Translate

jeudi 1 mars 2018

SNCF : le recours aux ordonnances irrite l'opposition parlementaire.......Matignon et les fantômes de 1995.....


1er mars 2018

SNCF : le recours aux ordonnances irrite l'opposition parlementaire

Comme le Parti socialiste et La France insoumise, le président du groupe Les Républicains, M. Jacob, dénonce un " mépris total "

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Un passage en force. " Dans la foulée des syndicats de cheminots, l'opposition a fustigé la volonté du premier ministre, Edouard Philippe, de recourir aux ordonnances pour faire adopter, " avant l'été ", la réforme de la SNCF. En dehors de la majorité, l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale reproche à l'exécutif de vouloir " contourner le Parlement ", après avoir déjà utilisé cet outil à l'automne dernier pour transformer le code du travail.
" En voulant réformer la SNCF par ordonnances, Macron méprise le peuple et ses représentants. Cela montre qu'il mène une politique de technocrates et qu'il ne supporte aucune contestation ", s'indigne le patron des députés Les Républicains (LR), Christian Jacob. " Un gouvernement peut utiliser des ordonnances sur des transpositions de directives européennes mais pas sur un sujet qui concerne l'ensemble des Français et qui, à ce titre, mérite un vrai examen au Parlement ",affirme-t-il avant de dénoncer " un mépris total de l'opposition et une humiliation totale pour la majorité ". " Si le président de la République était sûr de sa majorité, ce texte passerait par l'Assemblée ", conclut M. Jacob.
Arme politiqueUn constat partagé par les autres responsables de l'opposition, de La France insoumise au Front national, en passant par le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Olivier Faure, qui condamne " un déni démocratique ". Une formule utilisée dès le 22  février par le président LR du Sénat, Gérard Larcher, selon lequel " les ordonnances sont faites pour répondre à des situations particulières ". Et non pour légiférer sur " un sujet aussi important pour l'aménagement du territoire ". Tous appellent l'exécutif à respecter le débat parlementaire et à ne pas vouloir aller trop vite, au lieu de braquer l'opposition et des syndicats prêts à la mobilisation.
Il y a quatorze mois, le candidat Macron était d'ailleurs tout à fait conscient de ce risque et se disait même opposé à l'utilisation de cet outil prévu par l'article  38 de la Constitution. " Je ne crois pas une seule seconde aux cent jours et à la réforme par ordonnances ", déclarait-il dans un entretien au Monde, le 25  novembre 2016, soulignant que " les gens le prennent très mal ". Une affirmation lancée à l'époque pour se démarquer de son rival Manuel Valls, qui avait utilisé l'article  49.3 pour faire adopter la loi travail, et des candidats à la primaire de la droite et du centre qui se disaient favorables aux ordonnances. Le discours de M. Macron avait évolué dans les mois suivants : lors de la campagne, il avait annoncé sa volonté d'y recourir pour réformer le code du travail. Mais sur la SNCF, " ce n'était pas un engagement de campagne ", a relevé mardi Gilles Platret, porte-parole de LR.
Pour justifier le choix de l'exécutif, M.  Philippe a mis en avant, lundi 26  février, l'" urgence " de mener la réforme ferroviaire, assurant que l'utilisation des ordonnances n'allait pas " escamoter pour autant la concertation ou le débat parlementaire ". " Lors de la réforme du code du travail, cela n'avait pas empêché le débat dans la société et au Parlement ", appuie le porte-parole de La République en marche, Gabriel Attal.
Si l'outil des ordonnances a souvent été utilisé sous la Ve  République, à commencer par le général de Gaulle et son premier ministre Michel Debré, en  1960, pour maintenir l'ordre en Algérie, ou par Alain Juppé, en  1996, pour sa réforme très contestée de la Sécurité sociale, le fait que le gouvernement y ait recours à deux reprises en l'espace de quelques mois traduit la volonté de l'exécutif d'en faire une arme politique, afin d'exercer sa primauté sur le pouvoir législatif.
" Les ordonnances sont une modalité institutionnelle, qui correspond à une situation d'urgence et qui doit être exceptionnelle. Elles n'ont pas été prévues pour être un mode de gouvernement, afin de réformer vite et éviter toute menace de conflit social. Elles ne peuvent être un outil antigrève ", estime l'historien Christian Delporte qui accrédite l'idée d'un affaiblissement du rôle du Parlement sous la présidence d'Emmanuel Macron : " Utiliser une fois les ordonnances n'est pas un problème mais si un gouvernement en abuse, il prive le pays d'un débat contradictoire au Parlement – qui est le fondement de la démocratie. Cela peut dénaturer l'esprit de la Constitution, déstabiliser l'équilibre des pouvoirs et renvoyer les élus de la nation au rang de spectateurs. "
Une analyse partagée en partie par Jean Garrigues. " Dans un fonctionnement idéal de la démocratie, le fait que le gouvernement ait recours aux ordonnances pour la réforme de la SNCF traduit un recul du rôle du Parlement, car il aurait été logique qu'un grand débat parlementaire ait lieu sur un sujet aussi important, portant sur l'Etat-providence ", juge le professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Orléans et à Sciences Po, et président du comité d'histoire parlementaire et politique. Avant de nuancer son propos : " Mais d'un point de vue institutionnel, cela n'est pas le cas car l'affaiblissement du rôle du Parlement est inhérent aux institutions de la Ve  République, qui donne la primauté à l'exécutif. "
Alexandre Lemarié
© Le Monde


