Translate

vendredi 28 septembre 2018

Vent de fronde des élus locaux contre l'exécutif


28 septembre 2018

Vent de fronde des élus locaux contre l'exécutif

Au congrès de Régions de France, Edouard Philippe a demandé aux associations de ne pas rompre le dialogue

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Entre le millier d'élus locaux – maires, présidents de département ou de région – réunis mercredi 26  septembre à Marseille dans l'auditorium du Palais du Pharo, et le premier ministre, Edouard Philippe, qui s'est adressé à eux jeudi matin, il y a comme un  gouffre d'incompréhension. Comme s'ils ne parlaient pas la même langue. Comme si deux légitimités s'affrontaient. Au risque de conduire à la paralysie de l'action publique.
" Nous ne sommes pas des opérateurs de l'Etat mais des élus du suffrage universelTous les leviers de transformation de la France reposent sur des compétences partagées Etat-collectivités. Nous demandons un agenda partagé de réformes ", clame l'" appel de Marseille pour les libertés locales ", signé par quelque 1 200  élus, dont la quasi-totalité des présidents de région et de département. " Je ne nie pas l'ampleur des transformations que nous engageons. Que voulez-vous, nous avons été mandatés pour les conduire. Alors, nous les conduisons ",leur a répondu le chef du gouvernement lors de son discours.
Le rassemblement de mercredi soir, au-delà de la longue complainte et des récriminations accumulées à l'encontre de l'" Etat recentralisateur " et de la " technostructure ", avait parfois des allures de revanche de l'" ancien monde " contre le " nouveau ". Désormais réunies dans une association commune – les Territoires unis –, les trois associations d'élus dites historiques – Association des maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France –, soutenues par un président LR du Sénat, Gérard Larcher, au meilleur de sa forme, défient le gouvernement et se posent en défenseurs de la démocratie face aux " précieuses ridicules revenues aux affaires "dixitle président de l'ADF, Dominique Bussereau, très remonté contre les " technocrates parisiens ".
" Solidarité absolue "" Nous sommes dans un meeting politique et nous sommes des militants de la démocratie ", a lancé le président de Régions de France, Hervé Morin, se félicitant que, " pour la première fois, les trois grandes associations soient ensemble alors qu'on a tout fait pour les diviser "" Oui, c'est un geste politique ", a acquiescé M.  Larcher, en profitant au passage pour poser ses conditions à la révision constitutionnelle. Le président de l'AMF, François Baroin, a fait serment de " solidarité absolue entre communes, départements et régions ", assurant que le gouvernement ne parviendrait pas à les dresser les uns contre les autres, à prendre aux uns pour donner aux autres dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale rendue nécessaire par la suppression de la taxe d'habitation.
" La main sera toujours tendue mais plus aux conditions précédentes ", a prévenu le maire LR de Troyes. Une menace à peine voilée de ne pas déférer aux prochains rendez-vous si le gouvernement ne change pas son fusil d'épaule. " La réforme ne peut se faire sans nous, car nous sommes la proximité. On ne peut gouverner seul, sinon tout se bloque ", a mis en garde Renaud Muselier, le président de la région Sud, hôte de ce rassemblement.
La tension dans les relations entre l'exécutif et les collectivités a incontestablement franchi un cran. Cette attitude de refus, qui s'est traduite par la décision de ces trois associations de boycotter la dernière Conférence nationale des territoires (CNT), le 12  juillet, ne fait cependant pas l'unanimité des représentants des collectivités. Plusieurs autres associations telles que France urbaine (grandes villes et agglomérations), Villes de France (villes moyennes), Association des petites villes de France et Association des communautés de France (intercommunalités) ne se sont pas associées à ce rassemblement et entendent poursuivre le dialogue avec l'exécutif.
" Le dialogue ne suffit pas toujours à trancher les désaccords, c'est vrai, a insisté M.  Philippe. Mais le fait qu'il subsiste des désaccords ne doit pas nous conduire à en conclure que le dialogue n'existe pas. Dire “nous ne sommes pas d'accord, donc il n'y a pas de dialogue”, c'est risquer un blocage. " Brocardant les " incantations " et les " appels solennels ", il a d'ailleurs souligné " un léger décalage entre les propos d'estrade et les contacts bilatéraux ".
Le chef du gouvernement a appelé ses interlocuteurs à reprendre toute leur place à la table des négociations, alors qu'au cours de la prochaine CNT, prévue à la fin de l'année mais dont une réunion de préparation doit avoir lieu le 15  octobre, seront traitées les questions de la future Agence nationale de cohésion des territoires, de la fiscalité locale et des conditions d'exercice des mandats locaux. " J'attends votre avis pour trancher et je regretterais votre éventuelle absence. Car avec ceux qui sont autour de la table, nous avançons, et nous continuerons d'avancer ", a-t-il prévenu. Il s'est cependant dit prêt à faire évoluer le format de la CNT, " mais, si la forme change, il faut que la nature de nos échanges évolue aussi ". Un appel à calmer le jeu, donc, à " réparer ce lien distendu, remettre de la confiance ", à reprendre la voie du dialogue, même si celle-ci est  semée d'embûches et, parfois, d'arrière-pensées. " Parlons-nous ! ", a conclu le premier ministre. De là à être entendu…
Patrick Roger
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire