L'APPEL DE MANILLE
EXCLUSIF - La tribune de Nicolas Hulot sur le changement climatique
Changement climatique: pour un appel à Manille
Publication:
KENZO TRIBOUILLARD via Getty Images
ENVIRONNEMENT - Aux Philippines comme ailleurs dans le monde, le changement climatique multiplie l'impact de tous les autres facteurs de risque comme la pauvreté, la croissance démographique, une mauvaise planification urbaine et le déclin des écosystèmes.
Si les bonnes intentions suffisaient, les Philippines seraient le champion du monde de la résilience face aux catastrophes. Ce pays dispose de l'une des meilleures législations et politiques en matière de changement climatique et de gestion des risques de catastrophe. Il possède également des institutions solides représentées notamment par le Conseil national pour la réduction et la gestion des risques de catastrophe et les services météorologiques et climatologiques de l'Administration des Philippines chargée de l'atmosphère (PAGASA).
Malheureusement, cela ne suffit pas face à des saisons cycloniques instables et imprévisibles capables d'engendrer des super-cyclones comme le typhon Haiyan. C'était l'ouragan le plus violent qui ait jamais frappé les côtes, faisant près de 8000 morts, touchant plus de 16 millions de personnes et causant des dommages irréparables aux moyens d'existence de la population et à la croissance économique. Haiyan, qui s'est soldé par 13 milliards de dollars de dégâts, a également été l'une des deux catastrophes les plus dévastatrices de l'année 2013, avec les inondations en Allemagne de mai-juin qui ont causé 12,9 milliards de dollars de préjudice économique.
Même un épisode de moindre importance comme la tempête tropicale Sendong, survenue en pleine nuit, en décembre 2011, a fait plus de 1500 morts, pris au piège dans leurs habitations et cabanes vulnérables aux inondations et aux glissements de terrain sur l'île méridionale de Mindanao.
Il y a dix ans, les Philippines ont adopté le Cadre d'action de Hyogo, premier accord global sur la réduction des risques de catastrophe et depuis lors, ce pays a été frappé par 181 catastrophes majeures de toutes catégories, allant des typhons aux tremblements de terre en passant par les éruptions volcaniques.
Seuls les Etats-Unis et la Chine ont subi davantage de catastrophes. Les pertes économiques aux Etats-Unis sont de l'ordre de 443 milliards de dollars comparées aux 16 milliards de dollars aux Philippines pour cette décennie. Les pertes absolues sont bien supérieures chez les superpuissances économiques, mais leur résilience économique l'est également. L'impact d'un événement comme le typhon Haiyan sur le PIB des Philippines est bien plus important et durable que celui du super-ouragan Sandy ou des récentes tempêtes de neige sur l'économie des Etats-Unis. La pauvreté aggrave les pires effets des catastrophes.
Les pays en développement sont exposés à des risques plus importants que les pays développés en termes d'impact sur la vie humaine. Les Philippines, par exemple, ont enregistré le triple de pertes de vies humaines au cours des dix dernières années par rapport à la décennie précédente, alors que le nombre de victimes aux Etats-Unis est demeuré relativement stable sur la même période.
Les présidents François Hollande et Benigno Aquino vont se rencontrer aujourd'hui à Manille, leur rencontre est chargée d'une grande signification. Elle rassemble des représentants des pays qui contribuent le plus au changement climatique et des pays qui y contribuent le moins. Ces pays se retrouvent autour d'une même préoccupation et d'une même détermination: remédier au changement climatique et aux risques qui en découlent. La France est un pays qui a perdu 15.000 de ses citoyens lors d'une vague de chaleur sans précédent survenue durant l'été 2003, mais elle dispose des ressources lui permettant de gérer plus efficacement les risques et de limiter au minimum le nombre de décès provoqués par de futures catastrophes.
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Chaque année, les Philippines sont confrontées à un type encore plus capricieux de changement climatique compte tenu des effets que l'élévation du niveau des mers et le réchauffement des océans sont susceptibles d'exercer sur le déroulement de la saison des typhons. Même dans ces circonstances, lorsque le typhon Hagupit a menacé la même bande de territoire qu'Haiyan, il y a quelques mois de cela, les Philippines ont également montré qu'elles savaient se montrer à la hauteur en organisant des évacuations préventives, sauvant ainsi de nombreuses vies.
En effet, des enseignements ont été tirés et ce pays a dépassé le stade des alertes précoces pour passer à l'action rapide. L'attentisme qui s'est révélé fatal face à Haiyan appartient maintenant, espérons-le, au passé.
Ce que ces événements révèlent, c'est que le risque de catastrophe est un concept social. Si l'environnement bâti n'est pas capable de résister aux risques auxquels il est exposé, les gens deviennent extrêmement vulnérables. La vulnérabilité croissante des gens face aux risques naturels extrêmes appelle vraiment une révolution culturelle: un changement des mentalités et des approches du développement.
Les leçons de ces dix dernières années doivent alimenter l'agenda du développement pour l'après-2015, à commencer par la Troisième Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe qui se tiendra le mois prochain à Sendai, au Japon et adoptera une version actualisée du Cadre d'action de Hyogo.
Celui-ci comprendra de nombreux éléments nouveaux, notamment une priorité accordée aux risques sanitaires et pandémiques, et un accroissement du rôle du secteur privé afin d'éviter de générer de nouveaux risques du fait de mauvaises stratégies d'investissement, en négligeant par exemple les questions liées à l'utilisation des sols et aux codes de la construction.
Sendai marquera le coup d'envoi de l'agenda du développement pour l'après-2015. Une issue fructueuse de cette conférence préparera le terrain à un accord ambitieux sur le climat lorsque la COP21 se réunira à Paris à la fin de l'année.
Il sera hautement significatif que deux pays d'Asie et d'Europe, ayant des situations bien différentes, parlent d'une même voix et appellent les gouvernements et l'opinion publique du monde entier à se mobiliser pleinement pour parvenir à un accord climatique universel, et ambitieux à Paris cette année. Cet appel devra être interprété comme une sonnette d'alarme.
Une chose est sûre: les Philippines et le reste du monde devront continuer à renforcer leurs
compétences en matière de gestion des risques de catastrophe durant de nombreuses années. Le changement climatique est en cours, mais les risques liés au changement sont déjà une réalité, et nous devons les comprendre et les gérer.
compétences en matière de gestion des risques de catastrophe durant de nombreuses années. Le changement climatique est en cours, mais les risques liés au changement sont déjà une réalité, et nous devons les comprendre et les gérer.
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