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jeudi 27 septembre 2018

Manuel Valls candidat à la mairie de Barcelone


27 septembre 2018

Manuel Valls candidat à la mairie de Barcelone

L'ex-premier ministre a annoncé mardi soir, dans la capitale catalane, qu'il abandonnerait son mandat de député

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Il l'a répété trois fois, en -catalan et en espagnol. " Je veux être le prochain maire de Barcelone ", a asséné avec conviction Manuel Valls, mardi 25  septembre, dans l'auditorium du Centre de culture contemporaine de Barcelone, débordant de journalistes. Après des semaines de suspense, l'ancien premier ministre français né à Barcelone a confirmé sa candidature aux élections municipales qui se tiendront dans la cité catalane le 26  mai 2019.
" Dès la semaine prochaine, j'abandonnerai mon mandat de député et toutes mes responsabilités nationales et locales ", a-t-il ajouté, assurant qu'il avait prévenu cet été le président Emmanuel Macron et, début septembre, la déontologue de l'Assemblée nationale et le maire d'Evry, Francis Chouat.
" J'aime la France, a ajouté M. Valls en catalan et en français, dans un discours aux accents d'adieu. Ce pays a permis à un fils de Barcelone, naturalisé seulement à 20 ans, d'être maire, député, ministre et premier ministre. (…) Mais venir à Barcelone n'est pas une rupture, c'est le prolongement d'un même chemin, celui de l'Europe. "
Depuis que l'idée de se présenter à la mairie de la capitale catalane lui a été soufflée par des membres de la plate-forme unioniste -Société civile catalane, en décembre  2017, le député de l'Essonne a mûri cette possibilité qui semblait alors un brin excentrique, voire surréaliste. Le parti unioniste et -libéral Ciudadanos, qui n'avait cessé de le courtiser durant la tentative de sécession d'octobre  2017 – du fait de sa défense ferme de l'unité de l'Espagne –, et qui avait obtenu sa présence lors de meetings politiques ou de manifestations anti-indépendantistes, était convaincu qu'il franchirait le pas sous ses couleurs.
Mais Manuel Valls les a pris à contre-pied en choisissant de constituer une " plate-forme citoyenne " large, qui s'affranchit de Ciudadanos, tout en comptant sur son soutien, pour mieux puiser dans l'électorat socialiste et catalaniste et intégrer des représentants de la société civile. " Je suis un homme de gauche. Je viens du socialisme français. Avec ses principes et valeurs républicaines. Mais je suis un candidat indépendant, a expliqué M. Valls. Des partis me soutiendront, comme l'a déjà fait publiquement Ciudadanos, et je veux les en remercier, mais mon souhait est qu'il y en ait beaucoup plus. Nous avons du temps. "
Se présenter sous la bannière de Ciudadanos risquait de brider ses perspectives électorales, même si le parti est arrivé en tête des dernières élections régionales, avec 25 % des suffrages. Aucun des principaux dirigeants de Ciudadanos n'a assisté au lancement de sa candidature mardi, lui laissant à contrecœur toute son autonomie politique. " La situation mérite que nous fassions tous un exercice de générosité pour essayer de gagner Barcelone ", a expliqué la chef de file du parti dans la région, Inès Arrimadas.
