Etre sénateur dans l'opposition aux Philippines n'est pas de tout repos : un peu plus d'un an après l'arrestation d'une sénatrice toujours derrière les barreaux, un autre opposant notoire au président philippin -Rodrigo Duterte, Antonio Trillanes IV, 47 ans, ex-officier au passé turbulent, s'est vu présenter un mandat d'arrêt mardi 25 septembre alors qu'il présidait une commission au Sénat. Conduit sous -escorte au commissariat, photographié de face et de profil, le sénateur a toutefois retrouvé la liberté après avoir versé une caution.
Antonio Trillanes IV est ensuite retourné au Sénat, où il va séjourner jour et nuit, entouré de partisans. Devant les journalistes rassemblés dans les couloirs de la chambre haute mardi à Manille, il n'a pas épargné le populiste et iconoclaste numéro un philippin :
" M. Duterte, vous pouvez tordre les règles à votre guise, bousculer tout ce que vous voulez, mais votre règne diabolique sur ce pays ne durera pas ", a-t-il lancé, défiant.
L'épreuve de force qui dure -depuis trois semaines entre MM. Duterte et Trillanes confirme que l'homme fort des Philippines, 73 ans, est prêt à tout pour faire taire les voix critiques. La sénatrice Leila de Lima, ex--ministre de la justice, qui s'était ouvertement opposée à la sanglante guerre -contre la drogue du président, a fini par être emprisonnée en 2017… pour trafic de drogue.
Amnistie révoquéeM. Trillanes est un ancien officier connu pour deux coups de force – l'occupation d'hôtels au centre de Manille en 2003 et 2007 – menés avec des compagnons d'armes sous l'ancienne présidente Gloria Arroyo pour protester contre la corruption dans l'armée. Il avait alors été condamné pour
" coup d'Etat " et
" rébellion ", puis amnistié en 2011 par le président Benigno Aquino III.
C'est l'amnistie pour rébellion que M. Duterte a révoquée le 4 septembre par une " proclamation " présidentielle, au prétexte que deux éléments indispensables manquaient au dossier : le formulaire de demande d'amnistie, ainsi que l'expression requise de remords pour les actes -concernés.
Le sénateur attend désormais la décision prochaine d'un autre tribunal. Si elle lui est défavorable, il ne pourra pas, cette fois, éviter la détention car l'accusation de coup d'Etat n'autorise aucune -libération conditionnelle.
" Le sénateur reste dans le Sénat pour éviter d'être arrêté sans mandat, explique-t-on dans l'entourage de M. Trillanes.
Si un mandat d'arrêt est délivré, il a donné sa parole qu'il ne résistera pas. " Dans un communiqué transmis le 25 septembre, le sénateur dénonce ces poursuites comme du
" pur harcèlement de M. Duterte contre ses critiques politiques et ceux qui disent la vérité ".
" Cela signifie officiellement que nous ne sommes plus en démocratie ", conclut-il.
L'imbroglio politico-judiciaire autour du sénateur Trillanes pourrait raffermir l'opposition contre le président Duterte qui, depuis son élection en mai 2016, a autorisé police et tueurs à gages à abattre sommairement ceux qu'ils suspectent de revendre ou de consommer de la drogue.
La popularité du président -philippin, admirateur de Donald Trump et qui se démarque par sa vulgarité, est en baisse, mais reste robuste. Le taux de satisfaction vis-à-vis de sa politique a atteint, en juin, son plus bas niveau depuis 2016, lorsqu'il avait chuté de 56 % à 45 % après qu'il eut traité Dieu de
" stupide ". Selon l'institut de sondage SWS, 57 % des Philippins lui font encore confiance.
Brice Pedroletti
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