Valls au Medef : la première sortie du nouveau gouvernement, c'est pour Gattaz
Valls et Gattaz ce mercredi. | Reuters
REMANIEMENT - Les symboles fortuits rendent parfois la vie dure. À peine nommé, le gouvernement Valls II, né en ce début de semaine sur fond de polémique autour de la ligne économique du gouvernement, a subi mercredi son baptême du feu dans l'arène... du patronat. Le Premier ministre s'est exprimé devant les chefs d'entreprise réunis à l'université d'été du Medef, au moment où l'exécutif traverse une grosse crise de confiance sur sa gauche. Ce rendez-vous était prévu depuis plusieurs semaines, mais il est le premier déplacement officiel de Manuel Valls depuis le remaniement. Un hasard qui tombe mal, alors que ce dernier a de plus en plus de mal à convaincre les socialistes.
Déjà mi-août, Matignon confirmait cette première grosse visite de rentrée en la banalisant sur le mode: "C’était prévu, d’ailleurs Jean-Marc Ayrault y avait également participé". Mais c'est plus compliqué que ça... L'ancien Premier ministre avait effectivement ouvert l’édition de 2012, une première pour un chef de gouvernement en exercice (même si le président Sarkozy était venu en 2007), mais avait séché l'édition 2013. Pierre Moscovici, ministre des Finances à l'époque, avait été appelé à la rescousse après une seconde défection: celle de Manuel Valls... alors ministre de l'Intérieur.
Sa présence cette année est donc loin d'être banale. D'autant qu'elle arrive en plein débat au sein de la majorité sur la politique économique du gouvernement. Cette dernière est jugée trop favorable au patronat, comme l'ont souligné Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, démissionnaires. Et certains cadres du parti ont déjà prévenu: François Hollande "ne pourra pas tenir avec le seul soutien du Medef", dénonçait ce mois-ci Marie-Noëlle Lienemann, leader de l’aile gauche du PS.
Du côté des syndicats aussi, on se méfie. Le numéro un de FO, Jean-Claude Mailly, s'est dit inquiet ce mercredi de la "ligne économique" du gouvernement qui "va s'accélérer", après la nomination d'Emmanuel Macron à Bercy. "Il est clair que la politique suivie depuis deux ans est une politique d'austérité, or il semble qu'elle va être renforcée, ça transparaît à travers la composition du gouvernement", a-t-il dit sur France inter. Le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon, a affirmé mardi à l'AFP que la France connaissait une "crise politique majeure" estimant que le nouveau gouvernement Valls conduirait à "l'impasse". "Il y a une crise politique majeure qui prend ses racines dans la non réponse aux mouvements sociaux", affirmait Lepaon.
Le patronat est aux anges
Devant le Medef, Manuel Valls a déclaré ce mercredi qu'il "ne doutait pas du soutien de la majorité" de gauche à l'Assemblée nationale, qui sera "au rendez-vous des textes budgétaires et financiers", notamment dans la mise en oeuvre du Pacte de responsabilité. "Cessons d'opposer systématiquement Etat et entreprises, d'opposer chefs d'entreprise et salariés, organisations patronales et syndicats (...) Notre pays crève de ces postures", a déclaré le Premier ministre à Jouy-en-Josas (Yvelines). "J'aime les entreprises", a-t-il clamé plusieurs fois, récoltant les applaudissements nourris de la foule.
Il faut dire que Valls 2 est très populaire parmi les patrons. Invité de RTL ce mercredi matin, Pierre Gattaz a commenté avec enthousiasme la nomination d'Emmanuel Macron à l'Economie, l'instigateur du pacte de responsabilité. Pour le patron des patrons, le nouveau locataire de Bercy "a trois atouts: il connaît l'entreprise, l'économie de marché et la mondialisation". Et Pierre Gattaz d'ajouter: "La sagesse de ce gouvernement, c'est de dire 'jouons cette politique de l'offre'", avec notamment le pacte de responsabilité.
Avec une charnière Michel Sapin (Finances) et Emmanuel Macron (Economie) à Bercy, supervisée par le secrétaire général Jean-Pierre Jouyet à l’Elysée et soutenue par l’autorité de Manuel Valls à Matignon, le casting ne peut effectivement que plaire au patronat. Ailleurs, le jeune ministre suscite aussi les louanges de personnalités très libérales, à l'instar de Patrick Robin, porte-parole des entrepreneurs. Pas vraiment de quoi donner des gages à la gauche du PS...
Selon toute vraisemblance, le Premier ministre défendra sa politique d'accentuation de la baisse du coût du travail, décidée dans le cadre du pacte de responsabilité. Cette ligne, annoncée l'an dernier devant cette même université d'été par le ministre des Finances de l'époque, Pierre Moscovici, qui avait parlé juste avant de "ras-le-bol fiscal", a été confirmée par son successeur Michel Sapin.
Pierre Gattaz devrait donc couvrir de louanges Manuel Valls, après l'avoir largement félicité pour le renvoi d'Arnaud Montebourg. "C’est une bonne décision", a expliqué en privé le président du Medef, cité par Le Monde. "C’est comme dans une équipe de foot. Si vous avez un Zidane qui dit l’inverse, il ne joue pas. Il n’est pas possible de garder un ministre à une telle place quand on mène une politique de l’offre assumée". L'occasion était trop belle.
Gattaz n'a pas de mots assez doux pour Valls
Malgré les appels de la gauche du Parti socialiste à accentuer les gestes en faveur des ménages modestes, Michel Sapin a réaffirmé mi-août que le cap de l'amélioration de la compétitivité des entreprises serait maintenu, après l'annonce d'une croissance nulle de l'économie française au deuxième trimestre de cette année comme au premier. Et les signes ne trompent pas: mardi, Libération a révélé un document interministériel faisant état d'une réflexion autour d'une nouvelle hausse de la TVA. Un projet rapidement démenti par le gouvernement, qui a cependant confirmé l'existence de la discussion.
Preuve que le Medef se réjouit de la tournure des événements, Pierre Gattaz a loué mardi le "courage" de Manuel Valls. Il a même remisé au placard les 10 propositions "turbo" qu'il entend publier pour améliorer l'emploi. Lâché dans la presse le 18 août, le document de travail entend lisser les seuils sociaux, créer un contrat zéro charge pour les apprentis ou encore libéraliser le travail dominical. Mais ces propositions seront présentées plus tard, histoire de laisser souffler le Premier ministre. En attendant, le patron des patrons voit dans le remaniement "une bonne décision". "On a besoin de gens qui ne voient pas les patrons comme les ennemis de classe ou des exploiteurs", a-t-il encore répété.
"Sur le fond, Pierre Gattaz ne peut qu'encourager, aider et soutenir Valls", estime Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail."Mais dans la forme, il n'est pas obligé de le dire de manière aussi directe. Cela gênerait Manuel Valls au sein du Parti socialiste pour attirer à lui tous les éléments qui regardent plutôt du côté de Montebourg". La mécanique semble néanmoins bien enclenchée.
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