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lundi 3 septembre 2018

La rentrée de Macron frappée par la tempête Hulot......La fin d'une aventure politique...

30 août 2018

La rentrée de Macron frappée par la tempête Hulot

L'exécutif a tenté de minimiser, mardi 28 août, la démission du ministre de l'écologie. Le chef de l'Etat affronte la première crise gouvernementale majeure de son quinquennat

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Ancien ou nouveau monde, l'adage popularisé par Jacques Chirac selon lequel " les emmerdes, ça vole toujours en escadrille " continue de se vérifier. L'affaire Benalla a explosé mi-juillet, produisant des effets dévastateurs et obligeant même l'exécutif à suspendre l'examen de la révision constitutionnelle dont Emmanuel Macron avait fait un des marqueurs emblématiques de son quinquennat. Et voilà que, moins d'une semaine après la rentrée de l'exécutif, le numéro trois du gouvernement, le plus populaire de ses ministres, Nicolas Hulot, annonce sa démission de manière fracassante, mardi 28  août, en direct à la radio, sans en avoir prévenu personne, à commencer par le président de la République et le premier ministre. Du jamais-vu !
Certes, le départ de Nicolas Hulot couvait depuis plusieurs mois. " Il a toujours dit qu'il ne prenait aucun plaisir dans cette fonction ministérielle, minimisait son secrétaire d'Etat, Sébastien Lecornu, mardi après-midi sur RTL. La question de sa démission a toujours été quelque part présente. " Il n'empêche que, au-delà de la forme, qui confère à ce départ une dimension inédite, celui-ci agit comme un révélateur des ambiguïtés de la politique mise en œuvre depuis quinze mois, de ses limites, voire de ses impasses.
Après sa victoire présidentielle, M.  Macron avait pris soin de composer un casting gouvernemental des plus séduisants sur le papier, amalgamant figures politiques et personnalités issues de la société civile. Avec deux figures de proue, promues ministres d'Etat : François Bayrou, côté politique, et -Nicolas Hulot, courtisé de longue date par les prédécesseurs de M.  Macron à l'Elysée et qui avait jusque-là constamment refusé d'entrer au gouvernement. Sa " plus belle prise ", s'extasiaient les proches du président.
Colmater les brèchesUn an après, les deux ont dû jeter l'éponge. Mais autant la démission contrainte de l'ancien garde des sceaux avait été relativement facile à gérer, alors que M.  Macron était encore porté par sa victoire présidentielle et la vague des législatives, autant celle, volontaire, de son ministre de la transition écologique et solidaire, dans une période où le doute s'est installé et la confiance s'est effritée, peut avoir de sévères répercussions. L'édifice est ébranlé et le chef de l'Etat ne peut se contenter de colmater les brèches. C'est la première fois de son quinquennat qu'il est confronté à une telle situation.
C'est dans le Falcon qui l'emmenait mardi matin à Copenhague pour une visite officielle, accompagné de trois ministres – Françoise Nyssen (culture), Bruno Le Maire (économie) et Nathalie Loiseau (affaires européennes) –, que M.  Macron a été informé de la démission de Nicolas  Hulot. A peine débarqué, il s'est longuement entretenu au téléphone avec le premier ministre, Edouard Philippe. Une ligne conductrice s'est vite dégagée : pas de précipitation, pour ne pas entretenir un sentiment de crise, tout en saluant le travail accompli par et avec le désormais ex-ministre de l'écologie, en soulignant que c'est " une décision personnelle ".
Le président de la République étant en déplacement au Danemark puis en Finlande jusqu'à jeudi en fin de journée, aucune décision ne devrait être annoncée d'ici là. La question reste cependant posée de l'ampleur du remaniement à venir. Le premier ministre, selon certains échos, souhaiterait profiter de l'occasion pour faire d'une pierre plusieurs coups. Le chef de l'Etat serait plus circonspect, ne voulant pas accréditer l'idée d'une crise politique.
