Attention, sujet glissant. Une équipe de Sorbonne Université démontre dans Plos Biology du 2 octobre que les champs magnétiques ont des effets biologiques, induisant la production de toxines. " Selon nos résultats, nous ne pouvons pas ignorer les réponses cellulaires à des champs magnétiques -induits par les appareils électriques dans l'environnement, explique Margaret Ahmad, principale auteure avec Rachel Sherrad. Mais nous ne pouvons dire pour l'instant si ces ondes sont dangereuses pour les individus. "
En une phrase est résumée l'extrême sensibilité du sujet des risques des ondes en tout genre, -lignes haute tension, téléphones portables, Wi-Fi… Fait rare, l'éditeur a ajouté une note d'avertissement et publié un autre article rappelant le contexte afin
" d'encourager des interprétations prudentes ". On peut le comprendre.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) constate que
" les conclusions de l'évaluation des risques publiées en 2013 ne mettent pas en évidence d'effets sanitaires avérés " des radiofréquences. Tout en notant que celles-ci sont classées comme
" cancérogènes possibles " par le Centre international de recherche sur le cancer. Autre signe de la complexité du sujet, David Keays, chercheur à l'Institut de pathologie moléculaire du Biocentre de Vienne, coauteur de l'article complémentaire de
Plos Biology, cite les résultats opposés de deux études sur les liens entre leucémies et proximité des lignes haute tension.
En outre, les deux articles de la revue dressent la liste des effets des champs magnétiques connus des médecins car utilisés en… thérapie. Ainsi des stimulations -magnétiques transcrâniennes soignent la dépression résistante. La magnétothérapie, utilisant des champs mille fois plus faibles, sert pour calmer des douleurs, relaxer, soigner des fibromyalgies… même si des spécialistes qualifient la -méthode de placebo. Les auteurs ajoutent aussi que des animaux sont sensibles au champ magnétique terrestre, encore plus faible, notamment pour leur orientation : rouge-gorge, poisson-zèbre, tortues… Bref, rien de choquant à dire que des champs magnétiques ont des effets biologiques.
Champs faiblesMais l'un des problèmes est que l'on ignore le plus souvent pourquoi. Sauf en partie pour les stimulations transcrâniennes, dans lesquelles l'intensité des champs crée des interférences électriques dans les réseaux de neurones conduisant, selon les fréquences, soit à -diminuer l'excitabilité des neurones, soit à l'augmenter.
Les chercheurs se sont donc penchés sur les champs faibles, comparables à ceux des magnétothérapies.
" Pour la première fois, on comprend pourquoi les champs magnétiques ont un effet chez l'homme ", estime Margaret Ahmad. Selon elle, le champ -magnétique induit la production d'oxygène radicalaire, une espèce chimique particulièrement oxydante et donc agressive, susceptible, à grande concentration, de détruire l'ADN ou des protéines. A faible concentration, cela stimule le système de défense des cellules pour réparer l'ADN ou détruire cet oxygène. Cela -expliquerait donc les effets tantôt bénéfiques, tantôt néfastes des champs magnétiques.
Mieux, les chercheurs ont aussi identifié le rôle-clé d'une molécule dans ce processus, le cryptochrome. Sans lui, pas de réponse cellulaire à la stimulation magnétique. Cette protéine a été découverte en 1993 par Margaret Ahmad et est responsable chez les plantes de leur sensibilité à la lumière bleue, leur permettant de suivre le Soleil. Chez les mammifères, sans lumière, le cryptochrome est également impliqué dans le contrôle du rythme circadien de 24 heures.
Pour arriver à ces conclusions, l'équipe a multiplié les expériences. Par exemple, elle a observé, sur des larves de drosophiles, qu'elles évitent l'endroit où le champ est appliqué. Mais elles perdent cette capacité si des mutantes sont -dépourvues de cryptochrome. D'autres mutants, exprimant un cryptochrome humain, sont également sensibles au champ magnétique. Puis la production d'oxygène radicalaire a été vue dans des insectes génétiquement modifiés pour porter des cryptochromes de mouche, puis dans des cultures cellulaires de reins humains.
En outre, toutes ces expériences ont été faites en présence d'un champ de 2 milliTesla environ (25000 fois celui de la Terre) ou en son absence, soit en l'écrantant par un matériau particulier, soit en utilisant une bobine double dans laquelle le courant circule dans des sens opposés.
David Keays salue les progrès réalisés par rapport à des expériences antérieures mais considère
" que d'autres groupes devront répliquer ces résultats ".
Tout n'est cependant pas compris, car le cryptochrome pourrait ne pas agir seul ou ne pas être -directement sensible aux champs magnétiques. De plus, pour extrapoler à des effets sanitaires, des -essais autres que sur des cellules seront nécessaires. Margaret -Ahmad y songe mais suggère que d'ores et déjà ces résultats peuvent permettre de mieux contrôler les paramètres de la magnétothérapie (fréquences, intensités…) qui restent assez empiriques.
David Larousserie
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