Les syndicats sont d'humeur sombre après avoir pris connaissance des derniers arbitrages du gouvernement sur la réforme de l'assurance-chômage. Reçus, lundi 19 mars, au ministère du travail, en compagnie des organisations patronales, ils ont été informés des intentions de l'exécutif sur deux aspects très sensibles du dossier : le contrôle des demandeurs d'emploi et la gouvernance de l'Unédic – l'association paritaire qui gère le régime.
Premier sujet nourrissant les craintes : la modification de l'échelle des sanctions applicables aux chômeurs, dont les grandes lignes avaient été révélées dans
Le Monde du 17 mars. Ceux qui ne recherchent pas activement un poste seront plus sévèrement punis qu'aujourd'hui – avec une radiation d'un mois, pour le premier manquement. A l'inverse, les personnes qui ne se rendent pas à un rendez-vous chez Pôle emploi sortiront des listings pour des durées moins longues (quinze jours pour le premier " loupé ").
Autre confirmation : la mise en place d'un journal de bord que le demandeur d'emploi devra remplir chaque mois pour mentionner les démarches accomplies en vue de retrouver un poste. Le dispositif sera expérimenté dans deux régions en 2019 et généralisé s'il s'avère probant. Enfin, la notion d'offre raisonnable d'emploi (ORE) est maintenue, mais sous une version nouvelle : elle fera l'objet d'une discussion entre le chômeur et son conseiller Pôle emploi, qui élaboreront ainsi
" une feuille de route (…)
plus individualisée qu'à présent ", selon la formule de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, dans un entretien au quotidien
L'Opinion.
La création du journal de bord n'équivaut certes pas au
" contrôle journalier que voulait Gattaz, mais c'est - tout de même -
un contrôle mensuel ", a fustigé Denis Gravouil (CGT). Pour lui, la révision du barème des sanctions constitue un
" durcissement généralisé ". Elle va dans le sens d'un
" vrai renforcement (…)
malgré quelques adaptations à la marge ", a regretté Michel Beaugas (FO). Yvan Ricordeau (CFDT) s'est montré plus mesuré, estimant
" ne pas avoir un paysage clair de ce qui va se passer ", notamment sur
" l'équilibre " entre l'accompagnement des chômeurs et les vérifications à leur encontre pour s'assurer qu'ils sont bel et bien en quête d'une activité.
" Juge et partie "Jean-François Foucard (CFE-CGC) a exprimé un avis tout autre puisque, à ses yeux, les sanctions seront allégées – les maxima atteignant quatre mois de radiation, contre six à l'heure actuelle, d'après lui. La
" nouveauté ", a-t-il poursuivi, est le transfert à Pôle emploi des pouvoirs du préfet (réduction ou suppression de l'allocation) :
" On peut avoir un emballement - de décisions défavorables aux chômeurs -
", a-t-il lâché.
" Pôle emploi va être juge et partie", s'est agacé M. Gravouil.
L'autre point épineux abordé lundi porte sur le pilotage de l'Unédic – actuellement entre les mains des organisations syndicales et patronales. Désormais, celles-ci seront soumises à un cadrage financier très strict avant chaque négociation de convention, fixant les conditions d'indemnisation. Et elles seront également susceptibles d'avoir des objectifs à atteindre pour faire évoluer les règles du régime.
" C'est à l'épreuve des faits qu'on saura si les partenaires sociaux ont de la vraie marge pour négocier ou si c'est le gouvernement qui décide de tout, a déclaré M. Ricordeau.
Dans le premier cas, la CFDT en sera ; dans le second, elle n'en sera pas. "" On est très cadrés, voire très encadrés ", a ironisé M. Foucard.
" C'est une étatisation qui ne dit pas son nom ", renchérit M. Beaugas.
Sarah Belouezzane, et Bertrand Bissuel
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