Toute la journée de mardi, les deux têtes de l'exécutif ont dû bon gré, mal gré réagir en s'évertuant à ne pas surréagir. En arrivant vers midi à la conférence des ambassadeurs, devant laquelle il doit prononcer un discours, M.  Philippe fait une brève déclaration à la presse : " J'ai appris ce matin la décision - de Nicolas Hulot - de démissionner et j'en prends bien entendu acteJe le remercie pour son travail, qui a été important au sein de ce gouvernement.  J'ai aimé travailler avec lui. " Le premier ministre indique qu'il fera, " au cours des jours qui viennent, des propositions au président de la République s'agissant de la composition du gouvernement ".
A Copenhague, l'entourage du chef de l'Etat répond aux impatiences de la presse en attendant que celui-ci s'exprime. Les éléments de langage codifiés seront servis toute la journée : " Nicolas Hulot restera un ministre qui a énormément apporté " ; " C'est grâce à lui qu'on a le meilleur bilan écologique des gouvernements de la Ve  République " ; " Le départ de Nicolas Hulot est peut-être le prix à payer pour avoir des ministres de la société civile dans le gouvernement. Cela montre que ministre peut être une tâche frustrante et qui implique de lourds sacrifices personnels " ; " La majorité poursuivra sur la lancée impulsée par Nicolas Hulot et notre bilan finira par lui faire regretter sa décision ".
M.  Macron, lui, s'applique à jouer le bon élève du climat. " Notre Europe a besoin d'une plus grande ambition climatique ", insiste-t-il lors d'une conférence de presse avec le premier ministre danois, Lars Rasmussen. Lors du dîner d'Etat organisé au palais de Christiansborg, retransmis en direct sur la télévision danoise, il ajoute que la lutte contre le réchauffement climatique ne devrait pas être " une préoccupation lointaine mais un engagement quotidien ", vantant le modèle danois pour qui " la croissance verte n'est pas un slogan mais une réalité ". Il n'a toutefois pas pu échapper aux questions de la presse sur le départ de M.  Hulot. " C'est un homme libre et je respecte sa liberté, a-t-il répondu. Je souhaite qu'elle n'enlève rien à son engagement et je souhaite pouvoir compter sur celui-ci sous une autre forme et là où il sera. " Soulignant le travail accompli par le gouvernement en quinze mois, le chef de l'Etat préfère se projeter vers l'avenir. " Ce que nous avons à bâtir, c'est une société du XXIe  siècle où chacun aura sa place, pourra vivre dignement et pourra vivre avec une alimentation saine dans un environnement sain, a-t-il poursuivi. C'est un combat qui ne se fait pas du jour au lendemain. Il implique de se confronter au réel. Il vaut mieux que les petites phrases. Et, donc, il implique un travail qui va se poursuivre et un engagement sur la base de ce que j'ai promis aux Français qui sera constant de ma part. " Ce seront ses seuls propos sur l'affaire.
" Il avait l'air sonné "Le premier ministre, lui, est attendu dans l'après-midi à l'université d'été du Medef, à Jouy-en-Josas (Yvelines), où il doit prononcer le discours d'ouverture. Refusant de répondre aux sollicitations des journalistes, il pénètre sous le grand chapiteau de la séance plénière, tentant non sans mal de masquer son tracas. " Il avait l'air sonné, saluant mécaniquement ses interlocuteurs, sans allant ", note un de ses accompagnateurs.
Edouard Philippe prend la parole, évoque l'évolution de la dette publique, la dépense publique, " l'incapacité répétée à prendre des décisions de rupture ", la volonté de son gouvernement d'y remédier. Il s'interrompt alors. C'est le moment qu'il a choisi pour évoquer le sujet du jour, sur un ton qui se veut badin. " Il m'arrive d'écouter France Inter le matin, dit-il dans un sourire. C'était avant l'interview de 8 h 20. " Il confirme avoir appris " en écoutant la radio " la décision de son ministre de la transition écologique et solidaire de quitter le gouvernement.
Pas question pour l'exécutif de se laisser déborder. Expert en communication, le président de la République s'affiche, mercredi matin, chemise blanche et sourire aux lèvres, sur un vélo pour une promenade d'une petite heure dans les rues de Copenhague avec le premier ministre danois. Macron l'écolo, en toute décontraction. Qui a parlé de crise ?
Cédric Pietralunga (à copenhague), et Patrick Roger
© Le Monde


