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vendredi 15 juin 2018

Santé : Macron promeut le " reste à charge zéro "


14 juin 2018

Santé : Macron promeut le " reste à charge zéro "

Des offres " 100 % remboursées " seront mises en place pour les lunettes et les prothèses dentaires et auditives

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LE CONTEXTE
Discours
" Le président ? Toujours exigeant. Pas encore satisfait du discours qu'il prononcera - mercredi 13 juin - au congrès de la Mutualité, il nous précise le brief ! " Dans un Tweet publié dans la nuit de mardi à mercredi, Sibeth Ndiaye, communicante du chef de l'Etat, a diffusé une vidéo où Emmanuel Macron réfléchit à haute voix. " On met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif " dans le système de santé, lâche-t-il avant d'évoquer le " pognon de dingue " consacré aux minima sociaux. Dans la santé comme dans la lutte contre la pauvreté, " il faut mieux prévenir ". C'est l'objet du " reste à charge zéro ". " On rembourse ces soins car ces soins évitent de payer plus ", plus tard, pour des " gros soins " qui eux sont remboursés. Et de conclure : " Là on a un fil directeur, avant (…) c'était de la lasagne faite avec de la paella. "
FEU VERT À LA TÉLÉMÉDECINE
Après la signature, prévue mercredi 13 juin, d'un accord entre trois syndicats de médecins libéraux et l'Assurance-maladie, les médecins pourront réaliser, à partir du 15 septembre, des -téléconsultations (examen médical par visioconférence), rémunérées au même tarif qu'une consultation classique, soit 25 euros pour un généraliste et 30 euros pour un spécialiste. Ils pourront également effectuer des télé-expertises (demande d'avis entre praticiens), payées 12 ou 20 euros selon le niveau de complexité de l'acte, dans un premier temps uniquement pour les patients en affection longue durée (ALD), atteints de maladies rares, résidant dans les déserts médicaux, en Ehpad ou en prison, soit au total 21,7 millions de personnes.
C'était la mesure phare du programme santé d'Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle. Aujourd'hui critiqué sur son aile gauche pour la faiblesse de son action dans le domaine social, le chef de l'Etat devait annoncer, mercredi 13  juin, devant le congrès de la Mutualité française, à Montpellier, la mise en place progressive d'ici au 1er  janvier 2021 d'offres de lunettes, de prothèses dentaires et auditives avec un " reste à charge zéro " (RAC  zéro), pour lesquelles les patients n'auront rien à débourser.
Ces trois secteurs sont ceux où les renoncements aux soins sont les plus importants : 4,7  millions de Français sacrifieraient les soins prothétiques dentaires et 2,1  millions les appareils auditifs. " La mise en place de ce reste à charge zéro est une mesure sanitaire et sociale d'une portée majeure ", déclare le député (LRM) Olivier -Véran, qui a participé à l'élaboration du programme santé du candidat Macron. " C'est une mesure qui parle à des millions de personnes, j'ai régulièrement des gens qui viennent dans ma permanence parlementaire avec un devis à la main pour me parler de ce frein financier… ", raconte l'élu afin d'expliquer pourquoi cette mesure a été privilégiée plutôt que, par exemple, la réduction des dépassements d'honoraires.
Sans condition de revenuDeux des trois accords, optique et audioprothèse, doivent être signés par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, mercredi, à Montpellier, celui sur le dentaire, le 21  juin. Très concrètement, il ne s'agit pas de supprimer tout reste à charge dans ces trois secteurs où les Français en sont aujourd'hui pour 4,4  milliards d'euros de leur poche chaque année, mais de proposer des offres d'entrée de gamme. Celles-ci seront accessibles sans condition de revenu à tous les Français couverts par une complémentaire santé, soit aujourd'hui près de 95  % de la population. Ceux qui veulent bénéficier des dernières innovations, des appareillages plus sophistiqués ou des lunettes de marque, continueront de régler eux-mêmes la facture.
Dans les trois secteurs, la mise en place de la mesure se fera par étapes jusqu'en  2021. " C'est une mesure importante où trois professions vont en partie renoncer à leur liberté tarifaire. Ce type de réforme n'est possible qu'en début de mandat, avec un pouvoir politique fort ", analyse un bon connaisseur du dossier. Dans les faits, opticiens, audioprothésistes et dentistes conserveront tout de même la possibilité de proposer des -offres à tarifs libres.