Pour Manuel Valls, la voie est étroite pour l'emporter dans cette ville où, à la division entre la gauche et la droite, s'ajoute celle entre indépendantistes et unionistes. Lors de ce scrutin proportionnel à un tour, il lui faudra d'abord compter sur la fragmentation de l'échiquier politique pour espérer qu'aucune alliance – ni entre partis indépendantistes ni entre partis de gauche – ne rassemble la majorité absolue des sièges de conseillers municipaux. Il lui faudra ensuite arriver en tête, car, en l'absence de majorité absolue, c'est la liste la plus votée qui l'emporte.
" Parachutage "Il est impossible pour l'instant de mesurer les chances de l'ancien premier ministre, tant la nouveauté de sa candidature bouleverse l'échiquier politique catalan. Mais la nervosité est visible chez ses rivaux qui critiquent son " parachutage " et ses positions tranchées contre l'indépendance qui pousseraient, selon eux, à la " confrontation ".
" Barcelone n'est pas une ville qui se laisse utiliser pour d'autres objectifs que son propre développement, résume avec acidité l'indépendantiste Ernest Maragall, candidat de la Gauche républicaine catalane (ERC). Pour le moment, il semble que Manuel Valls soit surtout intéressé par le financement de sa campagne et qu'il pense pouvoir acheter la ville. " Frère de -Pascual Maragall, charismatique maire de Barcelone entre 1982 et 1997, et l'un des favoris du scrutin, il reconnaît cependant que l'ancien ministre de l'intérieur sera un " adversaire difficile "" Manuel Valls ne connaît pas Barcelone et n'est pas connu à Barcelone, a ironisé pour sa part l'ancien président catalan Carles Puig-demont, depuis la Belgique. Pour savoir qui il est, il suffit de voir quelle est l'opinion de ses compatriotes français. "
L'actuelle maire, Ada Colau (gauche radicale), n'est pas plus tendre. Elle a fustigé publiquement ses " positions réactionnaires, notamment sur le sujet de l'immigration ", et l'a qualifié " d'ultralibéral qui défend un modèle spéculatif ". Quant au candidat du Parti socialiste catalan (PSC) à la mairie de Barcelone, Jaume Collboni, il voit là une tentative de se remettre d'une " carrière politique frustrée ".
Dans les médias catalans, plusieurs articles ont rappelé la polémique autour de l'expulsion de la jeune Kosovare Leonarda Dibrani, en  2013, et insisté sur son profil " autoritaire " et ses propos durs sur l'islam. Dans le quotidien El Pais du 21  septembre, le politologue Josep Ramoneda l'a défini comme " un jouet cassé de la politique française ". A contrario, le journaliste Joaquin Luna de La Vanguardia, le 23  septembre, a salué son " profil sérieux, sa dimension entrepreneuriale et la récupération du bon sens qu'il propose ".
Quoi qu'il arrive, je resterai ici ", a promis M. Valls. La semaine dernière, il a signé la location d'un appartement dans le quartier de l'Eixample, dans le centre, et il a noué avant l'été une relation avec l'héritière des laboratoires pharmaceutiques Almirall, -Susana Gallardo. " Je suis barcelonais. C'est avant tout une option personnelle, un choix de vie ", -a-t-il conclu.
Sandrine Morel
© Le Monde