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Les limites de l'ouverture politique

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L'histoire, parfois, bégaie. Avec le départ de Nicolas Hulot, Emmanuel Macron vient de perdre son ministre d'ouverture, comme Nicolas Sarkozy avait fini par perdre les siens, lui qui était pourtant si fier de les avoir débauchés en  2007 des rangs de la gauche ou de la société civile. Ils avaient pour noms Jean-Pierre Jouyet, Bernard Kouchner, Martin Hirsch, Fadela Amara ou encore Eric Besson et Jean-Marie Bockel. Ils étaient là pour déstabiliser le camp dont ils étaient issus mais pas seulement.
Nicolas Sarkozy attendait d'eux qu'ils créent la surprise, engendrent le mouvement, pallient les lacunes de la droite, fabriquent du neuf le temps d'un quinquennat qui se voulait novateur, après l'interminable règne chiraquien. Jouyet et l'Europe, Kouchner et les droits de l'homme, Hirsch et le RSAAmara et les banlieues. Que l'affiche était belle ! Trois ans plus tard, l'édifice était en lambeaux, certains avaient -démissionné, d'autres avaient été limogés. L'ouverture n'a-vait pas résisté à la crise économique de 2008, ni à l'illusion qu'avaient caressée ses acteurs de faire vivre leurs convictions. Or, ils n'étaient là que pour servir un président dont la marge de manœuvre ne cessait de se rétrécir.
Poussif et décevantOn assiste à la même désillusion à travers ce cri du cœur de Nicolas Hulot, mardi 28  août. " Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur les enjeux "écologiques. Et pourtant, feu le ministre de la transition écologique et solidaire avait voulu croire à l'ouverture, fasciné par Emmanuel Macron, ce président qui prétendait présider le pays sur les ruines du vieux système avec promesse de tout reconstruire en plus beau.
L'ancien animateur d'" Ushuaïa " devenu la coqueluche des Français, misait sur l'union nationale autour de l'urgence écologique. Il pensait que la rupture engendrée par l'élection du novice serait plus porteuse que les appels du pied que lui avaient auparavant lancés Nicolas Sarkozy et François Hollande. C'est pourquoi il accepta de se jeter dans le bain en mai  2017 avec rang de ministre d'Etat pour mieux tirer sa révérence quinze mois plus tard en constatant que tout, en définitive, était aussi poussif et décevant que dans le monde d'avant.
A quelques années de distance, l'échec de l'ouverture, sous deux présidents différents, interpelle. A l'évidence, le pays cherche le bon attelage, en dehors des sentiers battus, mais ses dirigeants ne savent pas s'y prendre. Tiraillés entre des modèles difficilement compatibles, ils bricolent des synthèses mais ne parviennent pas à éviter la rupture lorsque la situation économique se tend. Parce qu'il s'est fait élire sur la promesse du retour de la prospérité et du plein-emploi, Emmanuel Macron court après la croissance exactement comme Nicolas Sarkozy après 2008 sans vouloir entendre Nicolas Hulot s'indigner qu'on veuille " réanimer un modèle économique qui est la cause de tous les désordres " écologiques.
L'un s'accroche au dogme libéral, place le projet de budget pour 2019 sous le signe du "travailler plus pour gagner plus " comme l'avait fait son prédécesseur, l'autre s'alarme de voir " la planète devenir une étuve, nos ressources naturelles s'épuiser, la biodiversité fondre comme neige au soleil ". Le premier tente de ressusciter le monde ancien, le second défend l'émergence d'un nouveau modèle qui, sous réserve d'être approfondi, pourrait servir d'alternative à un -macronisme prématurément vieilli. Là est, pour le président, le danger de cette spectaculaire rupture.