1er mars 2018

Matignon et les fantômes de 1995

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Un cheminot, un brin étourdi, aurait pu se surprendre à applaudir à tout rompre cet homme si bienveillant, si attentif au sort des Français en général et de sa situation en particulier. " Les cheminots, ils font un boulot qui est souvent très difficile. Quand vous vous occupez du ballast par le froid comme aujourd'hui, je n'ai aucun doute sur le fait que c'est un métier extrêmement difficile ", expliquait Edouard Philippe, lundi 26  février, sur France  2. Dénigrer les cheminots ? " Je ne le ferai jamais ", assurait le premier ministre en réponse à Anne-Sophie Lapix.
Au demeurant, le chef du gouvernement n'avait aucunement l'intention, ce soir-là, de dénigrer qui que ce soit. Le boxeur amateur avait rangé ses gants : " Je ne me situe absolument pas dans une logique de conflictualité, de guerre, de bras de fer. " Il ne voulait manifestement aucun mal aux cheminots, dont il – ou bien s'était-il agi d'un sosie ? – avait annoncé quelques heures plus tôt la suppression du statut pour les nouveaux arrivants.
Tout ce qu'il veut, M.  Philippe, c'est beaucoup de bien aux " Français qui savent " tant de choses, et en particulier " que la qualité de service - de la SNCF - décroît année après année  alors que nous mettons de plus en plus d'argent chaque année ". Le premier ministre est résolument favorable à ce que " les Français qui utilisent le train puissent avoir accès à un service public de qualité ". Les cheminots, se disait-on en l'écoutant, doivent peu ou prou poursuivre ce même objectif.
" Juppéthon "Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Celui de l'exécutif, en tout cas, tel qu'il est apparu sous le visage avenant de cet homme calme, pondéré, disert et (en même temps) à l'écoute, aux mots tout en rondeurs démentant son interminable corps longiligne.
Edouard Philippe a manifestement retenu les leçons d'un passé dont son mentor, Alain Juppé, fit jadis les frais. C'était à l'automne 1995. Le " meilleur d'entre nous " – dixit Jacques Chirac, qui l'avait nommé à Matignon quelques mois plus tôt – ne doutait pas vraiment de ses qualités ; les plus brillantes d'entre elles n'étant ni la compassion ni la chaleur humaine. C'est " droit dans ses bottes " qu'il présente à l'Assemblée nationale, en novembre, son plan de réforme de la Sécurité sociale, qui prévoit notamment l'alignement des régimes spéciaux sur le régime général des retraites. L'écrasante majorité de droite élue en  1993 lui réserve une standing ovation.
Sûr de son fait, rigide, cassant, le maire de Bordeaux croit pouvoir pousser son avantage. Bravache, il laisse entendre que seules des manifestations monstres seraient susceptibles de la faire céder. Les " Guignols de l'info " instaurent aussitôt un " Juppéthon ", motivation supplémentaire pour être chaque jour plus nombreux à battre le pavé. Les cheminots sont le fer de lance du mouvement, qui s'étend en novembre aux étudiants. La grève des transports paralyse le pays. Covoiturage, (longues) marches à pied alors que le froid s'installe, chacun s'organise ; des salariés dorment sur leur lieu de travail. Le mouvement est et reste populaire. Dans le privé, on savoure presque cette grève " par procuration " menée par les fonctionnaires. Le mot d'ordre – " Tous ensemble ! " – est de ceux que l'héritier d'Alain Juppé veut éviter d'entendre à tout prix.
par Jean-Baptiste de Montvalon

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire