Y aura-t-il dans les douze prochains mois une -majorité suffisante à l'Assemblée nationale pour voter une loi autorisant une aide médicale active à mourir sous certaines conditions ? Deux ans après l'adoption de la loi Claeys-Leonetti instaurant un droit à la sédation profonde et continue pour les malades en phase terminale, le débat pourrait de nouveau avoir lieu dans l'Hémicycle avec un rapport de force inédit.
Dans une tribune publiée dans
Le Monde mercredi 28 février, 156 députés, dont 122 étiquetés La République en marche (LRM), demandent qu'une nouvelle loi soit adoptée
" sans délai ".
" Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et, c'est essentiel, de leur destin. C'est pourquoi nous, députés issus d'horizons différents, proposons de légiférer en ce sens au cours de l'année 2018 ", écrivent-ils.
Jamais jusqu'à présent les députés élus en juin 2017 n'avaient si massivement pris position en faveur d'une évolution de la législation. L'été dernier, ils n'étaient qu'une cinquantaine à avoir signé la proposition de loi en ce sens du député du Rhône Jean-Louis Touraine (LRM, ex-PS), également à l'initiative de la tribune.
" La majorité du groupe parlementaire est pour ", assure aujourd'hui l'élu, estimant que
" les nouveaux députés sont moins dans la réserve que lors des mandats précédents ".
Convictions intimesOlivia Grégoire, porte-parole du groupe LRM, confirme le vif intérêt de la majorité sur ces questions.
" Il y a beaucoup de parlementaires mobilisés, soit d'anciens professionnels de santé, infirmiers et médecins, soit des parlementaires qui ont vécu, comme moi, cette épreuve de vie douloureuse en accompagnant leurs proches ",relate-t-elle.
" On a une Assemblée plus jeune, plus féminine, prête à faire bouger les lignes ", note Laurianne Rossi, députée LRM des Hauts-de-Seine, questeure de l'Assemblée et signataire de la tribune.
Déçus par la loi mise en œuvre sous François Hollande, jugée
- " hypocrite ", les partisans de l'euthanasie ont donc commencé à sortir les calculettes pour mesurer les chances de succès d'un texte l'autorisant.
" Il y a autour de 240 à 250 députés dont on est sûr qu'ils seraient favorables à une loi ", estime Jean-Luc Roméro, le président de l'association pour le droit de mourir dans la dignité.
" A la différence de la précédente mandature, les députés de la majorité ne subissent pas de pressions sur ce sujet, les choses sont donc ouvertes ", juge-t-il. Il reconnaît que si Jean Leonetti, -ancien député Les Républicains (LR) hostile à toute légalisation d'euthanasie, était encore au Parlement,
" ce serait plus compliqué pour les élus de la droite et du centre ", tant sa parole avait de poids sur cette question.
Le sujet, qui touche à des convictions très intimes, pourrait rallier des députés de gauche et de droite. Dix socialistes, six Constructifs et quatre LR ont signé la tribune de Jean-Louis Touraine. Les soutiens de membre de l'opposition seront essentiels, car sur ce sujet comme pour tous ceux ayant trait à des questions éthiques, la majorité aura liberté de vote en cas d'examen d'un texte. Elle pourrait donc ne pas faire le plein de ses voix.
Reste que ce scénario est d'abord conditionné au feu vert du président. Or Emmanuel Macron n'a pour l'instant jamais fait clairement connaître ses positions sur le sujet. Il y a un an, quelques semaines avant la présidentielle, il déclarait à
La Croix être
" favorable à ce que le débat avance " mais assurait qu'il ne se
" précipiterai - t -
pas pour légiférer ". Le 13 février, il a convié à l'Elysée plusieurs spécialistes de la fin de vie, des représentants des religions, des membres du Comité consultatif national d'éthique pour un dîner de travail autour des questions de bioéthique, à l'issue duquel il s'est bien gardé de dévoiler ses intentions.
La question n'a pourtant eu de cesse de s'inviter dans les premiers mois de son mandat. En septembre 2017 d'abord, avec la médiatisation du combat de l'écrivaine Anne Bert, atteinte d'une pathologie incurable, en faveur d'un droit à décider de sa mort. Puis en janvier, lors du lancement pour six mois des Etats généraux de la bioéthique, dont une importante part des débats sont consacrés à la question de la fin de vie.
Parmi les membres du gouvernement, on se retranche donc derrière la tenue de ce débat, qui se déroulera jusqu'en juillet, pour ne pas s'exprimer sur ce sujet. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a répété à plusieurs reprises qu'elle souhaitait attendre le résultat d'une évaluation sur la façon dont la loi Claeys-Leonetti était appliquée avant d'ouvrir de nouveau ce dossier. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est annoncé pour avril.
Climat politiqueDès lors, les élus signataires de la tribune commencent à s'interroger sur ce que pourrait être le calendrier des prochains mois. Selon eux, la question de la fin de vie pourrait être dissociée du menu du projet de loi sur la révision des lois de bioéthique, qui devrait comprendre l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. Un texte en principe attendu à l'automne. Ils estiment également peu probable que le gouvernement porte lui-même une loi sur l'euthanasie. Le dépôt d'un texte à part, émanant des députés eux-mêmes, et proposé dans le cadre d'une -niche parlementaire, semble aujourd'hui tenir la corde.
" C'est une décision qui peut être mûre au début de l'été et mise au débat parlementaire pour fin 2018 ou début 2019 ", insiste Jean-Louis Touraine, pour qui
" il ne faut pas attendre la fin de mandat " pour légiférer. Toute la question sera de savoir si Emmanuel Macron laissera vivre une initiative parlementaire à ce sujet. Et si le climat politique dans un an permettra encore à une partie de l'opposition de s'allier à la majorité sur ce texte.
François Béguin, et Manon Rescan
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