par Françoise Fressoz
© Le Monde


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" L'écologie, ça n'est pas des individualités "

Entre déception, agacement, voire quasi-satisfaction, les réactions sont contrastées chez les élus de La République en marche, après la démission de l'ex-ministre

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Entre vraie déception, léger agacement et quasi-satisfaction, la démission de Nicolas Hulot a suscité des réactions contrastées au sein de la majorité, après l'annonce de son départ du gouvernement, mardi 28  août.
La plupart des députés La République en marche (LRM) ont veillé à ménager l'ex-ministre de la transition écologique en assurant " respecter " sa décision. " Nous avons beaucoup fait avec Nicolas Hulot. Je respecte profondément sa personnalité comme sa décision personnelle ", a ainsi déclaré le chef de file des élus macronistes à l'Assemblée, Richard Ferrand, en assurant que ses troupes " continueron - t - à agir pour la transition écologique et solidaire avec énergie et détermination ". Un message relayé par d'autres piliers du groupe. " Sa décision, je la regrette. Elle renforcera notre volonté d'agir et notre niveau d'exigence ", affirme Hugues Renson, député (LRM) de Paris. Même tonalité chez sa collègue des Yvelines Yaël Braun-Pivet : " Nous poursuivrons inlassablement son action, avec détermination et conviction. "
Au-delà de ces déclarations -consensuelles, plusieurs élus -macronistes ont mal digéré que M. Hulot reproche à Emmanuel Macron de ne pas avoir fait de l'environnement la priorité de son quinquennat. Comme si les fidèles du chef de l'Etat estimaient infondé d'intenter un tel procès à ce dernier après un an seulement d'exercice du pouvoir. Le patron des sénateurs LRM, François -Patriat, a ainsi jugé que la décision du ministre démissionnaire n'était " pas justifiée "" Nicolas Hulot ne mesure pas le chemin parcouru, les succès qu'il a obtenus, et le nombre d'arbitrages rendus en sa faveur avec le soutien constant du président de la République ", a affirmé le vice-président du groupe d'étude chasse et pêche au Sénat.
VigilantsA son tour, le patron du mouvement LRM et secrétaire aux relations avec le Parlement, Christophe Castaner, a critiqué à demi-mot la démission de M. Hulot, en notant que les effets de la politique " n'étaient pas toujours immédiats ", mais se mesuraient " sur le long terme ". Et qu'il fallait donc savoir faire preuve de patience, au lieu de jeter l'éponge de manière hâtive. Dans la même veine, le député LRM des Hauts-de-Seine -Gabriel Attal a souligné la " fragilité " de cet ex-ministre venu de la société civile. Et de lancer, avec une pointe d'amertume, en direction de M. Hulot : " Je suis sûr que notre bilan lui fera, dans quelques années, regretter sa décision. "
