Des femmes sans abri sous les dorures de la République. Anne Hidalgo ne pouvait prendre initiative plus symbolique pour frapper les esprits. Dans un entretien au JDD, daté du 14 octobre, la maire de Paris annonce l'ouverture en novembre d'" une halte " de nuit et de jour, pérenne, " dans l'Hôtel de Ville de Paris " pour " une cinquantaine de femmes " sans abri qui, par grand froid, " pourront être jusqu'à une centaine ". Au total, Mme Hidalgo s'engage à ouvrir 700 places d'hébergement d'ici " début 2019 " dans des batiments municipaux, surtout à l'ouest de Paris, qui s'ajouteront aux 800 nouvelles créées dans des lieux appartenant à la municipalité depuis février. La capitale compte quelque 10 000 places aujourd'hui.
Tout en faisant de la prise en charge des plus démunis un marqueur de sa politique, Mme Hidalgo met le gouvernement au pied du mur. Le 15 février, la maire de Paris avait déjà organisé
" une nuit de la solidarité " qui avait permis à quelque 2 000 Parisiens de recenser 3 035 sans-abri dans les rues de la capitale. Cette opération était une pierre dans le jardin d'Emmanuel Macron qui, en juillet 2017, avait déclaré qu'
" il - ne voulait -
plus personne dans les rues d'ici la fin de l'année ". En mars, le chef de l'Etat avait reconnu son échec en la matière.
" La moitié du chemin "Mme Hidalgo revient donc à la charge. En se fondant sur le décompte du 15 février, elle estime qu'
" il manque près de 3 000 places d'hébergement d'urgence dans la capitale. Je me suis engagée à ce que la Ville fasse la moitié du chemin. L'Etat est chargé de créer les 1 500 autres ", prévient-elle. Pour ce faire, elle propose que l'hôpital du Val-de-Grâce que l'Etat a fermé, dans le 5e arrondissement, puisse accueillir
" en attendant sa réhabilitation " des
" personnes à la rue "." Pour l'instant, je n'ai pas eu de réponse ", insiste-t-elle.
Les annonces de la maire de Paris ont soulevé peu de réactions dans les rangs de la Macronie. Plutôt un silence gêné de la part des ministres concernés ou des députés de Paris.
" On ne va pas tomber dans le piège qu'elle nous tend en critiquant frontalement ses annonces ", arguait, dimanche, un élu La République en marche (LRM) de Paris. Le député de Paris, Pacôme Rupin, à la tête du " comité de pilotage " de LRM dans la capitale, estime même que cette proposition représente
" un symbole intéressant ". Mais il regrette que "
la maire de Paris fasse d'un sujet aussi grave un enjeu politicien ", rappelant que le gouvernement
" a augmenté de 11 % le nombre de places d'hébergement en France en 2017 ", soit
" une hausse record ".
Dans l'opposition, certains se gardent de tout reproche : Pierre-Yves Bournazel, député (Agir) de Paris,
" approuve les dispositifs annoncés par la Ville de Paris ". Même si, potentiel candidat à la mairie en 2020, M. Bournazel prône
" la création de petites unités spécialisées, à taille humaine, qui permettent de prendre en compte la diversité des situations ". Président du groupe UDI-MoDem, Eric Azière se contente d'un constat malicieux : les annonces de Mme Hidalgo seraient
" une opération socialement utile et politiquement rentable ! "
La critique la plus mordante vient des élus Les Républicains. Maire du 5e arrondissement, Florence Berthout s'étonne
" de cet accès de générosité de Mme Hidalgo qui tombe du ciel ! On voit bien que, sur ce sujet, la maire de Paris joue le rapport de force avec le gouvernement ". En 2017,
" j'ai été la première a accueillir en mairie une vingtaine de femmes sans abri. Je l'ai fait sans esbroufe ", poursuit
la patronne de la droite parisienne.
" Hidalgo, c'est le coup de com permanent ", s'agace Geoffroy Boulard. Le maire du 17e arrondissement rappelle que
" chaque hiver, nous ouvrons des gymnases sur réquisition de l'Etat et nous servons des repas de solidarité à la mairie de l'arrondissement sans argent de la mairie centrale ".
" Donner l'exemple "Que ses propositions lui permettent de cliver avec la droite n'est pas pour déplaire à Mme Hidalgo. La maire de Paris y voit aussi l'occasion de resserrer les rangs de sa majorité, en envoyant un signal à son aile gauche.
" Il est inacceptable que des personnes continuent à dormir dehors dans la sixième puissance économique du monde. Chacun doit donner l'exemple ", tweetait, dimanche, Ian Brossat, adjoint au logement (Front de gauche). Coprésident du groupe écologiste à Paris, David Belliard
" applaudit des deux mains même si cette annonce arrive un peu tard ".
Le président du SAMU social de Paris, Eric Pliez, a cautionné, dimanche, sur Franceinfo, la
" démarche de fond engagée " par la maire de Paris. Mais ses propos sont restés alarmants :
" la réalité, c'est que chaque soir au 115, nous continuons de refuser du monde ", dit-il. Soit "
plus de 800 personnes par jour en ce moment, notamment des femmes isolées très vulnérables dehors ", précise-t-il.
La question des sans-abri, qui relève autant de l'Etat que de la Ville, devrait être au cœur de la campagne des municipales en 2020.
Béatrice Jérôme
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