Qui était Boris Nemtsov, l'opposant russe abattu par balles à côté du Kremlin
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Boris Nemtsov, le 24 décembre 2011 à Moscou. | AFP
INTERNATIONAL - Il avait de nouveau appelé à manifester contre Poutine quelques heures seulement avant sa mort. L'ancien vice-Premier ministre russe Boris Nemtsov,a été tué à Moscou dans la nuit de vendredi à samedi 28 février. Il incarnait la génération des jeunes réformateurs des années 1990 avant de devenir un virulent critique du président Vladimir Poutine.
Abattu par balles à 55 ans juste à côté du Kremlin, Boris Nemtsov avait notamment été l'un des chefs de file de la vague de contestation sans précédent qui avait marqué en 2011-2012 la campagne électorale de Vladimir Poutine, alors candidat pour un troisième mandat de président.
Boris Nemtsov se promenait avec une jeune femme sur le Grand Pont de pierre, juste à côté du Kremlin, quand "vers 23h15, une voiture s'est approchée d'eux, quelqu'un a tiré des coups de feu, dont quatre l'ont touché dans le dos, causant sa mort", a déclaré une porte-parole du ministère russe de l'Intérieur, Elena Alexeeva, à la chaîne de télévision Rossia 24. Aussitôt la nouvelle de sa mort connue, des Moscovites sont venus déposer des fleurs près de l'endroit ou l'opposant a été tué.
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"Il ne fait aucun doute que ce crime a été minutieusement planifié, tout comme le lieu choisi pour le meurtre", sur le Grand pont de pierre, juste à côté du Kremlin, a écrit le Comité d'enquête russe dans un communiqué. "Selon toute vraisemblance, l'arme qui a été utilisée est un pistolet Makarov", une arme de poing utilisée par les forces de police et l'armée russe et par conséquent très répandue, poursuit le communiqué.
Les enquêteurs ont ainsi retrouvé sur les lieux du meurtre six douilles de munition de calibre 9 mm, mais qui proviennent de différents fabricants, ce qui rend plus difficile de retrouver leur origine. "Boris Nemtsov se rendait avec sa compagne à son appartement, qui est situé non loin du lieu des faits. Il est évident que les organisateurs et les auteurs de ce crime étaient informés de son trajet", a conclu le Comité, chargé de l'enquête. Selon le communiqué, les témoins du meurtre ont déjà été interrogés par les enquêteurs.
Vladimir Poutine a affirmé samedi que "tout sera fait pour que les organisateurs et exécutants de ce crime lâche et cynique reçoivent le châtiment qu'ils méritent". "Boris Nemtsov a laissé son empreinte dans l'histoire de la Russie, dans la vie politique et celle de la société. Il a toujours ouvertement et honnêtement exprimé ses positions", a déclaré le président russe dans un message de condoléances à Dina Eidman, la mère de Boris Nemtsov. "Je partage sincèrement le malheur qui vous frappe", ajoute Vladimir Poutine.
La génération des jeunes ministres réformateurs
Plusieurs fois interpellé par les forces de l'ordre lors de manifestations, il avait aussi subi des perquisitions et été mis sur écoute, sans jamais cesser de dénoncer la corruption de ce qu'il appelait le "système oligarchique" du Kremlin. Le teint toujours bronzé, les cheveux en brosse, l'air séducteur malgré de grands yeux noirs pochés de cernes, Boris Nemtsov, physicien de formation, avait commencé sa carrière peu avant l'effondrement de l'URSS, élu en 1990 au Soviet suprême, le Parlement soviétique.
Après avoir été gouverneur de la région de Nijni-Novgorod, à 400 km à l'est de Moscou, il avait entamé une ascension fulgurante sous la présidence de Boris Eltsine, sous lequel il avait incarné la génération des jeunes ministres réformateurs de la Russie post-URSS.
De mars 1997 à août 1998, il avait obtenu le poste de vice-Premier ministre chargé du secteur énergétique et des monopoles, secteur très convoité, ce qui lui valait d'être régulièrement dénoncé par le Kremlin comme un homme politique lié aux oligarques ayant profité de la vague de privatisations des années 1990.
