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jeudi 1 mars 2018

Allemagne : feu vert pour bannir les vieux diesels.......DUH, l'association écolo qui fait trembler l'industrie automobile.....


1er mars 2018

Allemagne : feu vert pour bannir les vieux diesels

La justice permet d'interdire certains véhicules dans les villes afin de lutter contre la pollution de l'air

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LES MÉTROPOLES VEULENT RESPIRER MIEUX
Un peu partout, les métropoles font la chasse au diesel. Dès la fin des années 1990, Tokyo a pris des mesures antipollution drastiques qui ont fait quasiment disparaître ce type de motorisation de la capitale japonaise. D'autres grandes villes, comme Athènes, Madrid ou Mexico, se sont engagées à le bannir d'ici à 2025. De son côté, Londres a mis en place, fin 2017, une nouvelle taxe pour les voitures antérieures à 2006 et prévoit d'éliminer le diesel vers 2040.
A Paris, depuis le 1er juillet 2016, les véhicules immatriculés avant 1997 sont interdits dans les rues de la capitale durant la journée en semaine. C'est aussi le cas, depuis l'été 2017, des véhicules diesel antérieurs à 2001. La maire, Anne Hidalgo, a annoncé la fin des moteurs diesel en 2024 – elle espérait au départ y parvenir dès 2020 – et celle des véhicules à essence en 2030. A l'échelle de la France, le " plan climat " annoncé en juillet 2017 par Nicolas Hulot prévoit la fin de la vente des véhicules thermiques (diesel ou essence) à l'horizon 2040.
La décision est un tournant dans l'histoire de la mobilité et du diesel en Allemagne. Mardi 27  février, le tribunal de Leipzig, la plus haute juridiction administrative allemande, a décidé que les villes pourraient à l'avenir interdire aux vieux véhicules diesel de circuler, afin de lutter contre la pollution de l'air.
Par cet arrêt, qui a des conséquences dans tout le pays, les juges ont tranché en faveur de la petite association environnementale Deutsche Umwelthilfe contre les autorités des puissantes cités de Stuttgart et de Düsseldorf : celles-ci affirmaient que les interdictions n'étaient pas conformes au droit.
Pour des millions d'automobilistes allemands, il y aura donc un avant et un après Leipzig. Désormais, tout propriétaire d'un véhicule équipé d'un moteur diesel antérieur à la norme Euro  6 pourrait être contraint de le laisser au garage. Les conséquences économiques et sociales sont potentiellement considérables : sur les 15  millions de véhicules diesel en circulation outre-Rhin, presque dix millions sont dans ce cas.
La grande majorité des flottes d'entreprise est composée de véhicules équipés avec cette motorisation. Les automobilistes qui roulent au diesel sont aussi en général ceux qui font le plus de kilomètres ; ce sont ceux qui parcourent les plus longues distances entre leur travail et leur domicile. Non seulement ils pourront, sauf exception, être empêchés de circuler, mais leur véhicule a perdu, depuis mardi, une grande partie de sa valeur.
Course contre la montreLes ventes de diesel, déjà en chute libre outre-Rhin, pourraient encore reculer. Une catastrophe pour l'industrie automobile – la première du pays –, qui répète depuis deux ans que le diesel, malgré les scandales, est encore une technologie d'avenir.
Que ces interdictions soient conformes au droit ne signifie pas forcément qu'elles seront appliquées. Face à l'émotion qu'a suscité la décision, la ministre de l'environnement, Barbara Hendricks, a répété, mardi, que les communes pouvaient les éviter en organisant une " vraie réforme de la circulation ", par exemple en développant les transports en commun.
La chancelière Angela Merkel a assuré que " l'Etat fédéral aiderait les communes à tenir leur plan de pureté de l'air ". Pour les villes allemandes qui dépassent régulièrement les seuils de pollution imposés par la Commission européenne, c'est une course contre la montre qui commence. Si elles ne parviennent pas à améliorer rapidement la qualité de leur air, elles pourraient être contraintes par la justice de bannir les vieux véhicules, mesure considérée par le Bureau fédéral pour l'environnement comme la solution la plus efficace pour faire baisser le taux d'oxyde d'azote dans l'atmosphère.
