Les déboires judiciaires de Nicolas Sarkozy se multiplient : quelques jours après avoir été mis en examen dans l'affaire du financement libyen de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2007, l'ancien président de la République est rattrapé par l'affaire de corruption à la Cour de cassation.
Les juges d'instruction ont en effet signé en début de semaine le document dans lequel ils ordonnent le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de l'ex-chef de l'Etat, aux côtés de son avocat et ami Thierry Herzog et d'un ancien haut magistrat, Gilbert Azibert, tous trois renvoyés pour des faits de " corruption " et de " trafic d'influence ".
Les avocats de Nicolas Sarkozy, Pierre Haïk et Jacqueline Laffont, ont fait savoir dans un communiqué, publié jeudi 29 mars, que l'ex-chef de l'Etat ferait
" valoir ses droits "en saisissant la chambre de -l'instruction de la cour d'appel de -Paris.
Nicolas Sarkozy est déjà sous le coup d'une ordonnance de renvoi, rendue cette fois dans le dossier Bygmalion, pour lequel le juge Serge Tournaire souhaite le voir comparaître pour " financement illégal de campagne électorale " de 2012.
Si l'affaire dite Azibert peut paraître plus anecdotique, la perspective de devoir affronter un procès pour " corruption active " et " trafic d'influence actif ", des incriminations dégradantes pour un ancien président, ne devrait pas réconcilier Nicolas Sarkozy avec la justice en général, et avec les juges d'instruction en particulier.
Dans son entourage, on ne se faisait plus guère d'illusions sur l'issue de cette procédure depuis que le Parquet national financier, en octobre 2017, avait rendu son réquisitoire.
Dans un document d'une grande sévérité pour les trois protagonistes de ce scandale, les magistrats du Parquet national financier assuraient que l'enquête des juges avait
" mis en évidence des charges lourdes et concordantes à l'encontre de MM. Azibert, Herzog et Sarkozy ", allant jusqu'à comparer les méthodes utilisées par l'ex-président et son avocat à celles de
" délinquants chevronnés " – notamment le recours, pour communiquer confidentiellement, à des lignes téléphoniques acquises sous de fausses identités.
" Magistrat dévoué "Comme l'avait indiqué
Le Monde en révélant l'affaire, le 7 mars 2014, c'est au début du mois de janvier 2014 que les juges chargés de l'enquête sur un possible financement illégal de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy par le régime libyen de Mouammar Kadhafi avaient découvert, en surveillant leurs conversations sur la ligne officielle de M. Sarkozy, que ce dernier et son avocat se parlaient aussi sur des téléphones portables " secrets ", qui furent à leur tour placés sur écoute par les enquêteurs.
" Lors de leurs communications sur cette ligne, synthétisait le Parquet national financier dans son réquisitoire,
certains de bénéficier de la clandestinité qu'elle devait leur procurer, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont abordé ensemble les moyens d'obtenir des informations privilégiées sur une instance en cours devant la Cour de cassation, portant, dans le cadre de l'affaire dite Bettencourt instruite à Bordeaux, sur la validité de la saisie des agendas appartenant à Nicolas Sarkozy. Ils ont régulièrement évoqué les moyens de tirer avantage de la présence au sein même de la Cour de cassation d'un haut magistrat qui leur était dévoué, rapidement identifié comme étant Gilbert Azibert, premier avocat général à la deuxième chambre civile de la Cour. "
Nombreux recoursSelon les enquêteurs, en contrepartie d'informations confidentielles qu'il se faisait fort d'obtenir au sein de la Cour de cassation, M. Azibert espérait, grâce à l'appui de M. Sarkozy, décrocher un poste de choix en principauté de Monaco – qu'il n'obtiendra finalement pas.
Le Parquet national financier avait stigmatisé, dans son réquisitoire, les nombreux recours intentés par MM. Sarkozy et Herzog, sans doute dans l'idée d'éviter un procès à haut risque avant la présidentielle de 2017 :
" Ouverte en février 2014 et considérée comme terminée en octobre 2016, l'information judiciaire, qui a duré trente-deux mois au total, a été paralysée plus de la moitié de ce temps, soit pendant dix-huit mois. "
Toutefois, concluait le Parquet national financier, l'enquête,
" bien que ralentie par l'exercice de multiples recours, et même suspendue, a permis de déterminer les conditions dans lesquelles Nicolas Sarkozy, par l'intermédiaire de Thierry Herzog, a bénéficié de la présence de Gilbert Azibert au sein de la Cour de cassation. Elle a également permis d'établir que Gilbert Azibert a tenté de tirer avantage de la situation en sollicitant, et en obtenant, en guise de récompense et de contrepartie, l'intervention de Nicolas Sarkozy au soutien de sa candidature pour un poste judiciaire à Monaco "…
Gérard Davet et Fabrice Lhomme
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