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mercredi 26 septembre 2018

Macron rejoue le bras de fer avec les extrêmes.......Un an après le discours de la Sorbonne, la réforme de l'Union enlisée.....


26 septembre 2018

Macron rejoue le  bras de fer avec les extrêmes

Pour remporter les européennes en 2019, le chef de l'Etat veut rassembler contre Le Pen, Orban et Salvini

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Matteo Salvini et Viktor Orban lui ont rendu un fier service. Ce 28  août, le ministre italien de l'intérieur et chef de file de la Ligue - (extrême droite) et le premier ministre nationaliste hongrois sont à Milan. D'une seule voix, ils désignent Emmanuel Macron comme leur ennemi numéro un. Un titre de gloire pour le président français qui veut faire des élections européennes de mai  2019 un duel entre " progressistes "et " nationalistes "" Il y a actuellement deux camps en Europe ", a lancé M. Orban, accusant M. Macron d'être " à la tête des forces soutenant l'immigration "" S'ils ont voulu voir en ma personne leur opposant principal, ils ont raison ", a répondu dès le lendemain le chef de l'Etat français, depuis le Danemark.
A huit mois des élections européennes, Emmanuel Macron veut rééditer la recette qui lui a tant réussi en France, lors de la présidentielle de 2017 : s'imposer comme le seul à même de battre les forces d'extrême droite – MM. Orban et Salvini en Europe et Marine Le  Pen en France. Et se poser comme le pivot capable de rassembler toutes les sensibilités politiques europhiles. Cette stratégie de campagne aura lieu dans un contexte incendiaire : la question de l'immigration sera un des thèmes-clés de ce scrutin. Lundi 24 septembre, le navire humanitaire Aquarius a demandé de pouvoir débarquer à Marseille les 58 migrants secourus à son bord. Une actualité qui a obligé l'Elysée à prôner une nouvelle fois une " solution européenne " et a permis à Mme Le Pen de conspuer les " passeurs " de l'Aquarius. Comme un avant-goût de la campagne à venir…
Pour M. Macron, le scrutin de mai 2019 est crucial. Ce sera son premier test électoral, alors qu'il est au plus bas dans les sondages après un été calamiteux. Même au sein de son camp, certains redoutent un vote sanction. " Cela n'est pas gagné car beaucoup de gens ne vont pas se prononcer sur l'Europe mais manifester leur colère contre Macron ", grimace un député La République en marche (LRM). La formation macroniste accélère la préparation de cette élection hautement stratégique. Mercredi 26 septembre, le délégué général de LRM, Christophe Castaner, doit présenter les enseignements de la " grande marche pour l'Europe ", qu'il a organisée au printemps. Et livrer les conclusions de la réunion du bureau exécutif du parti, qui, lundi, a précisé le calendrier de la campagne ou les premiers éléments de la charte des valeurs du mouvement.
" Le choix est binaire "M. Castaner a en tout cas conforté le plan de campagne, le 14  septembre, lors de la conférence de presse de rentrée de son mouvement, en présentant le scrutin de 2019 comme un bras de fer entre " nationalistes " contre " progressistes ". Une " frontière " tracée par M.  Macron dès le 9  juillet, lors de son discours devant le Congrès à Versailles. -Depuis son entrée à l'Elysée, l'actualité lui a indéniablement donné des arguments, alors que les nationalismes progressent partout en Europe. En Allemagne, l'AfD d'extrême droite est entrée au Bundestag, après les élections de septembre  2017. En Italie, le scrutin de mars a débouché sur une coalition entre la Ligue d'extrême droite et les populistes du Mouvement 5 étoiles…
En réduisant la bataille à un simple choix entre les pro et les anti-européens, M. Macron tente d'installer un duel avec la présidente du Rassemblement national (RN, ex-FN), dans l'espoir de marginaliser les anciens partis de gouvernement. " La campagne met aux prises deux gros blocs ayant une vision contradictoire. Le choix est binaire. Il n'y a pas d'entre-deux ", souligne le député macroniste de Paris, Pierre Person, chargé de la préparation des élections pour LRM. Le dernier sondage Odoxa pour Le Figaro et Franceinfo, publié le 14  septembre, accrédite cette vision : LRM est mesuré pour le moment à 21,5  %, au coude-à-coude avec le RN (21  %), loin devant LR (14  %) ou le PS (4,5  %).
Avec cette tactique, le président espère encore une fois continuer à siphonner la gauche et à diviser la droite lors des européennes. " Ce scrutin doit être l'occasion d'élargir le socle de la majorité présidentielle. La recomposition politique qui a débuté avec la présidentielle n'est pas achevée ", veut croire un élu LRM. Une ambition qui n'a pas échappé à la droite. Le député LR de l'Yonne, Guillaume Larrivé, dénonce " un faux clivage et un vrai piège tactique ". Le président de LR, Laurent Wauquiez, fustige de son côté le " machiavélisme " du chef de l'Etat, qui voudrait réduire le débat européen à " un tête-à-tête funeste entre lui et Marine Le Pen ".
Pour arriver à émerger en tête, M.  Macron doit trouver des alliés. En France mais aussi en Europe, où LRM cherche à constituer un groupe " progressiste " au Parlement, aux côtés du PPE, du PSE ou des Verts. Et, pour l'heure, dans les deux cas, il se heurte à la résistance des partis. Sur le Vieux Continent, M. Castaner est à l'offensive pour élargir le socle de sa formation, qui n'a pas d'élu à Strasbourg compte tenu de son jeune âge. Après avoir rencontré les dirigeants de Ciudadanos à Madrid ou encore ceux du Parti démocrate  à Rome, il doit se rendre, dans les prochaines semaines, en Grèce et en Roumanie.
Le raisonnement est le même que celui tenu par M. Macron en 2017 pour dynamiter le paysage politique français. Au sein des groupes parlementaires européens existants, a diagnostiqué le président, il existe des divergences fondamentales. Dès lors, dans chacune de ces formations, il y a des partis ou des élus en phase avec LRM et susceptibles de s'allier avec son mouvement. " Nous voulons rassembler aussi largement que possible avant l'élection, mais aussi après ", estime Pieyre-Emmanuel Anglade, député LRM des Français de l'étranger et " M. Europe " de la Macronie qui doit bien constater que, au sein du PPE, par exemple, personne n'a pour l'heure manifesté l'envie de quitter le navire.
Sur la scène intérieure, le parti présidentiel peine également à élargir son alliance au-delà du MoDem. Le 14  septembre, M.  Castaner a d'ailleurs lancé un appel à Alain Juppé et ses proches à participer à une liste commune. LRM espère aussi rallier l'UDI. Restera ensuite à trouver une tête de liste au profil à la fois connu et rassembleur. Rien n'est encore arrêté. Le nom de Daniel Cohn-Bendit est évoqué. Une seule chose est sûre : le président sera au cœur des débats. " C'est Macron qui va mener la campagne en tête d'affiche et derrière, cela va être moins incarné par une personnalité forte que par la liste dans son ensemble ", explique un dirigeant du parti.
Alexandre Lemarié, Et Virginie Malingre
© Le Monde



