Il y a vingt ans, la déferlante Internet dans les entreprises et les foyers français bouleversait l'écosystème du secteur touristique, le voyage d'affaires inclus. Aujourd'hui, tous les acteurs de la filière se préparent à une nouvelle déflagration : l'intelligence artificielle (IA). En permettant de traiter un nombre massif de données complexes et disséminées (politique voyage de l'entreprise, réservation de transports, d'hôtels, etc.), l'intelligence artificielle est l'occasion d'offrir à la clientèle d'affaires des prestations plus ciblées. Cette technologie permet aussi d'automatiser certaines tâches effectuées par des agents, source d'économies potentielles.
Pour les prestataires, il s'agit de ne pas louper le coche.
" Les agences de voyages misent dessus pour mieux maîtriser les data et répondre aux exigences d'automatisation, de reporting - la communication de données -
et de réduction des coûts ", constate Michel Dieleman, président de l'Asso-ciation française du travel management (AFTM).
Moteur de recherche amélioréLorsqu'on les interroge sur l'intelligence artificielle, les prestataires n'ont qu'un mot à la bouche : personnalisation.
" Une recherche d'hôtel peut aboutir à plusieurs pages de résultats, explique Christophe Renard, directeur de CWT Solutions Group.
L'intelligence artificielle permet de mieux trier ceux-ci, grâce à des algorithmes qui peuvent prendre en compte certaines options, par exemple des recommandations de collègues.
"
Mais cette technologie ne permet pas seulement de proposer au voyageur d'affaires des résultats plus adaptés. Chez CWT, l'utilisation de l'intelligence artificielle s'oriente aussi vers le prédictif : en collaboration avec la start-up Yalta, elle a lancé un outil qui traque les prix de vols et d'hôtels pour anticiper leur évolution. Du côté d'Havas Voyages, l'agence se sert de l'IA pour développer le sur-mesure :
" On a codéveloppé une plate-forme de réservation qui trie les résultats en tenant compte du profil du voyageur et de la -politique voyage de l'entreprise, ainsi que d'autres options comme des cartes de réduction ", fait valoir Grégory Baumann, directeur des ventes au sein de l'agence de voyages. Un moteur de recherche amélioré, en somme.
L'intelligence artificielle repose aussi sur le
machine learning, c'est-à-dire la prise en compte de données précédemment entrées par le voyageur afin de lui proposer des résultats mieux -ciblés. Cette technologie permet le développement de
chatbots, autrement dit des agents conversationnels. Contrairement à un
chat classique, c'est un robot qui pose des questions à l'utilisateur, et qui, en fonction des réponses obtenues, est censé affiner ses résultats. Les acteurs du tourisme investissent en masse sur ce service.
Du côté des transporteurs, Air France a lancé en fanfare son -nouveau
chatbot, nommé Louis, en 2017. La SNCF n'est pas non plus en reste. L'entreprise fer-roviaire a annoncé, en fin d'année dernière, s'être associée avec -Google pour être présente sur l'enceinte connectée de la firme américaine. Si, pour le moment, les
chatbots sont souvent rudimentaires, ces outils ont pour -vocation, à terme, de devenir de véritables assistants personnels – et de remplacer le conseiller voyages, du moins en partie.
Protection des donnéesReste que ces solutions soulèvent un point sensible : celui de la -protection des données. Une question souvent balayée d'un revers de main par les prestataires.
" Nous respectons bien sûr le cadre du règlement général sur la -protection des données - RGPD -
", fait ainsi valoir Grégory Baumann. Ziad Minkara, directeur général et fondateur de la centrale de réservation et de services pour l'hôtellerie d'affaires CDS Groupe, se montre, quant à lui, plus précis :
" Les données appartiennent à l'entreprise cliente.C'est elle qui recueille en amont l'accord du salarié pour le traitement des informations le concernant. Le problème se pose surtout dans la manière de stocker ces données et de devoir les effacer à partir d'une certaine durée. "
" Désormais, le RGPD formalise plus précisément et, surtout, -sanctionne plus lourdement les manquements, avertit Emmanuelle Llop, avocate et fondatrice du cabinet Equinoxe Avocats, qui est spécialisé dans le droit du tourisme.
Lorsqu'une agence a déjà conclu un contrat de voyage avec un client, la CNIL - Commission nationale de l'informatique et des libertés -
l'autorise à proposer de nouvelles offres similaires à ce même client, sans lui demander de renouveler son consentement. En revanche, pour des offres commerciales différentes, le RGPD implique que le consentement du client soit recueilli expressément et clairement. " Une subtilité que les prestataires doivent intégrer, sous peine d'être en infraction avec la loi.
Pour les agences de voyages -traditionnelles, reste aussi à ne pas se laisser dépasser par les GAFA, au premier rang desquels Google. Le géant de la Silicon Valley, qui possède un nombre inégalé de données potentiellement exploitables à travers ses différents services, est en pointe en matière d'intelligence artificielle.
Avec le développement de -Google Flights et, plus récemment, de Google Destinations, l'entreprise américaine montre des signes d'intérêt grandissant pour le marché du tourisme. A l'instar de son partenariat avec la SNCF, Google pourrait ainsi se servir de l'IA pour devenir un intermédiaire incontournable dans ce domaine et, par extension, du
business travel. Un nouveau bouleversement du secteur se profile à l'horizon.
Catherine Quignon
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