La nouvelle avait été en bonne partie anticipée. Elle n'en constitue pas moins un soulagement de taille pour Emmanuel Macron, et une étape majeure dans la politique budgétaire française. Le déficit public tricolore est repassé sous le seuil des 3 %, à 2,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017, a annoncé l'Insee, lundi 26 mars. C'est mieux que les 2,9 % officiellement attendus par le gouvernement, mais aussi que ce qu'avait évoqué le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Joël Giraud, qui tablait début mars sur un chiffre " proche de 2,7 % ou 2,8 % ". Surtout, c'est une première pour Paris depuis 2007, dernière année où le déficit s'était établi sous 3 % (2,6 %).
Cette bonne performance du déficit cumulé de l'Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale représente une amélioration de 0,8 point par rapport aux 3,4 % enregistrés en 2016. Elle est essentiellement due à une conjoncture économique plus favorable, qui a dopé les recettes fiscales nationales et locales, permis d'engranger des cotisations supplémentaires sur les salaires, et soutenu la croissance du PIB (+ 2 %) en 2017. Elle doit aussi au traitement comptable choisi par l'Insee, de n'intégrer que partiellement le coût de la recapitalisation d'Areva (2,3 milliards d'euros sur 5 milliards).
" Un déficit reste un déficit "Sauf énorme surprise, la France peut désormais envisager sereinement une sortie de la procédure européenne de déficit excessif, étape indispensable aux yeux de l'exécutif pour retrouver une crédibilité sur la scène européenne, et permettre au chef de l'Etat de défendre les réformes de la zone euro qu'il prône depuis le début de son mandat. Cette sortie de procédure bruxelloise exige d'enregistrer deux années de suite un déficit inférieur au seuil des 3 %. Un temps remise en cause par l'invalidation par le Conseil constitutionnel de la taxe à 3 % sur les dividendes, cet objectif semble désormais à portée de main puisque Paris vise un déficit de 2,8 % pour cette année.
La Commission européenne doit rendre en mai sa décision définitive en la matière, et le chiffre définitif du déficit tricolore pour 2017 pourrait donc varier légèrement d'ici là. Mais l'office européen de statistique Eurostat ayant indiqué au début du mois qu'il s'alignait sur le traitement comptable français de la taxe à 3 %, le plus gros risque d'une sortie de route pour Paris est désormais écarté.
" C'est une bonne nouvelle, s'est réjoui le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire.
Mais elle n'est pas synonyme de fin des efforts de redressement de nos comptes : un déficit reste un déficit. Nous continuons de dépenser plus d'argent que ce que nous avons : nous sommes toujours obligés de nous endetter pour payer nos dépenses. Le redressement des finances publiques est nécessaire, non pas pour la Commission européenne, mais pour les Français. C'est quand la croissance est bonne qu'il faut diminuer la dépense publique pour pouvoir faire face si la conjoncture internationale devenait moins favorable. " " Pour la première fois depuis longtemps, la France atteint son objectif de sortie des 3 % de déficit ", s'est pour sa part félicité Gérald Darmanin, le ministre de l'action et des comptes publics sur Twitter, évoquant une
" excellente nouvelle ".
" Nous avons un sentiment de satisfaction. Mais tout cela ne s'est pas fait en un mois, et ne devrait pas empêcher de s'interroger sur la justice fiscale des mesures prises fin 2017 - allégement de la fiscalité du capital notamment -
" ont indiqué au
Monde Michel Sapin, l'ancien ministre des finances de François Hollande, et Christian Eckert, son secrétaire d'Etat.
A n'en pas douter, ces annonces vont apporter de l'eau au moulin des partisans d'une redistribution de la " cagnotte fiscale ", mais aussi aux contempteurs du poids des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale. En effet, si la réduction du déficit constitue une bouffée d'oxygène pour Paris, tous les indicateurs sont loin d'être passés au vert. La dette publique a augmenté l'an dernier, à 97 % du PIB (contre 96,6 % en 2016), pour s'établir à un peu plus de 2 218 milliards d'euros. Les dépenses publiques se sont tout juste stabilisées à 56,5 % (contre 56,6 %). Quant au taux de prélèvements obligatoires, il a bondi de 0,8 point, à 45,4 % du PIB.
" Une partie de cette hausse est ponctuelle ", fait-on valoir à l'Insee. En effet, les remboursements versés aux entreprises dans le cadre de la taxe à 3 % sur les dividendes ont pesé sur les dépenses, tandis que la surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés, destinée à financer cette même taxe, a gonflé les prélèvements obligatoires.
Il n'empêche : même sans compter ces éléments exceptionnels, et hors charge (c'est-à-dire paiement) des intérêts de la dette, la hausse des dépenses s'est accélérée en 2017, en augmentation de 2,3 % contre + 0,7 % en 2016. Et encore, la contribution française au budget de l'Union européenne a-t-elle diminué de 4 milliards d'euros en 2017, en raison d'une moindre utilisation par Bruxelles des sommes dues. Cette nouvelle envolée des dépenses publiques est notamment à mettre sur le compte de la remontée des prix du pétrole en 2017, qui a pesé sur les achats de l'Etat. Mais aussi à une masse salariale plus importante, compte tenu des deux revalorisations du point d'indice des fonctionnaires qui ont eu lieu en juillet 2016 et en février 2017.
Dans le projet de loi de finances 2018, le gouvernement prévoyait jusqu'à présent 2,8 % de déficit public. Etant donné la dynamique de l'économie tricolore, ce chiffre devrait selon toute vraisemblance être revu à la baisse,
" en avril ou mai ", indique-t-on à Bercy. L'enjeu est de taille : en 2019, le déficit devrait de nouveau grimper à 2,9 % du PIB, compte tenu de la transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse de charge, qui entraînera sa double comptabilisation.
Audrey Tonnelier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire