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vendredi 28 septembre 2018

Les promesses de Corbyn pour l'après-Brexit


28 septembre 2018

Les promesses de Corbyn pour l'après-Brexit

Le chef du Labour s'est engagé à rompre avec " huit ans d'austérité ravageuse et de vandalisme social "

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Jeremy Corbyn fera tout pour transformer le chaos du Brexit en succès électoral débouchant sur son entrée à Downing Street et de vastes réformes économiques et sociales. En concluant le congrès de Liverpool, mercredi 26  septembre, le chef du Labour a annoncé que son parti appellerait à des élections législatives anticipées si les négociations avec Bruxelles aboutissaient à une impasse ou si l'accord attendu entre la première ministre du Royaume-Uni Theresa May et l'UE était rejeté par le Parlement cet automne. Ce scénario, son parti a bien l'intention de le pousser en votant contre un tel " deal " à Westminster.
" Si vous n'êtes pas capables de négocier un accord (…) qui protège l'emploi et les droits des salariés (…) et des consommateurs, alors laissez la place à un parti - le Labour - qui peut le faire ", a lancé M. Corbyn à l'adresse de Mme May au terme d'un discours d'une heure prononcé sur le ton confiant d'un " premier ministrable " et entrecoupé de salves d'applaudissements. Donner une majorité au Labour, c'est, selon lui, la seule façon de sortir de l'" énorme incertitude sur le Brexit " qui fait " perdre patience " aux entreprises.
C'est aussi le moyen de mettre en œuvre ses projets " radicaux " destinés à " reconstruire l'économie " britannique, à lutter contre " le capitalisme financier dérégulé avide " et à lancer un vaste programme d'investissement public et d'aides de l'Etat à la création d'emplois verts.
Jusqu'à présent, le Brexit était l'Arlésienne des congrès travaillistes. Jeremy Corbyn évitait le sujet, qui divise les adhérents et met en lumière sa propre ambivalence d'eurosceptique d'extrême gauche. Au lendemain du rejet par l'UE du " plan Brexit " de Theresa May, alors qu'un crash des négociations menace, le leader de l'opposition est enfin sorti de sa réserve. La tournure que prend le Brexit met en cause " nos intérêts vitaux ", a-t-il dit, en rendant possible un tournant ultralibéral menaçant les droits sociaux et imposant une politique de dumping fiscal et environnemental.
" Menace pour l'économie "" Après deux années de négociations bâclées, Theresa May menace d'imposer au pays un choix unique : un mauvais accord ou aucun accord, a-t-il lancé devant l'immense salle débordant de militants remontés à bloc. C'est une menace pour l'ensemble de notre économie et pour des dizaines de milliers d'emplois. " Depuis la rebuffade infligée à Mme May par les 27 Etats de l'UE à Salzbourg, l'aile des conservateurs qui mise sur un échec des négociations pour parvenir à une rupture totale avec l'UE et une nouvelle révolution thatchérienne a le vent en poupe. La première ministre elle-même, promet désormais que son pays offrira " le taux d'impôt sur les sociétés le plus bas des pays du G 20 ".
Pour M. Corbyn, " certains conservateurs considèrent le Brexit comme leur chance d'imposer à la Grande-Bretagne la doctrine du choc libéral ". Selon lui, Mme May elle-même prépare " des cadeaux pour une minorité de riches payés par la masse du peuple et une stratégie de dynamisation des investissements déjà essayée et qui a échoué ". Une menace parfaitement à même d'électriser la séance finale d'un congrès travailliste, comme l'a confirmé une succession d'ovations.
" Les conservateurs brexiters - partisans du Brexit - veulent mettre en œuvre à la fois une politique des années 1950 et une pensée économique du XIXe  siècle, rêvant d'une Grande-Bretagne qui domine les mers et s'affranchit des règles - " Britannia that both rules the waves and waives the rules " - ", a-t-il lancé en un audacieux jeu de mots qui fait référence à l'hymne patriotique et impérial Rule, Britannia !
Désormais, la rhétorique de M. Corbyn est claire, le Brexit de Mme May menace l'emploi. Le Labour " respecte la décision du peuple britannique " de quitter l'UE mais votera contre tout accord qui prévoit " une diminution des droits, des normes ou des protections " et s'opposera à tout " nivellement par le bas en termes de réglementation ".
Alors que congrès a donné le spectacle de ses divisions sur l'Europe – certains militants sont vent debout contre le Brexit, d'autres pensent qu'il est nécessaire pour renationaliser les chemins de fer, l'eau, l'électricité et promouvoir les aides d'Etat –, Jeremy Corbyn a réuni et galvanisé ses troupes avec la promesse de rompre avec " huit ans d'austérité ravageuse  et de vandalisme social " pour " reconstruire les services publics et de créer une économie authentiquement mixte adaptée au XXIe  siècle ".
Cette nouvelle politique serait marquée par un rééquilibrage des relations sociales en faveur des salariés. Dans les grandes entreprises, ces derniers pourraient élire un tiers des membres des conseils d'administration. " Ce n'est pas quelque chose dont les entreprises doivent avoir peur, a assuré M. Corbyn. Elles devraient faire bon accueil à l'expertise des salariés. "
La fin de l'austérité serait marquée par un plan d'investissement dans les énergies vertes destiné à créer 400 000 emplois qualifiés, à réduire de 60  % les émissions de carbone du Royaume-Uni à l'horizon 2030 et, même, à les supprimer en  2050.
" Le bon sens de notre temps "Le système d'aide sociale serait réformé et le contrôle des allocataires, drastique et mis en œuvre par des opérateurs privés, serait confié à nouveau à l'Etat. M.  Corbyn a aussi promis de renflouer le Service national de santé (NHS), en difficulté, et de relancer l'aide aux personnes âgées et aux handicapés, qui souffre des coupes tant au niveau de l'Etat que des collectivités territoriales. Une nouvelle aide à la garde d'enfants serait créée pour tous. " Nous représentons le nouveau bon sens de notre temps, a-t-il proclamé. Et nous sommes prêts à le mettre en œuvre. "
Jeremy Corbyn était très attendu sur le sujet qui a empoisonné la vie du Labour pendant tout l'été : les accusations de complaisance à l'égard de l'antisémitisme. Le chef du Labour a reconnu que cette controverse avait infligé " une blessure et une angoisse considérable à la communauté juive et provoqué un grand désarroi au Parti travailliste ".
Exprimant le souhait de mettre un terme à la querelle, il a déclaré : " Nous travaillerons avec les communautés juives pour éradiquer l'antisémitisme à la fois dans notre parti et dans la société. Avec votre aide, je me battrai pour cela de toute mon énergie. "
Mis en cause pour des remarques ambiguës, Jeremy Corbyn a affirmé qu'" être antiraciste faisait partie de - son - identité même " et qu'il n'acceptait pas d'être accusé d'antisémitisme par des " conservateurs hypocrites ". " Nous sommes votre allié ", a-t-il lancé à l'adresse des juifs, déclenchant l'une des plus retentissantes ovations de cette adresse qui se voulait celle d'un " premier ministre en attente ".
Philippe Bernard
© Le Monde

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