Deux des porte-parole du groupe à l'Assemblée ont présenté son départ comme une décision strictement personnelle, n'entamant en rien la détermination de la Macronie en matière d'écologie. " Il choisit de ne plus servir le gouvernement, mais nous continuerons à servir la cause ", a affirmé la députée de Paris Olivia Grégoire. " L'écologie, ça n'est pas des individualités, c'est un enjeu majeur que nous partageons et pour lequel nous sommes mobilisés ", a abondé sa collègue des Yvelines Aurore Bergé.
Si la majorité des troupes macronistes ont pesé leurs mots, le député LRM de Seine-Maritime Xavier Batut, lui, assume " ne pas regretter " le départ de M. Hulot, avec lequel il " partage peu de -convictions ". Vice-président du groupe d'étude chasse et territoires à l'Assemblée, ce partisan du nucléaire reproche à l'ex-animateur d'" Ushuaïa " d'avoir " une -vision uniquement écologiste des sujets, sans prendre en compte les aspects économiques et les modes de vie des Français ". Avant de fustiger son attitude : " On ne peut pas faire avancer un pays avec un ministre qui est prêt à démissionner à chaque arbitrage ! "
La tonalité n'est évidemment pas la même chez les écologistes de la majorité, qui se disent sincèrement déçus par le départ du militant Hulot. Et en profitent pour appeler à la mobilisation sur l'environnement. " Plus que jamais, des transformations écologiques profondes doivent être accomplies avec engagement, persévérance et détermination ", a -souligné le président de l'Assemblée, François de Rugy. Autre ex-écologiste convertie au macronisme, la députée de la Somme Barbara Pompili? voit dans la -décision de M. Hulot " un appel à la réflexion et à l'action ".
Le député LRM des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert va plus loin, en attribuant sa démission à un manque de prise en compte des enjeux environnementaux par l'exécutif. " Le gouvernement n'a pas érigé la transition écologique au cœur de sa politique et n'en a pas fait sa priorité, alors qu'il y a urgence à changer le système en profondeur ", déplore cet ex-membre d'EELV. " On a laissé Nicolas Hulot seul pendant plus d'un an. Or ce ne sont pas un ministre et deux secrétaires d'Etat qui peuvent réussir à eux seuls à sauver l'humanité "se désole -celui qui a proposé – en vain – la création d'un poste de vice-premier ministre en charge de la transition écologique.
Pour autant, aucun des soutiens de M. Hulot au sein de la majorité n'a prévu de quitter les rangs de la Macronie. Cela ne les empêche pas de se montrer vigilants, comme l'explique la députée LRM de la Haute-Marne Bérangère Abba, membre de la commission du développement durable à l'Assemblée : " Nous allons regarder avec attention qui va remplacer Nicolas Hulot et les prochains arbitrages du budget. " A défaut de pouvoir compter sur un champion de l'écologie, populaire auprès des Français, au sein du gouvernement.
Alexandre Lemarié
© Le Monde

