Ce documentaire est un retour aux sources. Un voyage dans les années 1920-1930, époque durant laquelle des agents travaillant pour les maisons de disques américaines installées dans le Nord industrialisé arpentaient les villes et même les minuscules patelins du Sud agricole pour tenter de découvrir de nouveaux artistes. Pourquoi ce besoin ? Parce que l'essor de la radio et les nouvelles techniques d'enregistrement avaient créé, de fait, un marché prometteur. Et qu'au-delà des classes moyennes citadines, il fallait élargir la cible, séduire un public plus modeste : montagnards, paysans agricoles, sans oublier les Noirs ni les Hispanophones.
A l'origine,
American Epic est un projet ambitieux porté par le réalisateur et producteur Bernard McMahon, soutenu par plusieurs personnalités : Robert Redford, le musicien Jack White, le mythique producteur et musicien T-Bone Burnett. Sa mission : retracer l'histoire des origines de la musique populaire américaine, de la country au folk en passant par le gospel et le blues. Le résultat final de ce travail, coproduit avec Arte, BBC Arena et la ZDF, est impressionnant, avec des archives filmées et sonores exceptionnelles, ainsi que des témoignages inédits étalés sur cinq épisodes d'une durée totale de trois heures trente.
Voix nasillarde, sourire radieuxArte ne propose pas la version intégrale de ce travail monumental, mais une espèce de best of d'une heure et demie qui met en appétit. En mai, cette série événement a donné naissance à la fabrication d'un double CD (ou triple vinyle),
American Epic-The Sessions, paru chez Sony Music. Avec du matériel d'époque, des musiciens actuels, de Taj Mahal à Elton John en -passant par Willie Nelson ou Rhiannon Giddens, ont réenregistré d'anciennes chansons des années 1920 et 1930. On peut les retrouver en vidéo sur le site
Arte.tv.
Ralph Peer travaille pour l'industrie musicale. C'est un dénicheur de talents qui aime enregistrer la musique des travailleurs et du peuple. Il a, paraît-il,
" l'art de se trouver là où tombe la foudre ". A l'été 1927, il installe son matériel d'enregistrement à Bristol (Tennessee). Des milliers de musiciens amateurs font parfois des centaines de kilomètres pour participer aux auditions. Parmi eux, la Carter Family, un trio de pauvres montagnards devenu mythique. Autre destin évoqué dans ce documentaire : celui du pasteur Elder Buch, dont les sermons chantés en Caroline du Sud à la fin des années 1920 ouvrent la route du gospel.
Charley Patton, métis indien, est aussi devenu une icône. A juste titre : sur sa guitare, son exceptionnel jeu de mains a tout bonnement fondé le blues du Mississippi. Ses chansons reflètent la dureté de son existence dans une société de planteurs, à Dockery Farms (Mississippi).
" Il jouait de la guitare avec sa bouche, derrière son dos, couché, en rampant. C'était un homme-orchestre ! ", se rappelle un témoin. Buveur et cogneur, il meurt en 1934, la gorge tranchée à la suite d'une nouvelle bagarre.
Moins dramatique mais tout aussi iconique, le destin de John Hurt, modeste travailleur noir et guitariste hors pair, à la voix -nasillarde et au sourire radieux. Repéré en 1928 dans son patelin, il enregistrera à Memphis, puis à New York, de nombreux succès avant de tomber dans l'oubli -durant trente-cinq ans, puis de réapparaître dans les années 1950.
" Il était le maître que je -cherchais ", dit de lui avec émotion Taj Mahal.
Alain Constant
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