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dimanche 30 septembre 2018

En Syrie, Israël cible d'abord la recherche militaire


29 septembre 2018

En Syrie, Israël cible d'abord la recherche militaire

L'Etat hébreu a multiplié les bombardements, conscient que sa capacité d'action sera réduite après la guerre

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Le raidissement de ses relations avec Moscou n'y changera rien, Tel-Aviv continuera à frapper en Syrie, a annoncé, le 25  septembre, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Dans son discours prononcé à la tribune de l'ONU, jeudi 27 septembre, il a accusé l'Iran de développer des -armes nucléaires à Téhéran, et d'avoir demandé au mouvement chiite libanais Hezbollah de s'équiper de missiles de précision dirigés contre Israël.
Des propos qui font écho à la forte accélération du rythme des bombardements observée sur le sol syrien. Début septembre, un responsable israélien avait assuré dans la presse locale que -l'armée avait réalisé quelque 200 frappes au cours des dix-huit derniers mois. Les bombardements visent, avant tout, des cibles liées, selon les autorités israéliennes, au Hezbollah ou à des intérêts " iraniens ". Mais les frappes paraissent avoir également touché, avec constance, les responsables et les installations de recherche, de production et de stockage gérées par le Centre d'études et de recherches scientifiques (CERS), l'entité syrienne chargée du -développement des armes chimiques et des missiles.
Le 17  septembre, après l'attaque de la ville portuaire syrienne de Lattaquié, la chaîne de télévision russe Russia Today affirmait que, selon des " sources syriennes ", c'est " une branche technique du Centre de recherche scientifique affiliée au centre principal de Damas " qui avait été visée. Bordant une quatre-voies à la sortie de la cité, ce complexe de cinq hectares était une ancienne usine d'aluminium, en quasi-faillite en  2012, reconvertie à partir de 2014 par le bras productif du CERS, l'Organisation pour les industries technologiques (OIT), placée sous sanctions occidentales depuis 2015.
" L'OIT a été créé en  2010 et dépend du ministère de la défense. Sa principale mission consistait à importer des technologies et des composants pour les programmes de missiles sol-sol - SSM - et de roquettes - SSR - syriens ", explique Ronen Solomon, un analyste israélien en renseignement et images spatiales.Puis l'OIT a inclus dans ses missions la production de composants pour les SSM et les SSR produits par le CERS en mai  2014, dont les versions locales de missiles iraniens ", ajoute M.  Solomon.
Précision accrueLes sites du CERS de Barzeh, dans la banlieue de Damas, et de Masyaf, dans le centre du pays, ont également été visés, en avril  2017, par des frappes occidentales. La région de Masyaf abrite le plus grand réseau d'installations du CERS. Tel-Aviv soupçonne Téhéran d'y transférer des équipements pour le montage d'une version locale de son missile Fateh-110. Et craint, par-dessus tout, leur transfert au Hezbollah libanais. Le Fateh-110, d'une portée de 200 à 300  km, selon ses versions modernisées à la précision accrue, utilise un carburant solide, ce qui permet un lancement rapide (car le missile n'a pas à être chargé sur site juste avant le lancement) et rend ses lanceurs – des camions à l'apparence anodine – moins détectables.
A 10  kilomètres à l'est de la ville de Masyaf, le site de Biqraqa a été touché une première fois, le 6  septembre 2017, par l'aviation israélienne. A partir de 2012, il avait accueilli, selon d'ex-chercheurs du CERS, une division " consacrée au montage de roquettes et missiles " et " l'unité 702 "" chargée du développement du carburant solide et de la propulsion ". Les images satellites montrent que la dizaine de bâtiments détruits en  2017 ont été reconstruits, début 2018, et jouxtent le " secteur 4 " chargé de reconstruire la chaîne de fabrication, sous terre cette fois.
Le 22  juillet 2018 au soir, Biqraqa ainsi qu'une deuxième entité du CERS située à 14  kilomètres au nord sont à nouveau attaqués. Enfin, le 4  septembre, d'autres installations sont bombardées. Entre ces deux frappes, Aziz Asber, le responsable du programme balistique du CERS est tué par une bombe radiocommandée. Un groupe islamiste revendique son assassinat, mais la main d'Israël reste la plus probable. Dans une eulogie publiée après sa mort, des branches régionales parti Baas le désignaient notamment comme " l'homme de confiance du président - Al-Assad - et le maître d'œuvre des missiles Tishreen, Maysalon et Fateh ".
Le CERS fait, depuis longtemps, l'objet d'une grande attention des services secrets israéliens et américains. En  2005, le président George W. Bush désignait déjà l'institution, qui a employé jusqu'à 10 000 personnes, comme une dangereuse source de prolifération. En  2008, une lourde opération clandestine du Mossad a été lancée, en Syrie, visant des responsables du CERS. L'objectif n'était pas alors de les éliminer mais de trouver des sources pour connaître les intentions du régime syrien en matière d'armes chimiques et ses liens avec ses alliés iraniens, russe ou nord-coréen. En  2011, grâce au " retournement " d'un cadre syrien de l'organisme, le Mossad recueille des éléments précieux.
En public, en  2010, le chef du bureau de lutte contre le terrorisme israélien, Nitzan Nuriel, accuse le CERS de fournir des armes au Hamas et au Hezbollah. Depuis 2011, des avoirs du CERS et de sociétés écrans sont régulièrement gelés par le Trésor américain et l'Union européenne. L'UE inscrivait encore, en mars  2018, les noms de responsables liés au CERS sur la liste de sanctions.
La multiplication des raids aériens israéliens à l'intérieur du territoire syrien, répond, elle, à deux lignes rouges : empêcher tout transfert d'armement sophistiqué vers le Hezbollah libanais et empêcher l'implantation militaire iranienne en Syrie, directe ou indirecte (par le truchement de milices chiites). Une autre explication est avancée par des sources sécuritaires occidentales. Cette tendance s'expliquerait par la fin proche de la guerre civile en Syrie. Une fois la paix revenue, la capacité d'action militaire d'Israël serait, en effet, beaucoup plus réduite.
Au Liban, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a reconnu, le 20  septembre, les transferts d'armes en provenance de Syrie et -revendiqué la possession par son mouvement des fameux " missiles sophistiqués ".
Jacques Follorou et Madjid Zerrouky
© Le Monde

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