26 septembre 2018

Un an après le discours de la Sorbonne, la réforme de l'Union enlisée

Les projets de Macron ont été contrariés par la fragilisation d'Angela Merkel

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Jamais, Emmanuel Macron n'a eu l'Europe honteuse. Il a au contraire décidé de l'incarner, de la porter en étendard. Comme au soir de sa victoire, au Louvre, le 7  mai 2017 : le drapeau européen flotte, L'Ode à la joie de Beethoven, qui est aussi l'hymne de l'Union européenne, emplit l'espace. Quelques mois plus tard, le 26  septembre 2017, lors d'un discours enflammé prononcé dans le grand auditorium de la Sorbonne, le jeune chef de l'Etat déclare son ambition pour une Europe refondée, " souveraine, unie et démocratique ", face à l'Amérique de Donald Trump et à la Chine de Xi Jinping.
Un an après, à huit mois des élections européennes de 2019, Emmanuel Macron sait qu'il sera jugé à l'aune de ce discours fondateur, dans lequel il a fait une cinquantaine de propositions, sur l'environnement, la politique migratoire, la défense, la zone euro, ou le -numérique. Jeudi 20  septembre, à -l'occasion du sommet européen de -Salzbourg, en Autriche, le président a esquissé son propre bilan. " Depuis un an, les avancées ont été réelles ", a-t-il défendu, citant la défense, le droit d'auteur, l'économie et la croissance dans la zone euro, la sécurité, " avec la force européenne de protection civile ", ou encore le lancement cet automne des universités européennes. " Mais l'Europe se perd dans les querelles et laisse les uns et les autres être séduits par les purs messages de violence, a-t-il ajouté. Ce combat se poursuivra, ce sera l'enjeu des élections européennes, c'est un combat de chaque jour. "
Le clan des " nonistes "A Bruxelles, on veut croire que, dans l'Europe du Brexit, le discours de la Sorbonne a fait bouger les lignes, imposé un agenda et redonné une voix à la France sur la scène européenne. " A part Florian Philippot, plus personne ne parle de quitter l'Union européenne ", note Pieyre-Emmanuel Anglade, député LRM des Français de l'étranger et spécialiste des questions européennes. " Au premier tour de la présidentielle, il y a eu 50  % de votes antieuropéens, rappelle un conseiller élyséen. On savait que le contexte politique nécessitait un combat doctrinal et idéologiqueA la Sorbonne, on a initié ce travail de reconquête intellectuelle et diplomatique en Europe. Désormais, la France évoque des sujets qui fâchent, parle à tout le monde et ne se limite plus à un bilatéral ritualisé avec Berlin. "
Pourtant, après une année consacrée au sujet – le chef de l'Etat a visité plus de la moitié des pays de l'Union et prononcé deux longs discours, au Parlement de Strasbourg en avril et à Aix-la-Chapelle en mai –, le bilan de son plan pour l'Europe reste mitigé. Même si, comme le souligne l'Elysée, " un peu plus de la moitié des propositions de la Sorbonne sont finalisées ou le seront avant le scrutin européen ".
Certaines d'entre elles ont d'ores et déjà été enterrées. L'énergie du jeune président n'a pas suffi à faire sortir de son coma la taxe sur les transactions financières. Ni à réactiver un autre serpent de mer bruxellois, la taxe aux frontières de l'Europe sur le carbone, jugée " indispensable " à la Sorbonne. Le président a aussi renoncé à l'instauration de " listes transnationales " dès les européennes de 2019. Ou d'un " super-ministre " de la zone euro.
Mais, dans plusieurs domaines, il y a eu des avancées notables. A commencer par la révision de la directive sur le travail détaché, que le président a obtenu en octobre  2017 après quatre mois de négociations. La Commission européenne, tout comme la Belgique ou l'Allemagne y étaient également favorables, mais Paris a contribué à durcir la copie.
