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LE 01 NOVEMBRE 1954 « Ecrivons avec prudence, donc avec raison… » Un certain nombre d’attentats ont eu lieu cette nuit en plusieurs points d’Algérie. Ils sont le fait d’individus ou de petits groupes isolés. Des mesures immédiates ont été prises par le gouverneur général, répondant au nom de Roger Léonard ; et le ministre de l’Intérieur, répondant au nom de François Mitterrand, a mis à sa disposition des forces de police supplémentaires. Le calme le plus complet règne dans l’ensemble des populations. Ben voyons, serait-on tenté d’ajouter… En tout cas, c’est à peu près en ces termes martiaux que, le 01 novembre 1954, le ministère de l’Intérieur annonce, sans en être conscient le moins du monde, la guerre d’Algérie. Pour le gouvernement que préside Pierre Mendès France, pour la quasi-totalité du bon peuple et de ses représentants, rien, mais alors rien de rien, qui annonce le soulèvement général d’un peuple opprimé. Rien dans cet événement d’apparence mineure qui ne porte en soi une série de bouleversements politiques : chute de la IVème République et retour aux commandes du général de Gaulle, soulèvement d’une partie de l’armée contre le nouveau régime et son chef, l’homme du 18 juin 1940, et jusque dans sa personne, tragédie de massacres et d’horreurs, la pire des guerres, où le terrorisme et la répression implacable imposeront leur loi, épreuves ineffaçables pour des milliers de jeunes français arrachés à leur famille, à leur travail, à leur ville ou à leur village pour aller se battre sur une terre qui se résume, pour nombre d’entre eux, à des images de carte postale. Certains conserveront, envers et contre tout, leur dignité, tandis que d’autres des monstres deviendront, après avoir obéi à des ordres barbares. On vous l’a dit : le calme le plus complet règne dans l’ensemble des populations ; alors pourquoi diable s’inquiéter de ces violences très localisées ? Alors, si vous le voulez bien, un petit regard sur la presse de l’époque. Eh bien, vous avez, par exemple, deux colonnes seulement à la une du Monde qui, par ailleurs, en consacre trois aux élections américaines où le général Eisenhower sera élu à la présidence le 04 novembre, avec un Richard Nixon comme vice-président. « Plusieurs tués en Algérie au cours d’attentats simultanés contre des postes de police etc. » Le Figaro évoque le rôle de la Ligue arabe. L’Aurore, également brûlot de droite musclée, affirme qu’ « on se trouve dans toute l’Afrique du Nord en présence d’une seule entreprise montée pour essayer d’évincer les Français civilisateurs ». Franc-Tireur, issu de la Résistance et qui se situe à gauche, parle certes de « provocation », mais pour ajouter aussitôt « La répression du terrorisme ne doit pas empêcher dès maintenant une action réformatrice qui s’attaquerait à la cause du mal ». L’Humanité n’est pas éloignée de cette sage position « La terreur ne serait pas une solution. Celle-ci ne peut être trouvée que si l’on est prêt à faire droit aux légitimes aspirations du peuple algérien à la liberté ». Combien de morts, de drames de souffrances évitées si on n’avait pas négligé purement et simplement ces propos ?! Mais l’Algérie est décrétée terre française. Mendès France, souvent mieux inspiré, s’emmêle les crayons et déclare à la cantonade « Vous pouvez être certains, en tout cas, qu’il n’y aura, de la part du gouvernement, ni hésitation, ni atermoiements, ni demi-mesures, il n’y aura aucun ménagement contre le sédition, aucun compromis avec elle, chacun, ici, et là-bas, doit le savoir ». Sauf que le tribun ne se pose même pas la question : au fait, pourquoi la sédition ? Mais non, il se contente d’ajouter, aux fins de recueillir le maximum d’applaudissements des députés résolument « à l’ouest » : « Les départements d’Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d’une manière irrévocable. Entre elles, les populations algériennes et la métropole, il n’y a pas de sécession concevable… » Et tout le reste du même tonneau, comme si l’injustice durable était gage de légitimité. Et c’est ce même Mendès qui, le 21 juillet précédent, avait jeté l’éponge en Indochine et signé sagement les accords qui avaient mis un terme aux combats en Indochine. Combats qui avaient ôté la vie à quelque cent mille hommes des forces françaises et supplétifs des colonies. Ce genre de discours a eu pour effet, entre autres, de laisser la bride sur le coup à un Mitterrand ambigu, voire même sulfureux, et qui, piaffant d’impatience, n’attendait que ça pour jeter de l’huile sur le feu. Un Mitterrand qui, nonobstant les drames futurs, comptait bien donner un coup d’accélérateur à sa carrière… Cependant, comment en est-on arrivé là ? Que savait-on d’une éventuelle insurrection ? Les autorités responsables à Alger avaient-elles des informations ? Si oui, les avaient-elles transmises ? Un dialogue constructif, avec des réformes en profondeur, n’aurait-il pas, sans doute, évité le pire, éviter huit années de conflit avec les conséquences que l’on connaît ? Mais le voulait-on ? Ci-dessous : Tous ont fréquenté les écoles de la République. Photo prise juste avant le déclenchement de la révolution du 01 novembre 1954. (Debout, de gauche à droite : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche et Mohamed Boudiaf. Assis : Krim Belkacem à gauche, et Larbi Ben M'Hidi à droite) |
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LE 01 NOVEMBRE 1954
« Ecrivons avec prudence, donc avec raison… »
Un certain nombre d’attentats ont ...
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