Faillite de Detroit : ça n'arrivera pas en France, mais...
La loi française met les communes à l'abri des faillites comme celle de la ville de Detroit. Quand elles ne tiennent plus leur budget, c'est l'Etat qui prend le relais. Mais les conséquences sont les mêmes.
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La ville de Detroit (Michigan, Etats-Unis), berceau américain de l'automobile, s’est déclarée en faillite jeudi 18 juillet. Le tribunal doit encore donner son accord mais les créditeurs devront prendre leur mal en patience pour se faire rembourser. En attendant de dégainer son plan de bataille contre la banqueroute, l’ex-joyau de l’industrie américaine est à l'abri des huissiers qui viennent frapper à sa porte. Soufflons, les villes françaises en difficulté ne connaîtront pas le même sort.
Non pas que les villes et villages français soient franchement en bonne santé financière (comme le montre le classement des villes les plus endettées de l'Hexagone,réalisé par le Journal du Net), mais vous n'entendrez jamais parler d'une commune qui dépose le bilan. Et pour cause, elles ont un des meilleurs garants au monde : l'Etat français. Le seul risque est donc que l'Etat lui-même fasse faillite. Explications.
L'Etat prend la main sur le budget
"Si une commune fait des travaux et qu'elle ne peut pas régler les factures, l'entrepreneur sera payé par l'Etat", explique Maxime Seno, avocat spécialisé en finances publiques contacté par francetv info. Les mauvais élèves des finances publiques sont rapidement mis sous tutelle. Lorsqu'une municipalité ne boucle pas son budget, la chambre régionale des comptes lui demande de faire des efforts l'année suivante. Si la situation ne s'améliore toujours pas, le préfet, représentant de l’Etat, prend les rênes de la gestion des finances. Dans les cas extrêmes, comme à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le Conseil d'Etat peut destituer le maire de ses fonctions, expliquait Le Monde (article payant) en 2010.
En France, tous les ans, 200 à 300 municipalités sont mises sous tutelle, d'après Maxime Seno. Cela ne dure parfois que quelques mois, le temps de redresser les comptes, mais les conséquences sont les mêmes que celles de la faillite de Detroit.
La ville perd toute crédibilité auprès des électeurs...
Rien ne dit mieux son incapacité à gérer un budget que d’être mis sous tutelle. Et si cela peut constituer un argument de poids pour négocier des suppressions de poste ou augmenter les prix de la cantine scolaire, cela écorne sérieusement l'image de la municipalité. D'après Maxime Seno, l'événement est "désastreux pour une commune. Un conseil municipal est élu sur la base d’un programme d'investissement, un programme qu’il ne pourra pas tenir s’il est mis sous tutelle".
A Beauchamp (Val-d'Oise), une ville de 8 000 habitants, les difficultés financières et la mise sous tutelle mettent la majorité en difficulté, raconte Le Parisien. Un conseil municipal qui se fracture sur les questions de budget, une taxe foncière qui augmente : le jeu est dangereux à moins d'un an des élections municipales.
… et auprès des banques
A mauvais payeur, taux d'intérêt élevés. C’est un principe bancaire immuable, pour les particuliers comme les municipalités. "Certaines banques sont moins regardantes, mais les emprunts qu'elles proposent sont des emprunts toxiques", souligne Maxime Seno. Avec des taux d'intérêts très bas les premières années, ces emprunts peuvent mettre les maires en difficulté : au bout d'un certain temps, ce taux fluctue sans plafond, grimpant parfois jusqu'à 14%, comme à Angoulême, indique La Dépêche.
La mise sous tutelle d'une ville ne sonne donc pas toujours la fin de ses difficultés.Les Echos relayaient en 2003 le cas de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), placée sous la tutelle du préfet. Sept ans plus tard, la ville n'était toujours pas guérie de sa mauvaise santé budgétaire, selon Le Parisien.
Le risque d'entraîner l'économie locale dans sa chute
La mise sous tutelle ne met pas uniquement la ville en danger. Les maires et leurs adjoints sont astreints à des économies drastiques. En France, le préfet qui gère le budget ne fait plus aucun nouvel investissement. Tout juste mène-t-il à terme les travaux en cours. Exit le rond-point en prévision, aux oubliettes les projets de zones franches. De quoi mettre des bâtons dans les roues aux entreprises locales, surtout en période de crise.
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