Trompés ", le mot revient en boucle quand on leur demande leur sentiment sur Emmanuel Macron. Quinze mois après l'élection présidentielle, les électeurs et adhérents du parti Les Républicains (LR) expriment une certaine amertume. Depuis plusieurs semaines, toutes les études d'opinion le montrent : la baisse de -popularité du chef de l'Etat est particulièrement marquée dans l'électorat de droite. Séduits un premier temps par l'audace réformatrice de ce jeune président, ces électeurs sont aujourd'hui un peu groggy. Le premier ministre, Edouard -Philippe, invité de " L'Emission poli-tique " sur France 2, jeudi 27 septembre, devait notamment s'adresser à ce public devenu rétif pour tenter de le ramener vers M. Macron.
Pour ces électeurs de droite, le candidat d'En marche ! n'a souvent pas été un premier choix lors du scrutin présidentiel. Ils ont même été nombreux à voter pour François Fillon. Mais très vite, ils ont été séduits par les discours pro-entreprise d'Emmanuel Macron et de son premier ministre. La geste du jeune président sur la scène internationale, qui a contribué à redonner une image forte de la France à l'étranger, leur avait également beaucoup plu.
Mais, en cette rentrée où le -gouvernement doit affronter les vents contraires et les sujets qui fâchent (affaire Benalla, croissance en berne, budget contesté…), la désillusion est grande dans les rangs, notamment ceux des sympathisants LR de Tourcoing (Nord) rencontrés lundi 24 septembre.
" Je l'ai cru et je suis très en colère ", annonce d'emblée Jean-Marc Vangilvin, administrateur de biens à la retraite.
" Président de riches "Ce militant LR tout en rondeurs avoue qu'il espérait un
" renouveau " avec l'arrivée au pouvoir de cet ancien ministre de l'économie à la sensibilité libérale.
" Avec sa jeunesse, j'étais persuadé qu'il allait s'attaquer aux fonctionnaires, trop nombreux, en réformant notamment leurs retraites. Mais je n'y crois plus ", continue-t-il, presque désolé. La déception est aussi très forte pour Laurent Meunier, retraité militaire, élu d'une petite commune de la banlieue de Lille.
" Macron avait de bonnes idées. Son choix de ne pas nommer seulement des politiques dans son -gouvernement, mais aussi des gens issus de l'industrie, des personnes de gauche et de droite, ça pouvait fonctionner… Mais en fait, c'est un président de riches ", soupire le quadragénaire.
Dans cette banlieue lilloise, où le taux de pauvreté atteint 27 %, deux mesures concentrent le -mécontentement : la hausse de la CSG pour les retraités et celle des taxes sur le gasoil et l'essence. Ces deux sujets de récrimination reviennent comme un leitmotiv chez ces électeurs pour lesquels le pouvoir d'achat est une préoccupation quotidienne.
C'est le cas d'Aurélie Dabrowski, 31 ans, fervente partisane de Nicolas Sarkozy, qui ne digère pas le
" mépris " du président Macron.
" Dire à une personne qu'elle devrait traverser la rue pour trouver un emploi, c'est honteux ! J'ai fait plein de petits boulots dans ce -milieu, mais partout on vous -demande de l'expérience. Les -jeunes ne sont pas des fainéants, c'est faux ! ", s'indigne la jeune femme, qui est au chômage depuis cinq ans.
Pour beaucoup,
" Macron ne connaît pas la vie des gens "." On est constamment dans l'angoisse des factures. Quand on voit le prix du gaz et de l'électricité augmenter… Ma mère, avec sa retraite de 800 euros, préfère mettre des pulls plutôt que de se chauffer ", dit-elle encore.
" Ce gars-là, il a une cuiller d'argent dans la bouche ! On a voulu lui donner une chance, il avait les marges de manœuvre, mais il ne connaît pas les gens. Tout ce qu'il fait, c'est taper sur les retraités et les chômeurs ", tance Gérard Remacle, ancien professeur de mécanique. La colère est d'autant plus vive que ces électeurs ont voulu croire aux promesses du " nouveau monde ".
" Taxer les catégories populaires, cela ne passe pas ici. Les gens ont l'impression que c'est le patronat qui gouverne ", confirme Didier Droart, maire LR de cette ancienne cité de textile.
" On n'a rien à droite "
" Je suis de droite mais très sociale et ce gouvernement, c'est plutôt la droite pas sociale du tout ", renchérit
Maxime Morice, étudiant en pharmacie. Dès les premières mesures prises par le gouvernement, comme la baisse des aides au logement ou la suppression des emplois aidés, il a senti le vent tourner. Ce juppéiste de 26 ans avait pourtant voté pour le candidat d'En marche ! dès le premier tour. Mais, à ses yeux, les promesses de campagne ont été une fois de plus oubliées.
" Macron avait dit qu'il voulait “faire plus pour ceux qui ont moins”. En fait, il délaisse les classes moyennes avec des impôts qui augmentent, des taxes… Si on ajoute le fiasco de Parcoursup - qui a connu des difficultés de mise en œuvre, cet été - ,
je suis vraiment déçu ", continue le jeune homme.
Certains, même insatisfaits, demeurent dans l'expectative.
" J'attends… ", note Pierre Verschave, patron de PME à la retraite. Ce sarkozyste convaincu –
" J'étais à fond pour lui " – s'est senti orphelin pendant la campagne erratique de François Fillon. La victoire d'Emmanuel Macron a été, pour lui, une heureuse surprise.
Il veut encore espérer le changement qu'il attendait.
" Macron est arrivé au bon moment. Aujour-d'hui, je sais bien qu'il doit mieux faire, mais il faut être encore patient. La situation économique n'est pas facile pour lui. De toute façon, on n'a rien à droite ! ", explique le sexagénaire, qui espère que le chef d'Etat sera
" ferme " pour mener les réformes. Avant de souffler :
" Parce que si ça n'avance pas… " Même pour cet optimiste, le
wait and see ne pourra pas durer trop longtemps.
Sylvia Zappi
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