Translate

jeudi 3 mai 2018

Choc de titans autour de Telecom Italia .....





a
3 mai 2018

Choc de titans autour de Telecom Italia

Le fonds vautour Elliott, dirigé par le Paul Singer, et Vivendi, dont le premier actionnaire est Vincent Bolloré, batailleront le 4 mai pour le contrôle de l'opérateur historique italien

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Le 4  mai, dans la banlieue de Milan, les actionnaires de Telecom Italia (TIM) assisteront à un choc de titans. Deux professionnels des marchés financiers, de l'activisme et des coups de théâtre en assemblée générale s'affronteront avec l'objectif de prendre le pouvoir chez l'opérateur historique italien. Le fonds vautour Elliott, dirigé par le milliardaire Paul Singer, et Vivendi, dont le premier actionnaire est Vincent Bolloré, présenteront chacun une liste d'administrateurs. Celui qui l'emporte est assuré d'avoir la majorité au conseil.
Au siège du groupe de médias français, la semaine dernière, on s'était déjà fait à l'idée de perdre cette bataille, tout en dénonçant la stratégie de " démantèlement " de TIM du fonds Elliott. Si une telle hypothèse se concrétisait, elle constituerait un véritable casse-tête pour Vincent Bolloré. En effet, celui qui détient aujourd'hui 17,2  % du capital et 23,9  % des droits de vote ne pourrait céder ses titres sans perdre 1,3  milliard d'euros.
Il faut dire qu'Elliott, avec 9  % du capital, a habilement manœuvré, profitant de la mauvaise réputation du milliardaire français en Italie pour avancer ses pions. A ce titre, la mise en examen de Vincent Bolloré a été une aubaine. " C'est juste le dernier exemple d'un bilan composé de conflits, de la poursuite d'intérêts propres, et même de problèmes plus graves relevant potentiellement de la criminalité, de la part de ceux qui demandent qu'on leur fasse confiance pour conduire TIM ", a lancé Elliott dans un communiqué, le 26  avril, tandis que les ennuis judiciaires de l'homme d'affaires faisaient les choux gras de la presse transalpine.
Pour séduire les actionnaires de TIM, Elliott tente de faire oublier les divergences stratégiques qui l'ont conduit à monter au créneau contre Vivendi. Ainsi, le fonds rappelle qu'il soutient le plan du directeur général, Amos Genish, homme fort chargé de la convergence chez Vivendi et propulsé à la tête de Telecom Italia en juillet  2017. " Il n'y a pas de plans alternatifs - à celui de M. Genish - ", affirme le fonds dans un communiqué du 30  avril.
Quelques résultats probantsIl faut dire qu'en quelques mois Amos Genish a déjà obtenu quelques résultats probants. Le chiffre d'affaires annuel 2017 de TIM a progressé de 1,9  %, à 18,3  milliards d'euros, et le résultat brut d'exploitation de 4,6  %, à 8,6  milliards d'euros. " Ce sont les meilleurs résultats depuis dix ans ", se félicite-t-on chez Vivendi. Le groupe de médias français a mis de l'ordre dans la maison, réduisant les coûts lorsque c'était nécessaire. Un plan stratégique a ensuite été voté à l'unanimité par le conseil, en mars dernier.
