Paris, Barcelone, Londres, Bruxelles… Tandis que la liste des villes frappées par les attentats terroristes au cœur même de l'Europe ne cesse de -s'allonger, la protection des salariés en déplacement devient la préoccupation première des travels managers,les gestionnaires de voyages. Pour preuve : 2018 est la troisième année d'affilée où le baromètre d'American Express GBT, qui fait référence dans le milieu, désigne la sécurité comme le premier critère de la " politique voyage " des entreprises.
Il faut bien l'avouer : désormais, le voyageur d'affaires n'est à l'abri nulle part.
" Auparavant, il était facile de classer les zones à risque : Afghanistan, Irak, Syrie, etc., -souligne Jean-Jacques Richard, président d'Haxxom, société de conseil en stratégie de sûreté.
Mais, aujourd'hui, les pays considérés comme sûrs ne le sont plus systématiquement. Les collaborateurs peuvent être pris dans des -actes terroristes même s'ils vont à Londres.
" Les entreprises sont d'autant plus préoccupées par ce danger que la jurisprudence Karachi leur impose d'assurer la sécurité de leurs salariés en déplacement professionnel. Rappel des faits : en 2002, onze Français travaillant pour la société DCN sont morts dans un bus affrété par celle-ci et percuté par un kamikaze en plein cœur de Karachi. La justice a conclu à la faute inexcusable de l'employeur, faisant naître la jurisprudence qui a étendu les obligations de l'entreprise.
Face à une menace devenue mouvante, les sociétés doivent réviser leurs procédures. Parce que le danger est désormais partout – et business oblige – elles évitent de boycotter des pays jugés à risque en fonction des soubresauts de l'actualité.
" Nous n'avons pas observé d'évolution au niveau du choix des destinations pour les déplacements professionnels ", note Ziad Minkara, directeur général et fondateur de la centrale pour -l'hôtellerie d'affaires CDS Groupe.
Dans la pratique, les entreprises privilégient les dispositifs préventifs. La grande majorité (83 %) des sociétés sondées dans le cadre de l'enquête " Modern Business Traveller " d'American Express GBT, parue en août 2017, utilisent des technologies de localisation des voyageurs, tandis que 79 % communiquent en direction de leurs salariés sur les sujets de -sécurité. Mais la localisation des voyageurs se limite bien souvent à référencer l'hôtel où ils résident. En effet, les dispositifs de géolocalisations sont complexes à mettre en œuvre : il faut l'accord explicite de l'intéressé et que -celui-ci puisse se déconnecter comme il l'entend. Quant au rapatriement éventuel des collaborateurs, ce sont les assurances souscrites par les entreprises qui le prennent en charge.
Des risques sous-estimésDes dispositions plus radicales peuvent être prises pour les destinations à haut risque. Sécurité oblige, les entreprises se montrent très discrètes à ce sujet. Ziad Minkara indique que
" des cellules de sécurité gérées par l'employeur peuvent faire l'inspection préalable des chambres d'hôtels.
La validation remonte ensuite jusqu'à nous ".
" Des équipes de sécurité chargées de la protection des résidences, des voitures blindées… peuvent aussi être mises en place ", ajoute Jean-Jacques Richard.
Reste une question : où s'arrête la prise en compte du risque pesant sur les salariés ? Doit-elle -aller jusqu'au rapatriement en cas d'acte terroriste, de tremblement de terre, etc. ?
" La responsabilité de l'entreprise est complète, fait valoir M. Richard.
Elle doit assurer la sécurité de ses salariés en cas de danger.
" Par conséquent, tout repose sur la juste évaluation du risque qui pèse sur les collaborateurs. Car l'entreprise peut payer très cher le fait d'avoir sous-évalué le danger encouru par ses -salariés. Selon la jurisprudence, tout accident survenu lors d'un déplacement professionnel est présumé être un accident du travail – sauf si l'employeur parvient à démontrer qu'au moment de l'accident, le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel et indépendant. Ce qui est rarement évident.
Néanmoins, les entreprises sous-estiment parfois les risques encourus par leurs employés, si l'on se fie à l'avis de ces derniers. Selon une enquête du gestionnaire de notes de frais Concur, -parue en 2017, 28,5 % des salariés français confrontés à une situation à risque (émeutes, attaque terroriste, etc.) déclarent ne pas avoir été contactés du tout par leur employeur. Ainsi, plusieurs salariés travaillant sur le site de la tour Eiffel et qui estimaient que leur protection n'était pas suffisante, ont exercé leur droit de retrait à la suite des attentats de novembre 2015.
Le problème est encore plus -délicat pour les petites entre-prises qui n'ont pas toujours les moyens de mettre en place des dispositifs suffisants.
" La sécurité a un coût ", confirme le président d'Haxxom. Un coût qui pèse parfois trop lourd dans la balance budgétaire des sociétés.
C. Qu.
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