Tout en délicatesse et en grâce, Jane Goodall n’en avait pas moins le don de remettre fermement Homo sapiens à sa place. Comme le raconte Florian Bardou dans le portrait hommage publié à l’occasion du décès, ce mercredi, de la grande primatologue britannique, c’est elle qui a prouvé, en 1960, que la conception et l’utilisation d’outils n’est nullement l’apanage des humains. Oui, les chimpanzés se régalent de termites grâce à des branches soigneusement effeuillées qu’ils glissent dans les termitières. C’est elle, aussi, qui a observé, au fil des années 1960 et 1970, que les primates ont une vie sociale, des rituels, expriment des émotions, créent des liens en s’épouillant, guerroient et ont chacun leur personnalité. De quoi brouiller les frontières entre l’animal et l’humain, ou plutôt entre l’animal non-humain et l’animal humain. Ce qui avait alors choqué ou avait été moqué a été confirmé, depuis, par moult travaux. Non, définitivement non, l’emploi, voire la fabrication d’outils n’est pas réservé à l’humanité. Les chimpanzés, mais aussi d’autres primates, certains mammifères, oiseaux ou invertébrés, possèdent aussi cette faculté. Idem pour l’élaboration de raisonnements complexes, les émotions, la personnalité, la transmission d’une culture propre ou encore une forme de langage et même des dialectes, par exemple chez les cachalots.
Qu’il semble lointain, le temps où les animaux étaient perçus par les scientifiques comme de vulgaires machines. C’est en grande partie à Jane Goodall que nous le devons. Reste qu’une bonne partie de l’humanité ne semble toujours pas avoir intégré cette évidence et continue à se croire supérieure aux autres êtres vivants et hors de la nature. Voici, ci-dessous, ce que confiait Dame Jane en septembre 2018 lors d’une rencontre inédite avec le philosophe Edgar Morin, qui avait alors fait la une de Libération. Des mots plus que jamais d’actualité : «Sans aucun doute, nous sommes l’espèce la plus intellectuelle. Pas nécessairement la plus intelligente ni la plus sage, réfléchie et raisonnable, mais la plus intellectuelle. Imaginez, nous avons conçu une fusée qui est allée jusqu’à Mars et un petit robot y a pris des photos. Les chimpanzés sont bien plus futés que quiconque aurait imaginé, mais comparé à ce type de technologie, c’est d’un tout autre ordre. Donc comment est-il possible que l’espèce la plus intellectuelle qui ait jamais foulé le sol de cette planète soit en train de détruire calmement son propre foyer, sa maison ? Nous avons vu des photos de Mars, la planète qui a le plus de chance d’avoir abrité la vie. Nous ne voulons pas vivre là-bas, si ? Si vous deviez mourir demain, auriez-vous envie d’aller vivre votre prochaine vie sur Mars ? Moi, non !» Jane Goodall, la vie sur Terre vous remercie. 
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