Proche de Kasparov et de Navalny
Boris Eltsine, dont il était très proche, avait envisagé un temps d'en faire son dauphin, avant de lui préférer le chef du FSB (ex-KGB) Vladimir Poutine. Limogé en août 1998, Boris Nemtsov bascule dans l'opposition lorsque son rival devient président. Aux législatives de 1999, l'opposant est élu à la Douma (chambre basse du Parlement) et rejoint le parti libéral SPS, dont il dirige une fraction qui se distingue par ses critiques virulentes envers Vladimir Poutine.
Boris Eltsine, dont il était très proche, avait envisagé un temps d'en faire son dauphin, avant de lui préférer le chef du FSB (ex-KGB) Vladimir Poutine. Limogé en août 1998, Boris Nemtsov bascule dans l'opposition lorsque son rival devient président. Aux législatives de 1999, l'opposant est élu à la Douma (chambre basse du Parlement) et rejoint le parti libéral SPS, dont il dirige une fraction qui se distingue par ses critiques virulentes envers Vladimir Poutine.
Son opposition au pouvoir se fait de plus en plus tranchante après les élections législatives de 2007, qu'il dénonce comme "les plus malhonnêtes de l'histoire de la Russie". Un an plus tard, en 2008, après avoir échoué à se présenter à l'élection présidentielle comme candidat unique d'une opposition affaiblie par sa disparité, il décide de créer le mouvement Solidarnost, sous l'égide de l'opposant et ex-champion d'échecs Gary Kasparov.
Mais c'est surtout aux côtés d'Alexeï Navalny, un autre opposant des plus déterminés à Vladimir Poutine, que Boris Nemtsov s'affichera comme figure de proue des manifestations qui ont secoué Moscou pendant l'hiver 2011-2012. Après la réélection de Vladimir Poutine au Kremlin en mai 2012, il a continué à dénoncer les dépenses jugées excessives du président et la corruption, notamment lors des Jeux olympiques d'Hiver à Sotchi (sud).
L'influence de ce vétéran de l'opposition, très présent sur les réseaux sociaux, semblait cependant diminuer au profit d'une nouvelle génération d'opposants incarnée par Alexeï Navalny, de 17 ans son benjamin. C'est d'ailleurs avec lui qu'il avait appelé à la tenue dimanche d'un vaste rassemblement de l'opposition pour dénoncer la mauvaise gestion par le Kremlin de la grave crise économique que traverse la Russie en raison des sanctions occidentales et de la chute des prix du pétrole. Un responsable de la manifestation, Leonid Volkov, a annoncé que celle-ci était annulée et remplacée par une marche à la mémoire de l'opposant assassiné.
Une "provocation" pour Poutine
Le président américain Barack Obama a condamné un "meurtre brutal" et appelé "le gouvernement russe à rapidement mener une enquête impartiale et transparente", tandis que le secrétaire d'Etat John Kerry s'est déclaré "choqué et attristé". Le Conseil de l'Europe, par la voix de son secrétaire général Thorbjoern Jagland, s'est également déclaré choqué et l'ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé les autorités russes à enquêter sur ce meurtre de "manière impartiale".
Le président français François Hollande a lui dénoncé samedi un "assassinat odieux" et a salué la mémoire d'un "défenseur courageux et inlassable de la démocratie".
A Moscou, les réactions atterrées se sont multipliées. "C'est une terrible tragédie pour tout le pays", a réagi aussitôt l'ancien ministre des Finances de Vladimir Poutine, Alexeï Koudrine. L'un des compagnons de Boris Nemtsov dans l'opposition, l'ancien Premier ministre de Vladimir Poutine Mikhaïl Kassianov a estimé que cet assassinat était "le prix à payer pour le fait que Boris s'est battu pendant des années pour que la Russie devienne un pays libre et démocratique".
"Au XXIème siècle, en 2015, un chef de l'opposition a été tué sous les murs du Kremlin. Cela dépasse l'imagination", a-t-il déclaré aux journalistes présents sur les lieux. Le président ukrainien Petro Porochenko a lui aussi réagi: "Il (Boris Nemtsov) était un pont entre l'Ukraine et la Russie, et ce pont a été détruit par les coups de feu d'un assassin. Je pense que ce n'est pas par hasard", a-t-il écrit sur Facebook.
Quant à Vladimir Poutine, il "a déclaré que cet assassinat brutal portait les marques d'un meurtre commandité et avait tout d'une provocation", a indiqué aussitôt son porte-parole, Dmitri Peskov.
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