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vendredi 28 septembre 2018

Les territoires ruraux cultivent les renouvelables.....


28 septembre 2018

Les territoires ruraux cultivent les renouvelables

Réunies du 26 au 28 septembre en Savoie, des collectivités misent sur les ressources locales

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Montmélian la solaire ". Le slogan, surmonté d'un astre du jour, accueille le visiteur à l'entrée de la commune savoyarde d'un peu plus de 4 000 habitants, posée, sur les bords de l'Isère, entre forêts escarpées et coteaux couverts de vignes. Il affiche l'ambition d'une cité pionnière dans le domaine des énergies renouvelables. Ce qui lui vaut d'accueillir, jusqu'au vendredi 28  septembre, les huitièmes Rencontres nationales Energie et territoires ruraux, organisées par le CLER Réseau pour la transition énergétique. Une structure qui fédère aujourd'hui une soixantaine de " territoires à énergie positive ", ou Tepos : des collectivités dont l'objectif commun est d'atteindre 100 % d'énergies renouvelables, en misant sur la sobriété et la valorisation de ressources locales.
Pionnière, Montmélian l'est depuis plus de trente ans, relate la maire (PS), Béatrice Santais, qui suit, " avec le même enthousiasme ", le chemin tracé par son père et prédécesseur, l'ex-sénateur Roger Rinchet. C'est lui qui, dès 1983, a doté le centre nautique de panneaux solaires thermiques qui chauffent, à moindre coût, l'eau des bassins et des douches. Tour à tour ont ensuite été équipés plusieurs bâtiments communaux (maison de retraite, gymnase, foyer de jeunes travailleurs, halle de gymnastique, " village des enfants " regroupant halte-garderie, centre aéré et centre de loisirs…), mais aussi les toitures d'immeubles et de logements sociaux gérés par l'Office public d'aménagement et de construction.
Démarche volontaristeLa ville a également installé une centrale photovoltaïque sur le toit des ateliers municipaux. Elle compte aujourd'hui 2 000 mètres carrés de capteurs solaires, pour plus des trois quarts thermiques. A quoi s'est ajoutée, début 2018, la mise en service sur l'Isère d'une centrale hydroélectrique au fil de l'eau, exploitée par le groupe Akuo Energy. Ses quatre turbines, d'une puissance de 2 mégawatts, génèrent l'équivalent de la moitié de la consommation électrique annuelle de la commune.
Sur son blason, la petite cité n'est pas peu fière de pouvoir inscrire depuis 2007 le label européen de Cit'ergie. Il consacre une démarche volontariste qui lui a aussi valu de recevoir, en  2014, le grand prix du Conseil européen des urbanistes, et d'être distinguée par l'Agence internationale de l'énergie " pour trente années d'une politique remarquable dans le domaine du solaire thermique ".
Le chantier a changé d'échelle avec la création, en janvier  2014, de la communauté de communes Cœur de Savoie, qui rassemble quarante-trois collectivités rurales et 35 000 habitants. La barre a été placée haut. L'objectif est de faire de cet ensemble un territoire autonome en énergie à l'horizon du milieu du siècle. Cela suppose de diviser par deux sa consommation actuelle, en ne prenant pas en compte la consommation liée au transit routier – important sur cet axe reliant Grenoble à Chambéry –, ni celle d'une entreprise papetière de La Rochette, du groupe canadien Cascades, très énergivore. Cela exige aussi de multiplier par trois la production d'énergies renouvelables.
" Y parviendrons-nous d'ici à 2050 ? Je ne sais pas. Mais le défi est beau à relever ", dit Béatrice Santais, qui préside aussi l'intercommunalité. " L'humanité est en train d'épuiser la planète, poursuit-elle. Il faut changer de modèle énergétique, alimentaire, agricole… Des décisions fortes doivent venir d'en haut, mais, pour réussir, les initiatives et les expérimentations locales sont indispensables. Nous voulons faire notre part et montrer que c'est possible. Mises bout à bout, de petites réalisations peuvent changer la vie. " Directrice du pôle transition énergétique et développement local de la communauté de communes, Anne Verrier veut y croire : " Nous fixer des objectifs ambitieux nous oblige à innover, en impliquant tous les acteurs. "
" Centrale villageoise "Il faut donc faire feu de tout bois. A commencer, justement, par l'abondante ressource forestière (13 500 hectares), qui approvisionne trois chaufferies au bois. Comme celle du village de Saint-Pierre-de-Soucy (430 habitants), qui dessert, en brûlant des sous-produits de scierie, la mairie, la salle polyvalente, l'école et quelques appartements. Des réseaux de plus grande taille sont en projet, notamment à Montmélian, pour chauffer 170 logements. " La filière reste à structurer, dit Guy Chauvin, chargé de mission à la communauté de communes. Notre forêt est très morcelée, puisque les deux tiers sont répartis entre plus de 8 000 propriétaires privés, et son exploitation, en zone montagneuse, est difficile. Il faut organiser des circuits courts, sans concurrencer le bois d'œuvre. "
Le photovoltaïque va aussi monter en puissance. Une " centrale villageoise ", le Solaret, est ainsi en cours d'aménagement. " Le principe, explique Nicolas Podeur, qui en est à l'initiative, est de développer les énergies renouvelables de façon locale et citoyenne. Nous installons des capteurs sur les toits de particuliers, de bâtiments publics ou d'entreprises, qui les louent à une société coopérative dont ils sont actionnaires. Treize toitures dans sept communes sont déjà en passe d'être équipées. " Une boucle géothermique est également à l'étude, dans le parc d'activité Arc-Isère, de même que la valorisation des déchets verts en biogaz.
Rien ne sera pourtant possible sans une baisse drastique de la consommation, en particulier dans l'habitat résidentiel et les transports, qui en représentent les deux tiers. La priorité est donc donnée à la rénovation thermique des maisons individuelles, qui constituent l'essentiel des logements, et à la lutte contre la précarité énergétique. Dans le même temps, des bornes de recharge pour véhicule électrique sont installées, des aires de covoiturage créées, des points de location de vélo à assistance électrique aménagés, l'accès des deux-roues aux gares facilité.
Dans le domaine alimentaire aussi, Cœur de Savoie joue la carte de la proximité. Un foyer-restaurant alimente déjà les cantines scolaires et devrait être complété par une légumerie et une conserverie. Dans le village de Planaise (520 habitants), l'association Terre solidaire cultive 3,6 hectares de produits maraîchers, vendus à ses adhérents ou dans des magasins bio. Une activité qui, précise la présidente, Véronique Zanardo, " remet sur la voie d'un emploi durable trente salariés en insertion ". Ailleurs, un jeune agriculteur se convertit au bio pour livrer farine de blé et d'épeautre à un fournil.
Autant de réalisations parfois modestes, mais qui, additionnées, peuvent " faire boule de neige ", est persuadée Béatrice Santais. Labélisée Tepos en  2015 par la région Rhône-Alpes et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui lui ont alloué 100 000  euros, puis " territoire à énergie positive pour la croissance verte ", avec une subvention de l'Etat de 1 million d'euros, la communauté de communes continue de creuser son sillon. Elle prépare un " plan climat-air-énergie " qui doit l'aider à s'adapter aux conséquences du réchauffement et à diviser par trois ses émissions de gaz à effet de serre. Une façon, là encore, de " faire sa part ".
Pierre Le Hir
© Le Monde