Elliott a bien compris l'importance du management en place. Pas question de faire fuir l'artisan de la reconstruction de Telecom Italia. Conscient d'être une pièce maîtresse de ce duel, Amos Genish a sans ambiguïté soutenu publiquement Vivendi, griffant au passage un Elliott jugé court-termiste. " Si la liste de Vivendi n'obtenait pas une majorité des votes  parce que c'est clairement la seule liste qui soutient notre plan de long terme , ma position de directeur général deviendrait intenable ", a affirmé ce dernier au Sunday Telegraph.
Mais si Elliott trouve de l'écho en Italie, c'est aussi parce qu'il tape là où ça fait mal. Il rappelle que le titre Telecom Italia a chuté de 36  % entre décembre  2015, lorsque Vincent Bolloré a installé ses hommes au conseil avant son arrivée au capital de Telecom Italia, et le moment où Elliott a fait part de son intérêt pour TIM, en mars  2018. A la décharge de Vivendi, la chute du cours est surtout due à des facteurs exogènes. En  2016, le gouvernement de Matteo Renzi a décidé de créer un réseau très haut débit concurrent, avec Enel et la Cassa depositi e prestiti, équivalent italien de la Caisse des dépôts.
Il est vrai que Vivendi n'a pas su dissuader le gouvernement de lui mettre ce concurrent dans les pattes. En outre, le pays s'apprête à accueillir, avec Iliad (dont le fondateur, Xavier Niel, est actionnaire du Monde à titre personnel), un nouvel opérateur mobile qui pourrait bouleverser le marché.
Autre point d'attaque d'Elliott, la gouvernance de Telecom Italia, dont il juge qu'elle sert d'abord les intérêts de Vivendi. Le fonds pointe, par exemple, le choix, en janvier  2017, d'Havas, filiale de Vivendi, comme société de communication de TIM, ou la nomination de Michel Sibony. Problème : ce " cost killer " de confiance de M. Bolloré multiplie les fonctions chez Vivendi, Groupe Bolloré ou Havas, et donc les risques de conflits d'intérêts. " Havas a été le meilleur sur les prix et l'efficacité ", se défend-on chez Vivendi, tout en mettant en avant le savoir-faire de M. Sibony en matière d'achats.
Depuis le départ, Elliott affirme simplement souhaiter rééquilibrer les forces au sein du conseil, en nommant plus de personnalités indépendantes. Le fonds a d'ailleurs les soutiens de deux influentes sociétés anglo-saxonnes de conseil aux investisseurs, ISS et Glass Lewis, qui n'apprécient pas en général qu'un actionnaire contrôle une société sans la posséder. " Est-ce que Vivendi augmente ou décroît les options stratégiques de Telecom Italia ? Ce n'est pas clair. En outre, l'indépendance du conseil est discutable ", lance ISS dans un document adressé aux actionnaires.
Paul Singer parviendra-t-il à ses fins ? Le fonds a décidé de faire le dos rond. Au départ, il souhaitait introduire le réseau télécoms de Telecom Italia en Bourse, afin de désendetter l'entreprise, verser un dividende et se désengager d'Inwit, les tours télécoms, et ce afin de faire remonter le cours de l'action. Désormais, il se dit prêt à laisser ses futurs administrateurs évaluer " avec le management " ces différentes propositions.
Sa. C.
© Le Monde


