Parlez quelques minutes avec un responsable du Parti socialiste (PS), il y a de grandes chances pour que celui-ci cite spontanément -Rachid Temal. Qu'on en dise un peu de mal – cela arrive – ou qu'on reconnaisse ses qualités de gestionnaire – c'est moins -fréquent –, ce natif du Val-d'Oise n'indiffère pas vraiment dans le parti à la rose.
A l'inverse, si vous évoquez le même nom devant un ami, un membre de votre famille, voire un sympathisant socialiste, il y a fort à parier cette fois que votre interlocuteur ne verra pas bien de qui vous parlez. C'est tout le paradoxe de Rachid Temal, omniprésent dans les affaires du PS, jusqu'à en être désormais son seul représentant légal, mais qui peine à sortir de l'ombre.
Le 30 septembre, quand Jean-Christophe Cambadélis a officiellement lâché les rênes du PS, M. Temal est devenu " coordinateur " du Parti socialiste, un poste créé spécialement pour l'occasion, qui lui confère un rôle de premier ordre. Depuis, c'est lui qui ouvre chaque semaine les bureaux nationaux, où est assurée la direction du parti et où il a dû mettre à l'ordre du jour des dossiers brûlants. En un trimestre, il a fallu décider de la vente du siège, rue de Solférino, trouver un accord sur le plan social, mettre en œuvre des " forums de la refondation ", exclure Gérard Filoche pour son Tweet antisémite, puis Olivier Dussopt pour son -entrée au gouvernement. Autant d'affaires dans lesquelles celui que pas grand monde n'avait vu venir a mis son grain de sel.
" Il fait tout en loucedé "
" Je fais office de premier secrétaire, je le suis par intérim. J'en ai les mêmes responsabilités et les mêmes devoirs ", explique-t-il. Nul doute que cette affirmation va crisper au PS. A l'automne, -quand il a fallu penser à la suite de M. Cambadélis en attendant le congrès, des dirigeants ont fait précisément en sorte que -Rachid Temal n'accède pas au titre de " premier secrétaire remplaçant " qui devait lui échoir en tant que secrétaire national à la coordination.
Que peuvent bien lui reprocher ses camarades ?
" Sur le fond, il est très faible, mais les manœuvres, ça, il sait faire ! ", avance un membre, comme lui, de la direction col-légiale mise en place en juillet.
-- " Temal, c'est vraiment la vieille poli-tique, les anciens logiciels. Il fait tout en loucedé ", grince un autre cadre. Le principal reproche tient en un mot, honni de toute personne investie en poli-tique : le coordinateur du parti -serait un
" apparatchik ", un expert en combines et en billard à trois bandes.
Bien sûr, lui se défend vigoureusement de tirer les ficelles en coulisses.
" Je suis dans les instances nationales depuis 2012, certains y étaient bien avant. Ils ont tous fait la même chose que moi ", plaide-t-il, depuis le Sénat, où il a été élu en septembre. Il assure
" aussi bien faire de l'organisation que parler de fond ".
" Si être apparatchik, c'est faire en sorte de permettre à un parti d'avancer, de faire -vivre la voix des militants… ", -continue-t-il sans terminer sa phrase.
Mais l'étiquette est comme le pansement du capitaine Haddock : difficile à décoller et réapparaissant sans cesse. Entré en politique en 1995 et élu depuis cette date, M. Temal a été secrétaire de section à Taverny, où il a grandi, avant de devenir premier fédéral du Val-d'Oise, puis d'entrer au bureau national en 2012 et d'être secrétaire national adjoint aux élections à partir de 2014. Un poste où la " cuisine " politique est plus qu'ailleurs reine, et où il a pu -pra-tiquer la discipline avec un spé-cialiste, Christophe -Borgel.
" Vous connaissez un -socialiste qui n'est pas dans les “cuisines” ? Ils sont tous pareils ", s'amuse Jean-Christophe -Cambadélis, qui a largement contribué à faire monter -Rachid Temal dans les instances nationales. Désigner le coordinateur du PS comme un apparatchik, c'est, estime l'ex-premier secrétaire,
" une manière de le disqualifier, parce qu'il s'appelle -Temal, qu'il est issu de la banlieue. Il y a une certaine aristocratie partidaire qui fait que les bien coiffés, les bien nés regardent de haut ceux qui font le boulot au quotidien. "
" Moi, je suis un militant, complète Rachid Temal.
J'ai pris -l'escalier quand d'autres ont pris l'ascenseur. " Certes, mais le coordinateur
" n'a aucune boussole politique,rétorque un parlementaire
. Il a été au MJS, puis “
hollandais”,
puis proche de Cambadélis. Il -s'arrange pour être toujours dans la majorité sans qu'on sache vraiment ce qu'il pense. " L'intéressé n'en a cure :
" Je suis socialiste, voilà comment je me définis. C'est un beau mot. " Lui qui se décrit comme
" un enfant de la -République ", né en France de -parents -algériens, ayant grandi en HLM, se dit fier d'être dans un parti qui a fait monter un homme prénommé Rachid.
" Guerres d'ego "S'il est au four et au moulin – c'est-à-dire, en l'espèce, en fédération, au Sénat et à Solférino –, l'élu n'oublie évidemment pas de s'intéresser de près au congrès qui doit se dérouler les 7 et 8 avril et déboucher sur l'élection d'un nouveau premier secrétaire. Et si c'était lui ? Rachid Temal nie faire campagne, mettant en avant sa
" responsabilité "de coordinateur, qui est de
" faire en sorte que les conséquences, les suites de la défaite- des élections de 2017 -
soient réglées et que nous puissions nous déployer ".
Mais il a fait circuler et signer, avec les patrons de chaque département, un texte mettant en garde contre les
" vieux démons de la gauche ", les
" guerres d'ego où priment les ambitions individuelles ". Chacun n'a pu qu'y voir une attaque en direction du seul candidat déclaré pour l'heure, le député Luc Carvounas.
Au bout du compte,
" soit il -décidera d'être candidat parce qu'il estimera que personne ne s'impose, soit il sera incontournable pour faire gagner quelqu'un ", pronostique un bon connaisseur du parti qui fait remarquer qu'il a autour de lui un réseau peu connu mais non moins crucial : des dizaines de patrons de fédérations, bien implantés sur leur territoire. La place de Rachid -Temal dans le nouveau dispositif sera connue le 29 mars 2018, jour de l'élection du premier secrétaire par les militants socialistes. La date sera également celle de son 45e anniversaire, mais il le jure : sur ce coup-là, il n'y est pour rien.
Enora Ollivier
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