Or les marges de manœuvre sont réduites : une étude publiée début février par l'Institut de recherche sur l'automobile de l'université de Duisburg-Essen a calculé que, dans trente-cinq grandes villes allemandes, les limites d'émissions de dioxyde d'azote ont été dépassées dans les six premières semaines de l'année 2018.
Doublement amerStuttgart, Düsseldorf, Hambourg, Munich, Berlin, Cologne, Kiel ou encore Bonn sont directement concernées. Dans ces agglomérations et dans une dizaine d'autres, l'association Deutsche Umwelthilfe a intenté ou déjà gagné des procès contre les autorités à cause de leur action jugée insuffisante pour rendre les rues plus respirables.
Stuttgart et Düsseldorf, qui avaient été condamnées en  2017 – et qui viennent donc de perdre, mardi, leur action en appel –, pourraient être forcées d'agir rapidement. Pour la première, l'échec est doublement amer, car non seulement la ville est dirigée par des écologistes, mais elle est le berceau de l'automobile allemande, patrie de Mercedes et de Bosch, le leader mondial des systèmes de motorisation diesel. Chez le plus gros sous-traitant automobile du monde, 50 000 emplois dépendent directement de cette technologie. La décision du tribunal de Leipzig va-t-elle enterrer le diesel ? Les constructeurs allemands, spécialistes des grosses berlines et des lourds 4  x  4 urbains, sont fortement dépendants de cette motorisation, réputée moins gourmande en carburant que les moteurs essence et moins émettrice de CO2. Depuis des mois, ils multiplient les initiatives pour inciter les automobilistes à changer leur vieux diesel contre un modèle plus récent et ils actualisent les logiciels des moteurs.
DilemmeMais ils refusent catégoriquement un moyen jugé efficace à long terme pour réduire les émissions : les réparations invasives des véhicules. Celles-ci permettraient de réduire de 50  % à  70  % les émissions de dioxyde d'azote des diesels Euro 5, ont calculé, mi-février, les experts de l'Association des automobilistes allemands. C'est la solution prônée aussi par le ministère de l'environnement, qui exige que les constructeurs prennent en charge ces réparations. Mais ces derniers arguent des complications techniques et tiquent sur le coût de l'opération : de 1 400  euros à 3 300  euros par véhicule.
Mardi, le ton des réactions en disait long sur le mécontentement qui monte en Allemagne. La Fédération des artisans (ZDH)a réitéré son " rejet catégorique " des interdictions de circuler et a appelé les villes à " tout mettre en œuvre " pour les éviter. Le Syndicat des entreprises de taille moyenne (BVMW) voit dans le jugement de Leipzig une " menace pour l'existence des petites et moyennes entreprises ", le bannissement des vieux diesels équivalant pour beaucoup d'entre elles à " une expropriation du capital social ".
Le gouvernement va-t-il contraindre les constructeurs à obtempérer ? Depuis des mois, pour Berlin, le dilemme est cornélien ; 800 000 emplois dépendent directement de l'industrie automobile qui a vendu à l'international pour 234  milliards d'euros de biens en  2017, au premier rang des exportations du pays, loin devant les machines et la chimie.
Et la colère des automobilistes pourrait être très coûteuse politiquement. Les propriétaires des diesels les plus anciens sont les moins fortunés, ceux qui habitent loin de leur lieu de travail et qui n'ont pas les moyens de s'offrir un véhicule plus récent. Pour eux, la voiture est le premier investissement du foyer et un bien de première nécessité. Un électorat populaire aujourd'hui de plus en plus tenté par le vote en faveur du parti d'extrême droite AfD (Alternative für Deutschland).
Cécile Boutelet
© Le Monde