3 mai 2018

En Italie, les méthodes du milliardaire sont blâmées par la presse

Parrainé par le financier Antoine Bernheim, le Breton s'est aliéné le gouvernement et Silvio Berlusconi

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
L'aventure italienne de Vincent Bolloré avait pourtant bien commencé… Le Français est apparu dans le monde feutré du capitalisme italien au début des années 2000, parrainé par une figure centrale de la finance, des deux côtés des Alpes : Antoine Bernheim (1924-2012). De ses bureaux de la banque Lazard, au début des années 1980, celui-ci avait joué un rôle décisif dans la constitution de son groupe.
Fort de cette indispensable protection, c'est dans la peau du chevalier blanc qu'il a émergé, en 2002. Il s'agissait d'entrer au capital de Mediobanca (l'homme d'affaires breton en a acquis 8 %), afin de contrecarrer le double assaut d'Unicredit et de la Banca di Roma sur cette banque d'affaires stratégique, premier actionnaire, entre autres, de l'assureur Generali, dont le président, de 1995 à 1999 et de 2002 à 2010, n'était autre… qu'Antoine Bernheim.
Les deux hommes rompront de manière spectaculaire en 2010, Vincent Bolloré favorisant l'éviction du patriarche, qui ne dissimulera pas son amertume d'avoir été trahi. Les ambitions du milliardaire français semblaient alors avant tout patrimoniales.
Plus délicate, en revanche, sera son entrée tonitruante dans le monde des télécommunications, en 2015. Au départ, elle survient presque par hasard, lorsque M. Bolloré récupère 8 % du capital du groupe Telecom Italia par le biais d'une transaction avec l'espagnol Telefonica. Toutefois, les ambitions de l'homme d'affaires ne s'arrêtent pas là. Il monte aussitôt au capital, atteignant rapidement les 15 %, puis poursuivant ses achats de titres jusqu'à devenir le principal actionnaire du groupe, avec plus de 24 %.
Cette irruption est accueillie fraîchement par les pouvoirs publics italiens : pour eux, Telecom Italia n'est pas une société comme les autres. Ancien monopole d'Etat et fleuron de l'innovation technologique italienne, elle est aussi un mastodonte de 66 000 employés, lourdement endetté.
Défiance croissanteParallèlement, les méthodes du Breton, qui évince début 2016 le patron de l'entreprise, Marco -Patuano, pour placer ses hommes à la tête de l'entreprise, ainsi que sa façon de faire litière des préoccupations du gouvernement italien, nourrissent une défiance croissante. " Il est en train de devenir l'homme le plus puissant d'Italie ", alerte ainsi le quotidien La Repubblica, accusant l'homme d'affaires de vouloir " dicter sa loi " au pays.
" Dans ce monde de compromis, où les rapports humains sont très importants, la prudence d'un Bernheim lui a manqué ", constate un bon connaisseur du monde des médias transalpins. Cette observation se confirmera avec davantage d'acuité en 2016, quand éclatera le conflit avec Silvio Berlusconi.
" A l'origine, les relations étaient très bonnes entre eux. En rapprochant Mediaset et Vivendi, Bolloré mettait en avant sa volonté de constituer avec lui un grand groupe européen pour assurer l'avenir de leurs enfants. " Mais sa volte-face sur Mediaset Premium, qu'il renonce à acheter, affirmant découvrir la mauvaise santé financière de cette filiale de l'empire Berlusconi au moment où le milliardaire italien se remet difficilement d'une opération au cœur, et plus encore l'entrée par surprise au capital de Mediaset fin 2016, provoquent une large -indignation.
" Se mettre à dos, en quelques mois, à la fois le gouvernement italien et Berlusconi, c'était suicidaire ", poursuit le même observateur. " Bolloré a sous-estimé le facteur politique, et l'influence que Berlusconi conservait sur le gouvernement, qu'il était en mesure de faire tomber à tout moment. Au fond, il lui a rendu un grand service, en lui offrant une nouvelle jeunesse ! " L'homme d'affaires monte jusqu'à 29 % du capital de Mediaset, mais M. Berlusconi parvient à rassembler autour de lui plusieurs investisseurs italiens, et à renforcer sa position, repoussant l'offensive de M. Bolloré.
Privé d'appuis politiques, visé par plusieurs procédures judiciaires et attaqué par l'Autorité italienne de régulation de télécommunications (Agcom) – laquelle juge, en avril 2017, que Vivendi ne respecte pas les lois anticoncentration encadrant le secteur en Italie et lui enjoint de se séparer de sa participation dans Telecom Italia ou dans Mediaset –, Vincent Bolloré a désormais en Italie une image écornée.
Elle est même si dégradée que l'arrivée du sulfureux fonds spéculatif américain Elliott au sein de Telecom Italia, début 2018, est saluée comme une bonne nouvelle par l'ensemble de la presse. Il semble en passe, bien malgré lui, de confirmer une prophétie prêtée à Antoine Bernheim, qui, d'après plusieurs témoignages, lui aurait lancé un jour : " Tu ne comprendras jamais rien à l'Italie ! "
Jérôme Gautheret
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire