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samedi 3 novembre 2018

Les résultats des évaluations en CP et en CE1 font débat


17 octobre 2018

Les résultats des évaluations en CP et en CE1 font débat

Un élève de CE1 sur deux rencontre des difficultés en calcul mental

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Sans surprise, les premiers résultats des évaluations de CP et CE1 ne sont pas bons. " 23  % des élèves en début de CP ont des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu'elles produisent ", a affirmé Jean-Michel Blanquer dans 20 Minutes, dimanche 14  octobre. Le ministre de l'éducation nationale a également mis en avant le chiffre de 30  % d'enfants de CE1 qui lisent " moins de 30 mots par minute, alors que l'objectif national est de 50 mots ", tandis que 49  % ont des difficultés en calcul mental. Le ministère a insisté dans un communiqué sur la concordance de ces résultats avec les enquêtes internationales sur le niveau des élèves français.
Ce constat alarmiste est paru la veille de la présentation au -Conseil supérieur de l'éducation (CSE) d'un projet de loi " pour une école de la confiance "" Nos collègues avaient jusqu'à vendredi soir dernier pour rentrer les résultats de leurs élèves ", rappelle Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-UNSA. " Alors que le ministre s'apprêtait à se confronter, ce lundi, au fait qu'il n'a consulté personne pour ce projet de loi, la communication précipitée de ces résultats donne un sentiment d'urgence qui justifierait de prendre des mesures sans en débattre. " Le CSE, dont l'avis n'est que consultatif, a rejeté lundi soir le projet de loi.
D'aucuns contestent aussi les conditions de passation de ces tests et la pertinence des moyennes nationales mises en avant par le ministre. Selon plusieurs observateurs qui s'appuient sur des remontées de terrain, les enseignants ont joué le jeu, mais les consignes n'ont pas toujours été respectées, créant des différences entre les classes et parfois dans les classes elles-mêmes. " Dans certains cas, les exercices étaient -conçus sans égard pour le fait qu'un élève de début de CP a du mal à se repérer sur une page ", plaide Stéphane Crochet, du SE-UNSA. " Les enseignants ont dû s'assurer que certains avaient bien le doigt sur la bonne image. " On imagine bien que, dans d'autres classes, les maîtres ne l'ont pas fait.
Mauvais messagePour Roland Goigoux, spécialiste de la lecture à l'université de Clermont-Ferrand, il y a deux poids, deux mesures entre la communication du ministre à destination du grand public et celle des concepteurs du test auprès des enseignants au sujet des " moins de 30 mots par minute, alors que l'objectif national est de 50 mots ". L'objectif en fin de CP, selon le livret " pour enseigner la lecture et l'écriture au CP " envoyé au printemps dans les écoles, est bien de 50  mots par minute. Mais le " seuil d'alerte " établi par le ministère, au-delà duquel on considère qu'il faut surveiller un enfant, est de 29 mots. Le seuil des élèves en situation " fragile " s'établit, selon les études, autour de 11 ou 12 mots.
Dans le cercle des spécialistes des apprentissages scolaires, c'est également le contenu même des évaluations que l'on questionne. Dans l'un des exercices proposés en début de CP, les enfants doivent entourer (dans une suite de lettres), celle qui correspond au premier son d'un mot prononcé par le professeur, par exemple le " f " de " feuille ". " Cela suppose d'être capable de discriminer un son au début d'un mot, chose qui n'est pas au programme de maternelle ", pointe Roland Goigoux. Pour Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives et membre du Conseil scientifique de l'éducation nationale qui a conçu les tests, si cet exercice porte en effet sur des compétences qui ne sont pas au programme de maternelle, " il permet de savoir où chaque élève en est, et c'est utile pour l'enseignant ".
C'est justement là que le bât blesse : ces tests ont d'abord été présentés comme étant à destination des enseignants. Ceux-ci vont recevoir les résultats détaillés de leurs élèves, ainsi que des propositions de ressources pédagogiques adaptées sur la -plate-forme Eduscol. Pour Stéphane Crochet, cette communication envoie un mauvais message. " Les enseignants découvrent par voie de presse des résultats nationaux, alors qu'on leur avait bien dit qu'il s'agissait d'outils pédagogiques qui leur étaient destinés. "
Fallait-il publier des moyennes nationales de résultats à ces évaluations ? Pour Stanislas Dehaene, chercheur en neurosciences et membre du Conseil scientifique de l'éducation nationale, les résultats, intéressants à grande échelle pour les chercheurs, sont d'abord des outils pour les professeurs. Ces spécialistes attendent d'ailleurs avec impatience les tests de mi-CP. " C'est là qu'on verra réellement la progression des élèves et qu'on pourra proposer des outils de -remédiation aux enseignants  pour les élèves qui ont des difficultés -d'apprentissage de la lecture ", explique Franck Ramus.
En toile de fond de ces résultats se joue un autre tableau : le devenir du Cnesco, l'instance d'évaluation indépendante du système scolaire, dont la transformation en une nouvelle instance est prévue dans le projet de loi. Or, le Cnesco a pour rôle d'évaluer la méthodologie des évaluations internationales et nationales. Ce que, dans le cas des tests de CP et CE1, il n'aura sans doute pas le temps de faire.
Violaine Morin
© Le Monde

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