Est-le signe d'un apaisement en Catalogne ? Samedi 30 décembre, il ne restera plus dans la région un seul des policiers nationaux et gardes civils envoyés en renfort ces derniers mois. Une semaine après les élections catalanes du 21 décembre, qui ont conforté les partis indépendantistes en leur octroyant 70 des 135 sièges au Parlement régional (47,5 % des voix), le ministère espagnol de l'intérieur vient d'annoncer leur retour chez eux d'ici à la fin de la semaine.
Officiellement, la raison de leur départ est la fin de l'opération " Copernico ", prévue pour le 31 décembre. Lancée le 20 septembre, cette opération a déployé près de 6 000 agents espagnols dans la région pour empêcher le référendum sur l'indépendance du 1er octobre, jugé illégal par Madrid, et la tentative de sécession de la Cata-logne. Régulièrement, les indépendantistes ont demandé leur départ, leur présence étant perçue comme une provocation.
Le 22 décembre, l'ex-président de la Catalogne, Carles Puigdemont, en " exil " en Belgique, avait encore exigé leur
" retrait ". Ainsi que la
" restauration des institutions catalanes " et la
" libération des prisonniers politiques ", en référence aux quatre dirigeants indépendantistes accusés notamment de
" sédition ", en prison préventive depuis début novembre. Or cette dernière exigence sera peut-être, elle aussi, en partie satisfaite, dès le 4 janvier. A cette date, le Tribunal suprême espagnol doit en -effet réviser les mesures préventives imposées au président de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et ancien vice-président de la région, Oriol Junqueras.
Si le juge le laisse en liberté sous caution, comme l'espère ERC (32 députés, 21,5 % des voix), il pourrait livrer la bataille pour le contrôle du gouvernement catalan face à la liste de Carles Puigdemont, Ensemble pour la Catalogne (34 sièges, 21,75 %). En effet, M. Junqueras pourrait alors se présenter au débat d'investiture devant la Chambre régionale, contrairement à M. Puigdemont, qui a fui à Bruxelles et se trouve sous le coup d'un mandat d'arrêt pour
" rébellion, sédition et malversations ". Et qui sera arrêté en cas de retour en Espagne.
Tout en sachant qu'il risque d'être emprisonné, plusieurs dirigeants d'ERC ont demandé avec insistance le retour de M. Puigdemont, dont la liste est arrivée en deuxième position derrière les centristes (unionistes) de Ciudadanos, mais devant ERC. Il avait promis pendant la campagne de revenir en Catalogne.
" Nous vous attendons pour que vous dirigiez la Généralité avec le vice-président Junqueras ", a insisté sur Twitter le porte-parole d'ERC au Parlement espagnol, Joan Tarda, le 23 décembre.
En réalité, les deux personnalités, qui ont mené des campagnes distinctes, sont en concurrence pour la direction de la région. L'ancien ministre catalan Carles Mundo s'est dit
" surpris ", le 24 décembre, par la possibilité que M. Puigdemont ne revienne pas alors qu'il s'y est engagé devant les électeurs, et il a de ce fait défendu l'investiture de M. Junqueras car
" il correspond à l'idée du gouvernement légitime ".
Exceptionnellement silencieux
" Nous n'avons pas encore commencé à négocier l'investiture avec Ensemble pour la Catalogne, précise mercredi 27 décembre au soir au
Monde un dirigeant d'ERC.
Les Catalans ont voté afin de restituer la présidence de la Généralité à Carles Puigdemont. Il faut faire en sorte que cela soit possible. Si ce n'est pas le cas, il faudra reprendre des négociations à zéro et nous proposerons alors notre candidat : M. Junqueras. "
Car M. Puigdemont, exceptionnellement silencieux sur Twitter depuis le 25 décembre, ne semble finalement pas décidé à risquer la prison.
" La volonté du président Carles Puigdemont est de revenir, mais la pression doit être mise sur l'Espagne - pour que ce soit possible -
", a déclaré l'ancien porte-parole du gouvernement catalan, Jordi Turrull, à la radio publique catalane le 27 décembre.
Si M. Puigdemont renonce à revenir, deux options sont envisagées dans son entourage : mener une réforme express du règlement du Parlement catalan pour lui permettre de briguer l'investiture à distance, ou bien lui donner la présidence symbolique de la " République catalane en exil " en Belgique et placer un de ses proches à la tête de la région. Pas question en revanche pour sa formation, le Parti démocrate européen catalan (PDeCAT, droite), de laisser ERC, longtemps méprisé et perçu comme un parti de gauche utopiste sans capacité de gestion, prendre la tête de la région.
D'autant que la Gauche républicaine n'entend pas renoncer à ses marqueurs idéologiques.
" Le temps des déclarations est terminé. Nous avons déjà proclamé l'indépendance. A présent il faut développer la République catalane dans les faits, dit un dirigeant d'ERC.
Pour nous, cela passe par la défense des droits sociaux et la récupération des lois catalanes, sur la pauvreté énergétique par exemple, que le Tribunal constitutionnel espagnol a censurées. Il est important d'élargir la base sociale républicaine… "
L'approche est plus prudente du côté de la droite indépendantiste. Le résultat des élections n'a pas permis aux indépendantistes de
" dépasser les 50 % des votes, ce qui - les -
oblige à être honnêtes : la ratification de la déclaration - d'indépendance -
n'est pas encore venue ", a indiqué sur Twitter l'ancienne ministre catalane de l'éducation, Clara Ponsati, du PDeCAT.
Quant à l'ancien vice-président catalan sous le gouvernement d'Artur Mas, Francesc Homs
, il -déclare au
Monde, comme pour temporiser :
" Les indépendantistes ont compris qu'il leur faut une majorité plus large pour avancer, et le gouvernement espagnol doit comprendre qu'il ne peut pas imposer ses positions ni utiliser la justice pour ses intérêts politiques. "
Sandrine Morel
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