de 14 à 17 ans ont été placés en garde à vue.
La victime était originaire de Bagnolet et venait régulièrement rendre visite à sa cousine dans le quartier des Sentes, que les habitants appellent Vini, du nom de la première enseigne qui s'est ins-tallée dans la cité au début des -années 1970, le supermarché Viniprix. C'est à  quelques mètres de là que s'est déroulé le drame, dans le renfoncement mal éclairé d'une petite rue tranquille, à la lisière de Romainville.
Les assaillants, eux, habitent Les Lilas. " Entre Les Lilas et Romainville, c'est une très vieille histoire, en revanche, il n'y a aucun passif avec Bagnolet ", affirme un jeune homme du quartier. Ici, personne n'a jamais entendu parler d'une rivalité opposant Les Lilas à Bagnolet. " De mémoire, nous non plus ", indique une source proche de l'enquête.
Pour les jeunes, il s'agit d'un rendez-vous qui a mal tourné entre deux collégiens qui " s'insultaient " dès qu'ils se croisaient " depuis un moment " pour des " embrouilles " dont personne ne semble connaître la cause, explique Mickaël (le prénom a été modifié), 14 ans. " Ils devaient se voir samedi pour régler ça en face-à-face, mais le garçon des Lilas a ramené toute sa bande pour le taper ", raconte Amina, 13 ans, en classe de 4e.
Plainte pour " enlèvement "Amina et ses copines disent connaître " le jeune des Lilas " et tout savoir de sa " mauvaise réputation ". Et pour cause, il serait élève en classe de 3e dans leur collège, Marie-Curie. " Il nous fait peur, il ne sait pas se battre sans une arme, une fois il a sorti un couteau devant moi parce que j'avais dit un truc qui lui plaisait pas ", lance Manda, 13 ans. " Le gamin de Bagnolet, lui, c'était un gentil, murmure Mickaël. Il y est allé seul à ce rendez-vous… "
Depuis l'annonce de la mort de l'adolescent, les CRS quadrillent le territoire. Avec une vigilance accrue à l'heure de la sortie des classes. Lundi après-midi, six camionnettes stationnaient le long de la rue des Sablons, où le garçon s'est fait tabasser. L'objectif ? Prévenir toute velléité de représailles. " Si ça n'est pas forcément, au départ, une guerre de bandes, ça pourrait vite le devenir ", commente un agent des forces de l'ordre.
Dimanche après-midi, deux des cinq mineurs gardés à vue se sont présentés à la police afin de -déposer plainte pour " enlèvement "." Ils disent avoir été retenus contre leur volonté quelques heures par vengeance ", explique la source proche du dossier.
" Le Pré - Pré-Saint-Gervais - , Bagnolet… Sur Insta - Instagram - et Snap - Snapchat - , les autres quartiers arrêtent pas de dire qu'ils vont venir se venger… Ils sont tous contre Les Lilas maintenant ", -raconte Myuvedet, 13 ans, qui trouve que l'ambiance à Vini s'est dégradée " depuis la mort de Richard ". C'était il y a deux ans. Richard avait 26 ans, il a été poignardé alors qu'il tentait de s'interposer lors d'une rixe opposant une bande des Lilas à celle de la cité Youri-Gagarine, à Romainville. Une rue seulement sépare les deux quartiers.
Selon le ministère de l'intérieur, 90 bandes organisées sont répertoriées en France, dont près de la moitié à Paris (seize) et dans sa proche banlieue (vingt-neuf). Sur les 291 interpellations liées aux bandes dans la capitale et la petite couronne en  2017, 80  % concernaient des mineurs. Si les événements violents liés aux rixes -interquartiers ont baissé entre 2016 et 2017, depuis la rentrée scolaire  2018, les affrontements s'enchaînent.
" La période est très compliquée, confirme un policier spécialisé dans les phénomènes de bandes. Il est possible que la météo joue en notre défaveur : les jeunes traînent davantage dehors, organisent des barbecues sauvages, des rodéos, ils se croisent, se toisent… "
Vendredi 12  octobre en fin de journée, dans le Val-de-Marne, une centaine de jeunes de Villiers-sur-Marne et de Champigny-sur-Marne se sont affrontés armés de bâtons et de barres de fer.
Il y a un mois, à Saint-Denis, un jeune de 16 ans a été tué lors d'une fusillade opposant deux quartiers, sur fond de trafic de stupéfiants. Il y a quinze jours, à Garges-lès-Gonesse, dans le Val-d'Oise, un jeune homme de 17 ans a été grièvement blessé après avoir été attaqué par une dizaine de personnes armées de béquilles et de boules de pétanque. La scène, -filmée par un voisin, est d'une violence extrême.
" Aujourd'hui, tout est filmé, le plus souvent, c'est l'un des jeunes qui filme pour le poster ensuite sur Snap ", commente Myuvedet. Ça fait partie du " délire ". Ainsi, il y a deux semaines, à  Créteil, un -adolescent a été molesté par -plusieurs jeunes qui l'ont forcé à  prononcer à voix haute plusieurs phrases – " Je suis nul ", " je  mérite ce qui m'arrive ", " c'est eux les plus forts " – tout en se faisant tabasser. La vidéo a ensuite été publiée sur les réseaux sociaux.
Motifs futilesLes services de police tentent de prévenir certaines rixes en procédant à une veille sur la Toile, où les participants s'échangent parfois les détails des rendez-vous, mais la stratégie s'avère de moins en moins payante : se sachant surveillés, les jeunes se montrent plus prudents. Les plus aguerris, du moins.
Si le phénomène concernait -jusqu'à présent exclusivement les zones urbaines, désormais, il gagne des territoires plus ruraux. Ainsi sur le plateau Briard par exemple, où les tensions entre jeunes de Santeny et de Mandres-les-Roses, deux communes du Val-de-Marne, s'enveniment. " C'est inattendu, assez récent, mais bien présent, même si les affrontements sont un peu moins durs ", raconte le policier.
Les motifs restent futiles : un mauvais regard, un mot de travers, une histoire de blouson volé… Tout est prétexte à la baston pourvu qu'on soit convaincu de défendre sa réputation et l'honneur de son quartier.
" Il n'y a plus aucune règle, tout est permis, y compris de tomber à  vingt sur un seul gamin. Il y a une  vraie banalisation de la violence, témoigne un officier de police qui a mené plusieurs enquêtes -concernant des affrontements entre bandes. Ils semblent complètement inconscients, ils sont dans un autre monde, comme si la vie et la mort étaient des concepts abstraits pour eux. Ils ont beaucoup de mal à réaliser ce qu'ils ont fait et oscillent entre morgue et abattement. " Pour l'heure, le motif de la rixe qui a coûté la vie au garçon de 13 ans reste inconnu.
Louise Couvelaire
© Le Monde

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