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Le départ du ministre ravive les espoirs de l'opposition de gauche

La démission de l'icône de l'écologie française laisse un vide qu'EELV, Génération.s et La France insoumise entendent bien combler à quelques mois des européennes

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C'est un départ qui tombe à point nommé. La démission de Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, numéro  trois du gouvernement, laisse un vide qu'une opposition de gauche, très divisée, entend bien combler, neuf mois avant les élections européennes, prévues le 26 mai 2019. En -effet, La République en marche (LRM) ne peut plus se targuer d'avoir à ses côtés l'icône écologiste française.
M.  Hulot a regretté, mardi 28  août sur France Inter, la politique " des petits pas " du gouvernement. Avant de laisser entendre qu'il se retirerait ? au moins temporairement ? de la vie politique.
Les premiers " bénéficiaires " de la démission fracassante de l'ancien présentateur de télévision pourraient bien être les -écologistes. Même si le débat existe encore en interne, les Verts devraient conduire une liste " 100  % écologiste " aux élections de mai  2019, avec Yannick Jadot en tête de liste. Le départ de Nicolas Hulot du gouvernement conforte l'eurodéputé dans sa stratégie autonome.
" J'entends rassembler les écologistes pour les élections européennes, sur une ligne sans ambiguïté. Tous ceux qui soutiennent nos propositions sont les bienvenus. L'écologie est au  cœur du débat public, affirme M. Jadot au MondeFinalement, contre les lobbys, contre le vieux monde, pour la recherche, l'innovation, la nouvelle industrie et des territoires ruraux vivants, c'est le programme écologiste qu'il faut suivre. " Et d'estimer que ses solutions divergent d'avec La France insoumise (LFI), dont il critique le repli " derrière nos frontières ".
Quant à Benoît Hamon et à son mouvement Génération.s, qui défendent des propositions très proches de celles d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), M. Jadot -continue de refuser sa main tendue : " Je ne veux pas que ce scrutin soit la revanche de celui de 2017 ou la préparation de 2022, ni que ce soit la refondation de la gauche. Je ne veux pas d'accords d'appareils qui créent la confusion. "
" Changer de paradigme "David Cormand, le secrétaire -national d'EELV, juge, quant à lui, que Nicolas Hulot a exprimé ce que les écologistes disent depuis longtemps : " Tant que l'écologie n'est qu'un axe de programme, ça ne marche pas. L'écologie politique nécessite de changer de -paradigme. C'est incompatible avec le modèle productiviste et la mondialisation libérale défendus par Emmanuel Macron. "
Génération. s veut se différencier de ses frères ennemis écolos sur la " dimension sociale ". Pour les hamonistes, le choix d'EELV est un " repli identitaire " qui laisse en jachère l'écologie de gauche. La démission de Nicolas Hulot est donc l'occasion pour la jeune formation de rebondir sur ces thématiques.
Surtout, elle pourrait finir de convaincre Benoît Hamon de se lancer dans la bataille, en prenant la tête de liste. L'ancien socialiste hésite depuis plusieurs semaines, comme il l'a laissé entendre dans un entretien au Journal du dimanche du 26  août. " On va hausser le ton sur le fond et les propositions ", promet Guillaume Balas qui " codirige " Génération. s avec l'écologiste Claire -Monod. Il continue : " Il faut organiser un grand mouvement de masse, citoyen, pour -peser sur la politique du gouvernement. "
Pas question pour les " insoumis " de laisser leurs concurrents prendre la main sur les thématiques écologiques. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon s'est depuis longtemps converti à l'écosocialisme et à la planification écologique. L'ancien candidat à la présidentielle a d'ailleurs fait de l'écologie l'axe majeur de son discours du 25  août, lors de l'université d'été de son mouvement, réuni à Marseille. Sorte de signal pour dire que la campagne des européennes sera fortement teintée de vert.
" Le départ de Nicolas Hulot amène une clarification politique bienvenue. C'est une sanction très forte de la politique d'Emmanuel Macron ", avance Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et qui a animé la campagne sur la sortie du nucléaire il y a six mois. Elle insiste sur le fait que LFI a comme spécificité de " faire le lien entre transition écologique, urgence sociale et démocratique " et se targue que sa formation soit la " seule force qui parle d'écologie au  Parlement européen ".
Mais tous ces espoirs suscités par le retrait de Nicolas Hulot risquent bien d'être déçus. " Ce départ -affaiblit surtout LRM, mais cela n'est pas sûr que cela renforce les autres. L'OPA d'Emmanuel -Macron sur le centre gauche -social-démocrate et écologiste -marque, en tout cas, un coup -d'arrêt. Voire un retour à la case départ, note -Jérôme Fourquet, -directeur du département opinion de l'IFOP. L'espace entre LFI et LRM ? jadis occupé par EELV et le PS ? reste -vacant. Mais le PS est encore -convalescent, Génération.s n'émerge pas, LFI plafonne et EELV est durablement affaibli. " La voie de la guérison semble -encore longue.
Abel Mestre
© Le Monde


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Les dernières heures d'un ministre

C'est une humiliation supplémentaire, face au lobby des chasseurs, qui aurait provoqué le départ de l'écologiste

