On va gagner, on va gagner ! " Il est rare, dans la période actuelle, d'entendre autant d'enthousiasme chez les militants socialistes. Ce mercredi28 mars au soir, au siège de la fédération de Haute-Garonne, à Toulouse, pourtant, les applaudissements sont longs et nourris. Ils s'adressent à Joël Aviragnet, réélu le 18 mars au terme d'une élection législative partielle qu'il a gagnée avec plus de 70 % des voix face au candidat de La République en marche. L'espoir du Parti socialiste. " Pour la première fois, on a relevé la tête, il n'y a plus de malédiction ! ",félicite Olivier Faure, élu premier secrétaire du parti jeudi 29 mars, et qui était venu achever sa campagne ici, sur les bords de la Garonne, comme le prévoit la tradition socialiste.
" Calmez-vous quand même ", ronchonne un électeur d'Emmanuel Maurel, qui n'applaudira pas de la soirée. La scène est à l'image du Parti socialiste (PS) de Haute-Garonne : enjoué, mais pas trop.
" On a une fédération qui tourne, un bon réseau d'élus, une partielle encourageante, mais on n'oublie pas les départements sinistrés ", résume Thierry Suaud, maire de Portet-sur-Garonne, à l'entrée de la réunion. Comme 75 % des militants du département, il a voté pour Olivier Faure dès le premier tour. Ce bastion socialiste, terre de Jaurès, omniprésent dans les discours des élus et des militants, est la fédération qui a apporté le plus de voix au futur premier secrétaire, juste devant le Nord.
Il faut dire que M. Faure s'est très vite emparé du travail de refondation qui avait été réalisé dès le mois de septembre par le premier secrétaire fédéral, Sébastien Vincini, qui a lancé une plate-forme participative de réflexion en ligne, auprès de ses militants puis d'autres fédérations.
" S'il y a une renaissance, rappelez-vous qu'elle aura commencé ici, dans ces territoires de Comminges, avec Joël ", loue M. Faure, longuement applaudi.
" Il a repris nos propositions ", saluent de nombreux militants qui ont voté d'abord pour une méthode de refondation, plus que pour une personnalité.
" On n'attend pas forcément un candidat pour 2022, on attend quelqu'un qui change les pratiques, explique Jacques – qui a tenu à garder l'anonymat –, la trentaine, costume et pardessus élégants.
On en a ras-le-bol du fonctionnement de Solférino. Toutes les décisions se prennent en vase clos, à Paris. Lui va redonner la parole aux militants. "
Qu'importe les critiques sur le manque de notoriété ou d'aisance sur les plateaux de télévision de leur nouveau premier secrétaire.
" Le charisme s'affirmera. Au moins, il n'est ni démago ni populiste ", poursuit M. Suaud, également conseiller régional.
" Ce n'est peut-être pas un tribun, mais nous n'avons pas besoin de tribun. Je préfère quelqu'un qui a des idées et des valeurs ", ajoute Chantal Malaval, retraitée venue de Saint-Gaudens, la ville de Joël Aviragnet.
" Ils ne sont pas tous partis "Située à une centaine de kilomètres de là, au pied des Pyrénées enneigées, Saint-Gaudens constitue le cœur de la circonscription rurale de Joël Aviragnet. Ici, les militants sont plus souriants qu'ailleurs.
" Vous venez rencontrer les irréductibles ! ",sourit Chantal, installée fièrement au café de la place Jean-Jaurès.
" Ici, c'est le village gaulois ", s'amuse Yves, retraité comme sa voisine.
" On a fait une belle campagne avec du monde, ça fait plaisir ", s'enthousiasme Jean-Luc, pilier du PS local, encore ému par la victoire de son député.
Dans cette ville industrielle et montagnarde, c'est la méthode d'Olivier Faure qui a séduit les adhérents du PS.
" La fédération fonctionnait comme celle d'il y a cinquante ans : pas de consultation sur Internet, pas de compte rendu, rien ! Nous étions organisés comme des pêcheurs à la ligne ",pointe, sous sa casquette, le plus âgé de la bande, Noël – qui souhaite rester anonyme –, arrivé un plus tard que ses camarades. Autour de la table, tous attendent du renouveau, dans les pratiques comme dans les idées :
" Nous avons toujours été un parti de progrès, il faut y revenir avec des projets neufs sur le social, l'écologie, tous les sujets qui concernent les Français ", considère Yves Cazes secrétaire de section à Saint-Gaudens.
Comme ses camarades, il déplore la fuite des militants vers En marche ! ou Génération. s :
" Je n'arrive pas à me trouver de successeur ", se lamente Noël, secrétaire de section dans la région.
" Nous sommes vieillissants ", reconnaît-il, l'œil malicieux. Face à lui, sirotant un martini blanc dans un grand verre ballon, Yves Cazes l'interrompt :
" Ils ne sont pas tous partis ! Ceux qui n'ont pas repris leur carte sont devenus des sympathisants : ils peuvent encore revenir ! ", prédit le retraité qui a noté une très forte mobilisation des déçus venus tracter pendant la campagne de M. Aviragnet.
Même optimisme chez la plus jeune du groupe, Alexandra, étudiante en BTS architecture :
" Moi, j'arrive à recruter des jeunes. Je les vois dans les réunions, ils viennent dans les meetings : ils sont nouveaux ", assure cette militante du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) qui a voté pour Benoît Hamon aux deux tours de la primaire mais qui n'a pas souhaité rejoindre Génération.s :
" Je reste fidèle. Mes idées sont celles de la solidarité. On ne peut pas être solidaire et partir ailleurs. "
Dans cette commune rurale, comme à Toulouse, on souhaite en finir avec les divisions qui ont miné le PS pendant cinq ans.
" On en a marre des chapelles. Les motions, les écuries : c'est ce qui a fait beaucoup de mal au parti ", poursuit M. Cazes qui plaide pour une réorganisation de fond en comble du parti, comme le propose le programme du futur premier secrétaire. Si certains Saint-Gaudinois sont bien venus à Toulouse pour applaudir Olivier Faure, d'autres n'ont pas fait le déplacement, refroidis par les quelque cent kilomètres qui séparent les deux villes.
" C'est galère d'aller aux “lundis de la refondation” à Toulouse, il faut absolument décentraliser le parti. C'est des territoires que viendra la reconquête ! ", prévient Chantal qui a finalement pu se libérer.
Le message est passé. M. Faure l'a entendu et remercie cette fédération devenue aussi " fauriste " que la Seine-et-Marne où il est élu député.
" Depuis que j'ai commencé ma campagne, je fais un guide Michelin des fédérations. La vôtre est certainement la plus belle ! ", conclut-il, flatteur. Au milieu des applaudissements, une Toulousaine grommelle :
" J'espère qu'il ne dit pas ça à tout le monde. "
Astrid de Villaines
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