En dentaire, les détails de l'accord ont déjà été annoncés début juin, après le feu vert de deux syndicats de dentistes à l'accord négocié depuis septembre  2017 avec l'Assurance-maladie. Le texte prévoit une revalorisation des tarifs des soins courants (carie, détartrage…) en échange d'un plafonnement des tarifs des prothèses, prévu entre 2020 et 2021. Dans le panier du " reste à charge zéro ", les couronnes destinées aux dents " de devant " (incisives, canines, premières prémolaires) seront en céramique, tandis que celles destinées aux molaires, moins visibles, seront en métal. Coût de cette mesure sur cinq ans : 717  millions pour la " Sécu " et 505  millions pour les complémentaires santé.
Dans le secteur de l'audioprothèse, où le prix moyen d'un appareil est de 1 500  euros pour une oreille, et où le reste à charge moyen est d'environ 850  euros, selon les chiffres du ministère de la santé, deux " paniers de soins " seront mis en place : un à " Reste à charge zéro " et un à tarifs libres. Dans le premier, des plafonds de prix seront peu à peu instaurés : 1 300  euros en  2019, 1 100  euros en  2020, et enfin 950  euros en  2021, soit une réduction à terme de 30  % par rapport au prix moyen demandé aujourd'hui. Tous les appareils sont concernés : contour d'oreille classique, contour à écouteur déporté ou intra-auriculaire.
La " Sécu " doublera progressivement le montant de sa prise en charge, aujourd'hui très faible : de 200  euros en  2018, il passera à 400 en  2021, soit un investissement évalué à 100  millions d'euros. Les complémentaires santé augmenteront également leur participation de façon significative, pour un montant évalué à 200  millions d'euros par un participant aux négociations, même si aucun chiffre officiel n'a pour l'instant été communiqué.
Cette prise en charge à 100  % de prothèses jusque-là particulièrement mal remboursées pourrait amener des milliers de personnes à s'équiper, ce panier pouvant représenter à terme 20  % à 30  % du marché de l'audioprothèse. Même si le montant total de la prise en charge par les complémentaires, dans le cadre des contrats responsables, a été plafonné à 1 700  euros, certains s'inquiètent déjà d'un possible contrecoup de la mesure et d'une hausse du reste à charge sur les prothèses proposées dans le panier à tarifs libres.
Choix parmi 17 modèlesCôté optique, il sera possible de dissocier verres et montures, ce que réclamaient les opticiens. Pour bénéficier de montures prises en charge à 100  %, l'assuré devra choisir parmi une liste de dix-sept modèles dont le prix sera -plafonné à 30  euros. Une monture choisie hors de cette liste sera prise en charge par la complémentaire santé à hauteur de 100  euros (contre 150 aujourd'hui). Pour les verres, simples et complexes, il y aura, là aussi, deux " paniers " : un libre et un RAC zéro.
Cette réforme aura-t-elle un impact significatif pour les assurés pour l'accès à l'optique ? La question divise les observateurs du secteur. Certains, comme Mathias Matallah, le président de Jalma, un cabinet de conseil spécialisé dans la santé, estiment que cette offre " va concerner 20  % des assurés qui achetaient jusque-là dans les réseaux de soins mis en place par les complémentaires santé " et qu'à ce titre cela ne constitue en rien une réforme " historique ".
D'autres, comme Mathieu -Escot, chargé d'études à l'association de consommateurs UFC-Que choisir, jugent qu'il s'agit d'une réforme " importante " dans la mesure où " près de la moitié des assurés n'ont aujourd'hui pas accès à ces réseaux de soins "" Des retraités avec des moyens modestes et une complémentaire médiocre vont pouvoir accéder à des -offres de qualité pour les verres progressifs ", considère-t-il.
Principale critique formulée à l'encontre de ce dispositif RAC zéro : le risque de voir les complémentaires santé répercuter le coût de ces mesures sur le montant de leurs cotisations. Dans une note publiée en mai, avant les ultimes arbitrages, le cabinet de conseil en ressources humaines Mercer France considérait que le projet du gouvernement allait conduire à une " transformation du  reste à charge en cotisations ". Il pronostiquait une hausse des cotisations pour les entreprises de 5,6 % à 8,9  % pour les contrats " entrée de gamme " et de 1,6  % pour les contrats " haut de gamme ".
Pendant la campagne, Emmanuel Macron s'était engagé à ce que la mesure se fasse sans hausse de cotisation. Réponse dans quelques mois.
François Béguin
© Le Monde


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