Pas de plan de paix au Proche-Orient sans partage de Jérusalem. Cette position, conforme aux demandes des Palestiniens et aux paramètres de règlement du conflit défendus par la Ligue arabe et les grandes capitales européennes, a été réaffirmée durant le week-end par l'Arabie saoudite.
Dans des confidences à la presse soigneusement orchestrées, l'entourage du roi Salman a opéré une mise au point, après une série d'articles ces derniers mois suggérant que Riyad, dans un souci de rapprochement avec Israël et les Etats-Unis, pourrait lâcher le président palestinien Mahmoud Abbas sur cette question-clé.
" En Arabie saoudite, c'est le roi qui décide sur ce sujet, maintenant, et non le prince héritier, a confié un diplomate arabe de haut niveau à l'agence Reuters, à Riyad.
L'erreur des Etats-Unis a été de penser qu'un pays seul pourrait forcer les autres à céder. Mais il ne s'agit pas de pression. Aucun dirigeant arabe ne peut faire de concessions sur Jérusalem ou la Palestine. "
Fin 2017, de nombreuses sources diplomatiques avaient rapporté que le prince héritier Mohamed Ben Salman, dit " MBS ", fils du souverain et homme-orchestre du royaume, avait donné sa caution au plan de paix préparé par l'homme d'affaires Jared Kushner, le gendre du président américain Donald Trump, en quête de
" l'accord ultime " sur ce dossier phare.
Selon des fuites convergentes, le texte envisagé par le trentenaire, qui avant d'être à la Maison Blanche, était davantage spécialiste d'immobilier new-yorkais que de géopolitique proche-orientale, prévoyait la création d'un Etat palestinien fantoche, morcelé par les colonies juives qui ne seraient pas évacuées et avec, pour capitale, un simple faubourg de Jérusalem-Est.
Formaliser un front anti-IranLe
New York Times, auteur de ce scoop retentissant fin 2017,
et d'autres organes de presse, citaient même des diplomates arabes affirmant que le dauphin saoudien, âgé de 32 ans, faisait pression sur le patriarche palestinien pour qu'il se rallie à cette ébauche de règlement, en rupture avec le plan Abdallah de 2002.
Du nom du précédent monarque saoudien, ce texte, soutenu par la Ligue arabe, conditionne la reconnaissance d'Israël à son retrait des territoires occupés en 1967 et à la création d'un Etat palestinien, avec Jérusalem-Est pour capitale. Les analystes attribuaient la tentation de MBS de s'écarter de cette ligne à son désir de formaliser un front anti-Iran, rassemblant les Etats-Unis, les monarchies du Golfe et Israël.
En revenant aux fondamentaux de la diplomatie saoudienne, le roi Salman désavoue donc son très entreprenant fils, qui n'en est pas à son premier faux pas sur la scène régionale. Au mois d'avril, le roi Salman l'avait déjà recadré, à la suite de propos publié dans le magazine américain
The Atlantic.
Questionné sur le droit du
" peuple juif " à disposer
" d'un Etat-nation sur une partie au moins de sa patrie ancestrale ", MBS avait répondu que
" les Palestiniens et les Israéliens ont le droit d'avoir leur propre terre ", ce qui avaitété perçu comme un appel du pied en direction d'Israël. Le monarque s'était alors empressé de réitérer "
la position inébranlable du royaume sur les droits légitimes du peuple palestinien à un Etat indépendant avec Jérusalem comme capitale ".
En novembre 2017, MBS avait été l'instigateur de la démission forcée du premier ministre libanais Saad Hariri, qui avait placé le royaume dans une situation intenable, dont seule l'intervention du président français Emmanuel Macron lui avait permis de s'extraire.
Selon le quotidien israélien
Haaretz, Riyad et plusieurs autres capitales arabes, notamment Amman, ont communiqué à Washington leur opposition en l'état au projet de Jared Kushner. La décision de la Maison Blanche de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël – à rebours du consensus international conditionnant ce geste à un accord de paix avec les Palestiniens – et l'impact désastreux de cette annonce sur l'opinion publique arabe ont motivé, semble-t-il, le revirement du royaume.
" Ils ont dit à l'administration - américaine - :
“Ce que nous pouvions faire pour vous avant Jérusalem, nous ne pouvons plus le faire maintenant” ", a confié à
Haaretz une source diplomatique au fait de ces discussions. L'
" accord ultime " devra donc attendre.
Benjamin Barthe
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