28 septembre 2018

" Il faut que les citoyens se réapproprient les questions énergétiques "

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Chargée de mission au sein du Réseau pour la transition énergétique (CLER), Esther Bailleul explique la démarche et l'enjeu des " territoires à énergie positive ".


Qu'est-ce qu'un Tepos, ou territoire à énergie positive ?

Il s'agit de collectivités, le plus souvent rurales mais de toutes tailles, qui visent à produire plus d'énergie qu'elles n'en consomment, avec un objectif de 100  % de renouvelables. Elles montrent la voie à suivre pour sortir des combustibles fossiles et lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Mais elles permettent aussi aux territoires et aux citoyens de se réapproprier les questions énergétiques, alors que les choix étaient jusqu'à présent imposés, de façon très centralisée, par l'Etat.
Les Tepos font émerger des solutions concrètes pour la production d'énergies renouvelables, la maîtrise de la consommation, la rénovation de l'habitat, la mobilité durable… Ils créent aussi des coopérations nouvelles entre acteurs économiques, élus, associations et citoyens. Et, en valorisant les ressources locales, ils apportent de la richesse et des emplois aux territoires.
J'ajoute qu'autonomie ne veut pas dire autarcie. Au contraire, l'idée est de favoriser des solidarités nouvelles entre les collectivités rurales, qui disposent d'importantes ressources naturelles, et les zones urbaines ou périurbaines, où il est plus difficile de développer des énergies durables.


Combien de collectivités sont-elles engagées dans cette démarche ?

Des régions comme l'Aquitaine, Rhône-Alpes et la Bourgogne ont été pionnières, en lançant, dès 2012, des appels à manifestation d'intérêt pour des territoires à énergie positive, et en leur apportant un soutien financier. De son côté, le CLER a commencé à animer, à partir de 2010, un réseau de Tepos. Il regroupe aujourd'hui une soixantaine de territoires. Ils tiennent tous les ans des rencontres nationales qui sont l'occasion de confronter les expériences et de découvrir des initiatives différentes.
La loi de transition énergétique de 2015 et les appels à projets lancés par Ségolène Royal, alors ministre de l'écologie, pour la création de territoires à énergie positive pour la croissance verte, ont donné un coup d'accélérateur, puisque au total 500 projets ont été labellisés, avec pour chacun une subvention de 500 000 à 2  millions d'euros.


Pourtant, l'expérience est beaucoup moins développée qu'en Allemagne ou en Autriche, par exemple…

Certains de nos voisins sont bien plus avancés dans cette démarche. En France, même si des territoires ont commencé une réflexion sur ce sujet depuis quinze ou vingt ans, ils sont peu nombreux à avoir la maturité et les moyens – financiers, humains ou techniques – suffisants pour se lancer. Le réseau animé par le CLER est précisément là pour les aider. Le système de financements mis en place par Mme Royal s'achevant, selon les cas, en  2019 ou 2020, il faudra que les régions et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie maintiennent leur soutien à ces projets pour que la dynamique se poursuive.
P. L. H.
© Le Monde

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