Translate

samedi 3 novembre 2018

Des travailleurs sans papiers occupent une salle de fitness à Paris...le 17.10.2018


17 octobre 2018

Des travailleurs sans papiers occupent une salle de fitness à Paris

Huit techniciens de surface se sont mis en grève et réclament leur régularisation

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
J'ai trouvé quelqu'un (…). A quelle heure vous voulez qu'il commence ?
– A 14  heures, c'est bien (…) Il a les papiers d'un copain, non ?
– Ouais.
– D'accord, OK. Tu lui dis que moi, je le déclare. Par contre, tu lui dis bien que ses congés payés, je ne les lui paye pas. Et tu lui fais signer tout de suite une lettre de démission, sans date. (…) OK, super. "
Madigundo Kante a trouvé un contrat à durée indéterminée (CDI). Ce Malien de 31 ans a  commencé à travailler pour la société de nettoyage BSL Propreté en avril. Quatre heures par jour, du lundi au samedi, il fait le ménage dans une salle de fitness parisienne, Keep Cool. Les propos échangés au moment de son embauche entre son ancien chef d'équipe et le patron de BSL Propreté – dont nous avons pu vérifier l'authenticité – montrent qu'il a été embauché sous une fausse identité et dans des conditions qui ne respectent pas le code du travail.
Lundi 15  octobre, Madigundo Kante s'est mis en grève, avec sept autres salariés de BSL Propreté, soutenus par le syndicat CGT. Maliens ou Mauritaniens, sans titre de séjour, ils sont tous techniciens de surface en CDI dans cette entreprise et travaillent dans des salles de sport parisiennes ou de Saint-Denis, des groupes Keep Cool et L'Appart. " On bosse ici, on vit ici, on reste ici ", ont entonné les huit salariés en grève, réunis à  l'intérieur de la salle du 9e arrondissement qu'ils occupent depuis lundi 15 octobre, 13 h 30. Face à eux, les clients de l'enseigne continuaient de suer, imperturbables, sur des tapis de course et des vélos elliptiques.
" Abus de vulnérabilité "" Nous revendiquons la réévaluation de leurs contrats, en adéquation avec leur charge de travail, le paiement de leurs congés payés et des jours fériés travaillés et les documents nécessaires à leur régularisation, explique Marilyne Poulain, de la CGT. Tous sont éligibles à l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. " Le syndicat a saisi l'inspection du travail. Lundi matin, les salles de sport concernées ont fait l'objet de contrôles de l'administration, qui a pu constater la situation d'emploi d'étrangers sans titre. BSL Propreté n'a pas encore répondu aux sollicitations du Monde.
Le nettoyage est considéré comme un métier en " tension ", écrivait la CGT à BSL, et cela autorise à demander des régularisations " sans vous exposer "" Il y a des patrons qui doivent être rassurés, fait valoir Marilyne Poulain. Mais là, on est dans une situation d'abus de vulnérabilité organisé. " " Je suis très choquée, je viens d'apprendre la situation ", a réagi, lundi, la DRH de Keep Cool, interrogée par Le Monde.
Bakary Timera, un Mauritanien de 43 ans, installé en France depuis trois ans et employé de BSL Propreté depuis plus de deux ans et demi, n'a jamais pu prendre de vacances. Du lundi au samedi, il fait le ménage, le matin de 6  heures à 8  heures et l'après-midi entre 14  heures et 16  heures, dans la salle Giga Gym de Saint-Denis.
Ladji Timera, un Mauritanien de 34  ans qui travaille dans les 13e et 19e arrondissements de Paris, n'ose plus réclamer le paiement des jours fériés travaillés. " Si je mets l'employeur au pied du mur, il va me virer ", justifie-t-il. Aussi, il ne s'est pas plaint lorsque BSL Propreté a  diminué de deux heures son temps de travail quotidien. Aly Gandega, un Mauritanien de 33 ans, qui travaille depuis trois ans et demi dans deux salles du  13e arrondissement, rapporte qu'il a dû utiliser trois alias depuis qu'il a  commencé à travailler pour BSL Propreté. En décembre  2017, son employeur lui aurait demandé de signer une lettre de démission non datée. " Comme ça, si tu fais une erreur, tu dégages, résume-t-il. J'ai refusé. Du coup, je n'ai toujours pas signé de nouveau contrat. "
Les salariés de BSL Propreté expliquent que leur vie entière est entravée par leur absence de titre de séjour. " Quand tu es sans papiers, tu n'es pas libre, c'est tout ", lâche Ladji Timera, dont la femme et les trois enfants sont restés en Mauritanie. Lui est logé chez son frère, dans le Val-de-Marne. " Tu rentres chez toi dès que tu as fini le travail, tu évites de sortir pour ne pas être contrôlé par la police. Tu es en souffrance. "
" Sans régularisation, il n'y a aucune inclusion possible dans la société, dit Marilyne Poulain. Avec l'hôtellerie et le bâtiment, le nettoyage est l'un des secteurs qui emploient le plus de travailleurs sans papiers car il n'y a pas besoin de qualification et ce sont des horaires décalés, observe la syndicaliste. Ce sont les basses besognes les moins attractives. Ces personnes devraient pouvoir s'insérer. "
Julia Pascual
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire