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dimanche 30 septembre 2018

" Nous sommes devenus des psychopathes de la performance "

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Le président du directoire de PSA, Carlos Tavares, et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, étaient les invités du Club de l'économie du " Monde ", jeudi 27 septembre

" Nous sommes devenus des psychopathes de la performance "

Voitures autonomes, fin du diesel, véhicules électriques… Carlos Tavares, président du directoire de PSA, décrypte les mouvements qui agitent le secteur automobile

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Alors que le Mondial de l'auto ouvre ses portes à Paris, le 4  octobre, le patron de PSA revient sur le redressement de l'entreprise et les défis technologiques et écologiques qui l'attendent.


Le redressement de PSA doit beaucoup à un marché automobile européen et mondial très porteur. Est-ce que cela va continuer ?

Nous avons eu de la chance, c'est vrai, mais nous nous préparons déjà à une conjoncture moins favorable. Notre point mort de marge opérationnelle, à partir duquel l'entreprise gagne de l'argent, a été abaissé de 2,6  millions de voitures à 1,5  million pour 3  millions de -voitures produites, hors celles d'Opel et Vauxhall. C'est une protection. Regardez BMW, qui vient d'émettre cette semaine un avertissement sur ses résultats. Cela signifie qu'il n'y a pas de position établie. D'ici à 2030, nous allons vivre une période extrêmement chaotique, pleine de risques et d'opportunités, typiquement darwinienne. Et, pour survivre dans cet environnement, il faudra être capable de se transformer et d'écarter la peur du changement. Nous sommes devenus des psychopathes de la performance.


En douze mois seulement, vous avez sorti Opel de plus de vingt ans de -pertes. Comment avez-vous fait ?

Comme nous l'avons fait avec PSA. Par une réduction des frais fixes et des coûts variables et une amélioration de la recette unitaire. Par exemple, nous avons analysé tous les canaux de vente et supprimé ceux qui vendaient à perte. Cela peut se faire au détriment de la part de marché, mais elle rebondit derrière puisque l'entreprise est devenue beaucoup plus efficace.
Deuxième élément, la réduction des coûts fixes de 28  %. Bien sûr, les effectifs ont été réduits, mais dans des proportions bien plus faibles que les 50 000 emplois détruits par Opel au cours de vingt dernières années durant lesquelles l'entreprise à perdu près de 19  milliards de dollars - 16,3 milliards d'euros - . Cet ajustement, défini avec nos partenaires sociaux, a pour objectif de rendre nos -entreprises pérennes, portées par leurs performances intrinsèques. C'est notre responsabilité, avec comme conséquence heureuse la remontée ensuite de l'activité et des effectifs. Cela a été le cas pour PSA et ce le sera pour Opel.
Enfin, nous avons demandé à nos fournisseurs de nous aider. Ils le font car il est de leur intérêt que cette entreprise ait un avenir. Mais si nous nous sommes portés acquéreurs d'Opel, c'est que les produits sont de grande qualité. En trois mois, nous avons pu revoir la stratégie de produit et de technologies et disposons maintenant d'une situation homogène entre Peugeot, Citroën, DS, d'un côté, et Opel, Vauxhall, de l'autre.


L'Europe est en train de durcir encore la réglementation sur les émissions polluantes, ce qui explique les difficultés actuelles de BMW. Est-ce un -risque pour vous ?

Nous disposons des briques technologiques nécessaires, qu'il s'agisse de véhicules purement électriques ou hybrides rechargeables. Mais il faut bien comprendre que la mobilité propre, comme la nourriture bio, c'est plus cher. Ce qui nous préoccupe, ce n'est donc pas PSA, qui saura s'adapter, mais la dimension sociétale de cette question. La vitesse à laquelle le Parlement européen nous imposera de nous transformer, par son vote le 3  octobre sur les objectifs d'émission en  2030, aura des conséquences. Donc je ne suis pas inquiet, nous saurons proposer à nos clients des objets qui protègent leur liberté de mouvement, mais si, à coups de normes et de ponctions fiscales, la charge économique les rendent élitistes, il faudra inventer la société qui va avec. Nous devons avoir une approche 360 degrés de la place de l'automobile, comme instrument d'accès à la vie, à l'emploi, à la formation.
L'autre point à prendre en considération est celui des batteries. Aujourd'hui c'est un monopole asiatique – japonais, coréen et chinois. Nous soutenons l'initiative de l'Union européenne pour créer un champion européen, car une batterie représente à peu près 40  % à 50  % de la valeur ajoutée de construction d'une automobile. C'est donc un pan entier de l'industrie européenne qui va immédiatement glisser vers l'Asie si on impose un mix de ventes électriques énormissime. Il faudra attendre 2030 et le changement de technologie du lithium ion vers les batteries solides pour que l'Europe ait une chance de revenir sur ce métier.


Les problèmes du diesel sont-ils -derrière vous ?

Totalement. Mais là aussi on est trop superficiel. Le bannissement du diesel n'a pas provoqué l'explosion des ventes de véhicules électriques mais de ceux à essence. Du coup, la première conséquence a été l'augmentation des émissions de CO2, puisque les diesels consomment moins, et la deuxième c'est que nos capacités de production européennes étant saturées nous avons dû importer nos moteurs de Chine.


Les villes rejettent progressivement la voiture. Pour vous adapter serez-vous obligé de vous transformer en loueur de trottinettes ?

Pas de problème. Le partage est inscrit dans notre plan stratégique. Notre plate-forme Free2Move est positionnée en tant que marque de services de mobilité au même niveau que nos marques automobiles. C'est une activité indépendante, avec des ressources propres, qui donne accès à des loueurs de trottinettes, de bicyclettes, de voitures, de VTC et à de l'autopartage.
Nous sommes structurés pour être acteurs de cette transformation. Le revenu peut sembler marginal mais ce qui est important c'est que l'on soit prêt le jour où nous aurons un nombre significatif de clients souhaitant accéder à ces services et qui, un jour peut-être, achèteront un véhicule d'occasion ou neuf. Nous avons actuellement 15  millions de clients en affaire avec le groupe PSA chaque année, et nous ne vendons que 4  millions de voitures. Nous voulons élargir la base de nos clients pour leur proposer tout au long de leur vie, des solutions de mobilité. A eux de décider si ce sera en partage ou en propriété.
Propos recueillis par Éric Béziat et Philippe Escande
© Le Monde

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