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vendredi 10 août 2018

À Tel-Aviv, 100 000 manifestants contre la loi sur l'État-nation


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À Tel-Aviv, 100 000 manifestants contre la loi sur l'État-nation

Modifié le  - Publié le  | Le Point.fr

Aux côtés des manifestants druzes, de nombreux juifs, dont Tzipi Livni, Yaïr Lapid ou le maire de Tel-Aviv, ont protesté contre la loi de l'État-nation juif.


Des dizaines de milliers de manifestants contre la loi de l'Etat-nation juif, contraire a la Declaration d'independance d'Israel de 1948.
Combien étaient-ils à Tel-Aviv, place Rabin, pour protester contre la loi faisant d'Israël l'État-Nation du peuple juif ? Les médias parlent de 70 000 à 90 000 personnes. Certains avancent le chiffre de 100 000 manifestants. Une chose est sûre : pour les responsables druzes, les organisateurs de cette manifestation, c'est un indéniable succès, voire un triomphe.

Contraire à la Déclaration d'indépendance

En très peu de temps, ils ont réussi à mobiliser une grande partie de leur communauté, qui n'a pas hésité à venir par dizaines de milliers. Du jamais-vu en 70 ans d'existence d'Israël. Mieux encore : de nombreux juifs se sont retrouvés à leurs côtés ; des anonymes et des personnalités de premier plan – anciens hauts gradés de l'armée, ex-chefs du Mossad et du Shin Beth, la nouvelle dirigeante de l'opposition, Tzipi LivniYaïr Lapid, le président du parti de centre droit, Yesh Atid ( Il y a un avenir), le maire de Tel-Aviv, etc. Tous étaient réunis ce samedi 4 août, sous une forêt de drapeaux israéliens et d'emblèmes druzes, pour une même cause : l'égalité des citoyens d'Israël, sans distinction de croyance, de race ou de sexe, conformément à la Déclaration d'indépendance d'Israël du 14 mai 1948. Slogans et banderoles ne laissaient planer aucun doute : à chaque pause des orateurs, la foule répondait par « Égalité ! Égalité ! Égalité ! » tout en brandissant pancartes et affiches refusant le statut de « citoyens de seconde zone » et appelant à « l'égalité de tous ». Sans oublier cette autre affirmation, en anglais cette fois : « Quand l'injustice devient loi, la résistance est un devoir. »
Durant les 48 heures précédant le rassemblement, le gouvernement a tenté de reprendre la main par une campagne agressive, accusant les Druzes d'être manipulés par la gauche et ses ONG subventionnées par l'Europe. Une campagne menée à la télévision par ministres interposés et aussi sur les réseaux sociaux, où pro et anti-loi ne cessent de s'écharper, parfois même à coup de fake news.

« Citoyens de seconde zone »

De fait, dès le vote de la loi sur l'État-Nation, le 19 juillet dernier, la communauté druze a fait part de sa désapprobation. De nombreuses voix, beaucoup de jeunes, mais aussi d'anciens militaires, ont qualifié d'humiliant ce texte qui leur dénie l'égalité avec les juifs israéliens. Il faut rappeler que les jeunes Druzes, à l'instar des jeunes juifs, effectuent un service militaire complet de trois ans. Certains atteignent des grades élevés. Un général de division druze est actuellement membre de l'État-major. On compte trois généraux de brigade et onze colonels. La moitié des recrues druzes se portent volontaires pour servir dans les principales unités combattantes. Près de 10 % d'entre eux deviennent officiers. Des chiffres comparativement plus importants que ceux enregistrés chez les jeunes juifs. Et ils paient donc le prix du sang, comme l'a rappelé, ce samedi soir à Tel-Aviv, un des orateurs, Shaschiv Shnaan. Cet ancien député a perdu son fils, un garde-frontière tué il y a un an lors d'une attaque sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem. Il a déclaré : « Lors du vote de cette loi, j'ai réalisé que j'étais un citoyen de seconde zone et mon fils mort, un soldat de seconde zone. » De son côté, Sheikh Mowafaq Tarif, le leader spirituel de la communauté druze, a lancé : « Personne n'a à nous apprendre ce qu'est le sacrifice, la loyauté et le dévouement… Malheureusement, malgré notre loyauté sans réserve à l'État, celui-ci ne voit pas en nous des égaux. Que peut-on encore exiger de nous, alors que nous sommes totalement solidaires de l'État et de sa Déclaration d'indépendance ? » Youval Diskin, un ex-patron du Shin Beth, a exprimé son soutien aux Druzes et son opposition à la loi : « Ce texte ne vient pas renforcer Israël en tant que foyer du peuple juif. Il vient saper les solides fondations de l'État en nous divisant et en augmentant le niveau de haine parmi nous. Ce n'est pas un hasard si la loi ne mentionne pas l'égalité. C'est intentionnel ! » Il a rappelé que selon la Déclaration d'indépendance, les minorités dans l'État d'Israël doivent vivre dans la dignité et l'égalité des droits civiques.

Netanyahu inébranlable

Pour l'heure, Benjamin Netanyahu n'est pas disposé à changer quoi que ce soit à la loi Israël État-nation. Dans son entourage, un de ses conseillers a jeté de l'huile sur le feu, en déclarant : « Si les Druzes ne sont pas contents, ils n'ont qu'à aller en Syrie pour y créer la Druzie ! » La présidence du Conseil s'est contentée de publier un communiqué rejetant ces propos et affirmant qu'ils sont « contraires à la vision du Premier ministre concernant son action envers la communauté druze ». Alors quel avenir pour le combat mené par les Druzes et la minorité la plus importante, les Arabes d'Israël ? À gauche, le parti travailliste propose de faire de la Déclaration d'indépendance une loi fondamentale qui remplacerait la loi État-nation. En 1948, David Ben Gourion avait proclamé un État d'Israël assurant une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens et lancé un appel aux habitants arabes à participer au développement de l'État sur la base d'une citoyenneté égale et complète. Toutes choses remises en question 70 ans plus tard.

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