1er mars 2018

DUH, l'association écolo qui fait trembler l'industrie automobile

Jürgen Resch, président de Deutsche Umwelthilfe, dont la méthode est de multiplier les actions en justice, remporte une victoire considérable

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En avançant sur la passerelle de métal noirci, on ose à peine respirer. Est-ce le vertige que donne le surplomb des quatre voies bondées de la Cannstatter Strasse, véritable autoroute au milieu de Stuttgart ? Ou bien la triste notoriété du lieu ? L'endroit, appelé Neckartor, détenait jusqu'à l'an dernier le record du site le plus pollué d'Allemagne. La station de mesure de l'air, installée juste sous la passerelle, enregistre des taux d'émissions de dioxyde d'azote et de particules fines qui dépassent régulièrement les normes autorisées.
A chaque fois que Peter Erben, un militant, fait " visiter " la passerelle à des journalistes, il est sûr de son effet. On préfère effectivement ne pas trop s'y attarder pour l'interview. La conversation se poursuivra dans la salle paroissiale de l'église protestante de la Schubartstrasse toute proche, qui sert de QG aux activistes de la pureté de l'air dans le quartier, un peu comme les opposants au régime est-allemand en  1989 se réunissaient dans les églises. Avec d'autres initiatives locales, ils ont organisé les premiers procès contre la pollution aux particules fines en  2008, avant de s'attaquer aux oxydes d'azote. " Tous les deux ans, la ville a lancé de nouveaux instruments pour combattre les particules. On a eu la balayeuse, puis le colleur à particules, et maintenant c'est le mur de mousse !, ironise Manfred Niess, un autre militant. On est dans une situation permanente de violation du droit. "
PugnacitéLongtemps, ces activistes ont été considérés à Stuttgart, la patrie de Daimler, Bosch et Porsche, comme une poignée de fous. Mais depuis les succès de leurs alliés de l'association environnementale Deutsche Umwelthilfe (DUH), on les traite plutôt de dangereux terroristes. Mardi 27  février, la DUH a en effet remporté une victoire symbolique considérable : le tribunal administratif fédéral de Leipzig lui a donné raison dans un procès en appel contre les autorités de Stuttgart et de Düsseldorf, ouvrant la voie à une interdiction des vieux diesels dans les villes pour lutter contre la pollution. Une décision historique pour l'Allemagne, berceau de la technologie diesel.
Quel type de militant faut-il être pour s'en prendre à une industrie qui fait vivre 800 000  familles en Allemagne, et pour gagner son combat ? Une chose est sûre : il n'est pas nécessaire d'être nombreux. La DUH, implantée près du lac de Constance en Bade-Württemberg, compte moins de 300 membres. Ses alliés locaux, comme Peter Erben et ses compagnons, ne sont que quelques-uns. L'incroyable succès de la DUH repose essentiellement sur la pugnacité d'un homme : Jürgen Resch, président de l'organisation.
Avec ses cheveux blancs et ses lunettes à montures noires, le militant écologiste est devenu une des figures les plus médiatisées et controversées du pays. Sa méthode : les plaintes systématiques devant les tribunaux administratifs locaux, permises par le statut d'association d'intérêt général de la DUH. " Les politiques sont impuissants contre l'automobile, la seule chose qui fonctionne en Allemagne est la justice ",expliquait-il au Monde il y a quelque temps.
La lutte contre la pollution de l'air des villes est un des principaux chevaux de bataille de l'association. La DUH est à l'origine de l'imposition du filtre à particules sur les véhicules au milieu des années 2000. Depuis une décennie, elle s'est illustrée par ses attaques spectaculaires contre le moteur diesel. " Pendant huit ans, de 2007 à 2015, nous avons attiré l'attention des autorités et de la presse sur les dépassements systématiques des émissions, les fonctions problématiques de certains moteurs, en fournissant des données précises. On nous a répondu : nous ne contrôlerons pas plus, laissez le juge décider ", se souvient Jürgen Resch.
Quand le scandale Volkswagen éclate, en septembre 2015, il savoure sa victoire de lanceur d'alerte. " Vous nous avez gonflés avec ça pendant des années et maintenant tout s'avère vrai ! ", l'avait alors félicité l'écologiste Bärbel Höhn. Début 2017, à la suite d'une plainte de la DUH, le juge administratif de Stuttgart a été le premier à imposer à la ville une date butoir pour respecter les seuils limites de pollution, au-delà de laquelle devraient s'appliquer des interdictions de circuler.
Mais Jürgen Resch, le rebelle du pays de l'automobile, est aussi critiqué pour ses méthodes. L'association bénéficie d'un budget confortable de 8  millions d'euros, provenant des revenus tirés de ses procès contre des industriels traqués pour " fausse informations au consommateur ", mais aussi de dons privés. Toyota, grand spécialiste des moteurs hybrides, est ainsi un de ses généreux bienfaiteurs. L'industrie automobile allemande, elle, honnit le militant, mais ne craint pas les contradictions : Mercedes a ainsi fait tester son dernier modèle diesel aux experts de l'association. Ceux-ci ont conclu que les émissions étaient " bien au-dessous des limites autorisées ". A Stuttgart, la bataille du diesel n'est pas terminée.
C. Bt
© Le Monde

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