Sur les sujets de défense et de sécurité aussi, la France peut se féliciter d'avoir obtenu des résultats. Huit autres pays dont l'Allemagne ou la Belgique ont ainsi décidé en juin de rejoindre son " initiative européenne d'intervention ", cette alliance visant à une coopération plus rapprochée entre les états-majors, hors du cadre de l'OTAN. Pressée notamment par Paris, la Commission vient par ailleurs de proposer un règlement obligeant les réseaux sociaux à éliminer des contenus à caractère terroriste, dans l'heure suivant leur signalement par les autorités.
Même la taxe GAFA – acronyme désignant Google, Apple, Facebook et Amazon – a fait quelques progrès, et son adoption reste possible avant les élections européennes. Convaincue par Paris, la Commission défend un prélèvement sur le chiffre d'affaires des géants du Web. Et si une majorité des pays penche désormais en sa faveur, l'activisme français n'y est pas pour rien. " Emmanuel Macron a su convaincre des pays comme le Luxembourg, la Finlande ou le Danemark ", explique son entourage.
Certes, l'Irlande, havre fiscal pour la high tech américaine, y reste opposée, mais elle sait qu'elle ne pourrait pas rester seule sur cette position. D'autant que Dublin a besoin de l'aide de Bruxelles sur le Brexit… Et l'Elysée espère convaincre une Allemagne encore hésitante. " L'idée d'une taxe GAFA figure dans l'accord de coalition allemand et a le soutien du SPD ", y explique-t-on.
" Un grand pas "En revanche, certaines des réformes les plus structurantes, celles qui doivent rendre l'Europe plus visible et lui donner du sens, peinent à avancer. A commencer par le budget de la zone euro, dont Emmanuel Macron voulait qu'il représente " plusieurs points de PIB de la zone euro ". Le président français a certes arraché un " oui " timide à la chancelière Merkel au sommet de -Meseberg en juin – " c'est un grand pas ", commente l'Elysée –, mais, depuis, les discussions n'ont pas avancé. Et avec les échéances des européennes, il est peu probable qu'elles progressent d'ici à la fin de l'année.
Le clan des " nonistes ", un club d'une grosse dizaine de petits pays, surtout du Nord, mené par les Pays-Bas, y reste fermement opposé. Et les projets d'Emmanuel Macron ont été contrariés par la fragilisation d'Angela Merkel après le scrutin de septembre  2017, qui a vu l'AfD d'extrême droite entrer au Bundestag. D'autant qu'il a, quelques mois plus tard, perdu un allié potentiel, avec l'arrivée d'un gouvernement populiste en Italie.
C'est sans conteste sur les sujets migratoires – qui seront pourtant au cœur de la campagne pour les élections européennes – que ces nouveaux équilibres ont bloqué les ambitions macroniennes. A la Sorbonne, le président français souhaitait " dans l'année " une réforme des accords de Dublin sur l'accueil des réfugiés. Le chantier est aujourd'hui au point mort, même si Emmanuel Macron, le 20  septembre à Salzbourg, a cité Jean-Claude Juncker, selon lequel, a-t-il affirmé, " il (serait) possible de finaliser Dublin " d'ici à mai.Face au refus des pays de l'Est d'accueillir des réfugiés, la priorité à Bruxelles est désormais au renforcement des frontières extérieures de l'Union. " Salvini et Orban ne veulent pas de solution, ils vivent du problème ", commente l'Elysée, " aujourd'hui tout est bloqué pour des raisons d'instrumentalisation politique ".
Cécile Ducourtieux (à Bruxelles), et Virginie Malingre
© Le Monde

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