Les affaires de pédophilie sont aujourd'hui pour l'Eglise catholique un repoussoir pour les jeunes, "indignés par les scandales sexuels et économiques, face auxquels ils ne voient pas une nette condamnation ". Au quatrième et dernier jour de sa visite dans les pays baltes, mardi 25 septembre, le pape François a formulé un spectaculaire constat aux allures de mea culpa en direction des jeunes générations. A Tallinn, capitale d'une Estonie dont une majorité des habitants se déclarent sans religion, le pontife a reconnu que cette crise empêche en partie l'Eglise catholique de faire ce pour quoi elle existe : annoncer l'Evangile.
François a fait cette déclaration dans un pays qui compte une microscopique communauté catholique de moins de 6 000 membres (pour 16 % d'orthodoxes et 10 % de luthériens), devant une assemblée de jeunes chrétiens de différentes confessions réunie dans l'église évangélique luthérienne Charles, à Tallinn. Il l'a fait en évoquant les témoignages que des jeunes ont confiés à l'Eglise catholique au cours de la préparation de son prochain synode des évêques, organisé à Rome du 3 au 28 octobre, consacré en principe au
" discernement des vocations ".
" Certains - jeunes -
ont le courage de dire :“Vous ne vous apercevez pas que personne ne vous écoute plus, ni ne vous croit ?” (…)
Certains demandent même expressément qu'on les laisse tranquilles, car ils trouvent la présence de l'Eglise pénible, voire irritante. " Ces propos répondent au désarroi et à la colère qui s'étend parmi les fidèles face à la révélation, par des enquêtes conduites dans plusieurs pays, de l'ampleur des violences sexuelles commises depuis des décennies par des prêtres et des religieux, et leur dissimulation par leur hiérarchie.
Ils surviennent le jour de la publication d'une enquête sur les abus dans le clergé allemand. Elle suit de peu le rapport du procureur de Pennsylvanie, en août, et l'éviction de Theodore McCarrick, l'ancien archevêque de Washington, du collège des cardinaux, en juillet. L'Eglise catholique est poussée à réagir si elle veut convaincre que ces affaires reflètent plus des comportements passés que des situations présentes. Le 21 septembre, le pape a accepté la démission de deux nouveaux évêques chiliens (après cinq autres).
" On couvrait ces choses "Le pape est revenu sur cette déclaration faite à Tallinn lors de la conférence de presse qu'il a tenue dans l'avion qui le ramenait à Rome, mardi soir :
" Si un seul prêtre a abusé d'un enfant, c'est monstrueux. (…)
Je comprends que les jeunes se scandalisent de cette corruption si grande. " Mais, dans le même mouvement, il a repris l'argument, déjà soulevé par le Vatican au lendemain de la publication du rapport de Pennsylvanie, selon lequel le nombre des abus serait en diminution aujourd'hui. Dans les premières décennies couvertes par le rapport (depuis l'après-guerre), a-t-il cependant reconnu, beaucoup de prêtres
" sont tombés dans cette corruption. Puis, dans les temps plus récents, cela a diminué car l'Eglise s'est rendu compte qu'elle devait lutter d'une autre manière. Dans les temps anciens, on couvrait ces choses. On les couvrait aussi à la maison quand les oncles violaient les neveux, quand le papa violait les enfants. On les cachait car c'était une grande honte ".
Il a mis en garde contre la tentation de juger des temps plus anciens avec les critères moraux -actuels.
" Un fait historique s'interprète avec l'herméneutique de l'époque où il a eu lieu, pas avec celle d'aujourd'hui ", a-t-il dit. Il n'a pas mentionné le grand nombre d'années qu'il faut généralement à une victime pour avoir le courage de signaler des faits.
Cécile Chambraud
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