27 septembre 2018

" Je suis choquée qu'il se dise que l'Espagne est mieux que la France "

A Evry, dans le fief du député de l'Essonne, les habitants expriment une certaine amertume à l'idée de voir leur ancien maire s'exiler

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Elle attendait ce moment depuis plusieurs mois. Farida Amrani, qui a vu sa demande d'invalidation de l'élection de Manuel Valls rejetée il y a un an, aura finalement sa revanche contre le député d'Evry, élu sur le fil en juin  2017. La candidate " insoumise " de la première circonscription de l'Essonne entend bien arracher son fief à l'ancien premier ministre de François Hollande. Dès l'annonce de la candidature du député à la mairie de Barcelone, mardi 25  septembre, la conseillère municipale d'Evry a lâché ses coups : " Ceux qui ont voté pour lui se sentent trahis, ils sont abandonnés. Tournons la page et construisons ensemble l'avenir. "
Les Evryens connaîtront d'ici une semaine la date du scrutin, soulagés de voir cette période d'incertitude se terminer, alors que Manuel Valls était de plus en plus investi en Espagne. Depuis qu'il a clarifié ses intentions, les réactions sur les réseaux sociaux oscillent entre encouragements et piques. Plusieurs Tweet ont notamment repris, pour s'en moquer, le slogan de l'affiche électorale du député, un " Toujours avec vous " sur fond bleu marine.
Forte polarisationVoilà quelques jours en effet qu'à Evry, le départ de l'élu essonnien vers l'Espagne désole ou fâche.  Les électeurs regrettaient notamment sa forte implication sur la scène politique barcelonaise. Et ils étaient nombreux à noter l'absence de Manuel Valls à plusieurs événements locaux récents – fête nationale, Forum des associations ou rentrée scolaire – que, -naguère, il ne manquait jamais.
Le sort de celui qui fut élu député par seulement 139 voix d'avance laisse ici peu de monde indifférent. Quelques jours avant sa déclaration de candidature, on sentait la forte polarisation que M. Valls a toujours suscitée dans cette ville dont il fut longtemps maire. Sur la dalle, à l'entrée de l'Agora, devant le centre commercial qui se vide de ses boutiques, le ton n'était guère amène. " Il sera très bien à Barcelone, on n'a pas besoin de lui ici ", lançait avec hargne Marceline, une petite retraitée aux cheveux courts. " Il fuit la France parce qu'il a eu des propos et un comportement outranciers qui ont choqué les Français. Il se fiche de nous ! Mais pourquoi on vote, alors ? Pour que les hommes politiques prennent le mandat, les indemnités et qu'ils partent après ? ", s'étranglait David D., 41 ans, fonctionnaire.
Jean-Louis, lui aussi modeste retraité, assurait qu'à ses yeux, " avec la façon dont il s'est comporté, Valls n'existe plus ". " On a besoin d'un élu de l'Essonne à -l'Assemblée, pas un fantôme qui fuit ", ajoutait-il. Même les -partisans de l'ancien premier ministre avaient du mal à accepter ce qui leur apparaît comme une désertion. " Je suis choquée qu'il ait envie de partir, se dire que, pour lui, l'Espagne est mieux que la France ", confiait doucement Noreen, mère au foyer qui trouve que le député " avait de bonnes idées ".
Désormais, beaucoup s'interrogent sur la suite. Le maire d'Evry, Francis Chouat, a réagi, dans un communiqué, en disant son " respect pour le choix courageux " fait par son mentor et en lui souhaitant " plein de succès dans sa nouvelle vie personnelle et politique ". Il n'a cependant pas dit s'il serait candidat. " Je ne veux pas être dans la course à l'échalote ni m'inscrire dans un climat de revanche que certains cherchent à installer ", déclare-t-il au Monde. Mais tout le monde s'attend à Evry à ce que le vieux -complice de Manuel Valls prenne la relève de son mentor. " Ce n'est pas une affaire personnelle, je veux d'abord chercher à rassembler ", avance prudemment -Francis Chouat.
" Une seconde chance "Le départ de l'homme fort du département depuis près de vingt ans, chamboule en effet l'équilibre construit localement. Entre l'effondrement du PS et l'affaiblissement de LRM, l'issue de la législative partielle qui devrait se dérouler dans les trois mois reste incertaine. Farida Amrani n'a pas attendu pour lancer sa campagne : " C'est une seconde chance qui nous est donnée de faire vivre la démocratie après que celle-ci n'a cessé d'être bafouée depuis quinze mois, assène la conseillère municipale d'Evry.  On a besoin d'une parole forte pour porter notre territoire. Je veux essayer de construire un rassemblement plus large à gauche. "
La jeune femme assure que ses réseaux, présents dans les quartiers populaires d'Evry et de Corbeil-Essonnes, sont d'ores et déjà mobilisés. Le chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon, devrait venir la soutenir. L'enjeu est de taille pour l'" insoumise " : ravir cette circonscription où elle avait échoué de peu il y a plus d'un an. Avec une incertitude, la participation. En juin  2017, l'abstention avait atteint 65  %.
Sylvia Zappi
© Le Monde

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