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29 décembre 2017
Publications
La Raison n°627 (janvier 2018) est parue
Le Sommaire
Dura lex, sed lex
Vous ne m'en voudrez pas, j’espère, si je commence cet éditorial en me référant à la dernière page du journal : Le Conseil d’État, à Ploërmel, a donné raison à la Libre Pensée en commandant que la croix monumentale (2,25 m) surplombant la statue du pape Jean-Paul II sur une place publique de Ploërmel soit enlevée. Cela met juridiquement un terme à dix années de provocation cléricale. Ce jugement met la commune de Ploërmel devant l’alternative suivante : retirer au moins la croix, sous réserve d’acceptation de cette amputation par l’artiste ou ses ayants-droit, ou bien déplacer le monument litigieux en un lieu privé.
Une nouvelle fois, la plus haute juridiction administrative française s’est appuyée sur l’article 28 de la loi de Séparation des Églises et de l’État.
Cela nous a déjà valu un déferlement de haine, allant parfois jusqu’à des menaces extrêmes : selon un internaute correspondant de la très sulfureuse "riposte laïque" : « Ces salopards de libres penseurs sont uniquement anticatholiques !! Une seule solution pour ces traîtres, le falot et dans la foulée le poteau !!!!!! ». Comme disait Cléante à Orgon dans Tartuffe : «Les sentiments chrétiens, mon frère, que voilà !». On vous dit que le christianisme est une religion d’amour !
Et voilà le Conseil d’Etat qui aurait à se justifier de faire appliquer la loi, certains disant qu’il a sombré dans l’anti-christianisme. Cette respectable juridiction serait-elle également menacée du falot, du fagot, du poteau ? Il y a loin de la coupe aux lèvres. Après la vierge de Publier, celle de Brusvily, l’arrêt du Conseil d’État sur les crèches - que la Cour d’appel de Nantes n’a pas voulu comprendre - après les jugements de Lyonet de Béziers, les jurisprudences favorables à l’application de la loi de 1905 s’accumulent et les prétentions d’une certaine droite catholique à refaire du catholicime une religion d’État reculent et sont défaites.
Car il s’agit bien de cela. Nos adversaires dans ces combats plaident «les racines chrétiennes de la France», qui donneraient aux symboles chrétiens une place naturelle dans l’espace public. La loi de Séparation refusant dans son article 2 de reconnaitre, de salarier, ni de subventionner aucun culteserait donc une erreur historique. Notre pays devrait considérer ses 1 300 ans d’oppression féodale et religieuse comme le dernier mot de son essence, et les 116 ans du concordat bonapartiste supplémentaire comme une autre preuve de la vigueur de ses racines. Sont exclues des racines de la France la résistance des bourgs francs à la puissance féodale des seigneurs et de l’Eglise, la poussée philosophique des Lumières, l’effort de rupture de la Révolution française, les Trois glorieuses, les journées de juillet 1848, la Commune de Paris, et enfin la Séparation, obtenue par l’alliance des mouvements ouvriers et démocratiques. Tout ça n’est pas français, Monsieur ! Montjoie et Saint Denis !
Il faut vous faire une raison, Messieurs, depuis 1905, et plus lointainement depuis 1880, le culte catholique, omniprésent jusqu’alors dans tous les moments de la vie de la cité, a été renvoyé dans le domaine privé. Il n’a plus force de loi ni de pouvoir, ni sur ses fidèles - à qui la République permet de pratiquer, de croire, mais n’oblige à rien - ni surtout sur les autres - de religions différentes ou sans religion du tout - qui ont même dignité humaine, même droits et devoirs devant la société. Il n’y a plus de religion favorisée, il n’y a plus de religion d’Etat.
A Chartres et devant d’autres cathédrales, on voit à de certains moments des pénitents, parfois très jeunes et en uniforme, gravir les degrés qui mènent au parvis en s’ensanglantant les genoux, comme lors du pèlerinage des scouts d’Europe. Indépendamment du dégout que peuvent ressentir les gens normaux devant ces exhibitions, cela est permis par l’article 1er de la loi de 1905, sous réserve de «ne pas causer de troubles à l’ordre public». En maints lieux se déroulent des pardons, des processions, des prières et des psalmodies en public. Personne n’y trouve à redire et surtout pas ceux que l’annonce d’une prière publique de musulmans à Saint-Denis fait s’étrangler de rage - au passage également contre la Libre Pensée qui n’a fait que rappeler l’égalité de la loi devant toute manifestation publique de croyants ou de non-croyants.
Ils ne feront pas tourner la roue de l’histoire à l’envers. Cette loi, celle de 1905, est essentielle. Ce n’est pas une figure de rhétorique que de dire qu’elle a assuré 110 ans de paix religieuse. Défendons-la, becs et ongles, c’est une loi de liberté,c’est la loi de notre liberté et de la plus précieuse d’entre elles : la Liberté de conscience.
Jean-Sébastien Pierre,
Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée
Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée
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