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Nicolas Hulot est resté plus d'un an sur une ligne de crête. Partir ou rester au sein du gouvernement… " Un sacré dilemme, parce qu'il n'y a pas de bon choix ", disait-il souvent à son ami Matthieu Orphelin, l'ancien porte-parole de sa fondation devenu député (LRM) du Maine-et-Loire. Et puis, mardi 28  août, il a démissionné en direct sur France Inter, sans prévenir ni le président, Emmanuel Macron, ni le premier ministre, Edouard Philippe, ni ses conseillers, ni ses amis, ni même sa femme.A 63 ans, il a " sauté " comme il sautait en parachute -au-dessus de paysages menacés, lors des tournages pour Ushuaïa, cette émission qui l'a rendu célèbre, avant de devenir, en  2017, l'un des membres les plus emblématiques du gouvernement.
Si l'on veut comprendre ce qui a provoqué sa décision, sans doute faut-il revenir à un incident survenu la veille. Ce n'est ni une défaite grave, ni un arbitrage important comme peuvent en perdre tous les ministres, juste une humiliation supplémentaire qui a, sans doute, provoqué un départ déjà en gestation depuis des mois.
" Eclats de voix "Il est près de 16  heures, lundi 27  août, quand un petit groupe se retrouve dans le vestibule situé au premier étage de l'Elysée, à quelques mètres du bureau présidentiel. Nicolas Hulot et son secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu doivent ficeler les derniers points de la réforme de la chasse, préparée depuis six mois. Antoine Peillon, le conseiller énergies, environnement et transport de l'Elysée, est là, de même que François Patriat, sénateur (LRM) de la Côte-d'Or et " M.  Chasse " du parti présidentiel, ainsi que quatre responsables de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) : Willy Schraen, son président, Alain Durand, le vice-président de la FNC, son trésorier, Pascal Sécula, et Thierry Coste, le " conseiller politique " de la FNC. Des yeux bleus perçants, beaucoup d'entregent, Coste est le lobbyiste en chef, un habitué des palais de la République.
Emmanuel Macron est en retard, mais, affirme ce même Thierry Coste, " l'ambiance était excellente, sans aucune tension. Tout le monde papotait avec tout le monde en attendant le président ". Vers 16 h 30, ce dernier ouvre la séance dans le salon vert qui jouxte son bureau. Ironie du hasard, MM. Hulot et Coste se font face à la longue table. La discussion s'engage, elle va durer près de deux heures. Baisse du prix du permis, encadrement de la police de la chasse, zoom sur les chasses tra-ditionnelles ou la chasse à courre, tout est passé en revue.
" A aucun moment, Nicolas Hulot n'a fait part du moindre problème ou de la moindre opposition ", assure M.  Coste. Ce n'est pas tout à fait vrai. Deux points au moins provoquent sa ferme réticence : la baisse du prix des permis, de 400  euros à 200  euros, et la conservation des chasses traditionnelles. Nicolas Hulot souhaite des sanctions plus fortes, afin de lutter contre la souffrance animale.
La plupart des décisions ont cependant été arrêtées en amont. Le matin même, un dernier point a été fait au ministère de l'environnement, dans le bureau de Sébastien Lecornu, avec les représentants de la FNC, Thierry Coste en tête, mais aussi le conseiller environnement de l'Elysée et des -conseillers de Nicolas Hulot. A l'Elysée, pourtant, une fois M.  Macron parti, Sébastien Lecornu, qui a déjà franchi la porte, " entend des éclats de voix ", rapporte un des conseillers du secrétaire d'Etat. Nicolas Hulot s'insurge contre la présence du lobbyiste dans la délégation des chasseurs. L'a-t-il fait devant M. Macron lui-même ? C'est ce qu'il confie le lendemain, en marge de son intervention sur France Inter, au chroniqueur politique Thomas Legrand : " Quand il a demandé à Emmanuel Macron Pourquoi un lobbyiste était là ?”,Emmanuel Macron lui a répondu : Je ne comprends pas comment il est rentré ", rapporte celui-ci.
L'affaire n'est pas si anecdo-tique. Pour ce ministre qui est le seul, avec son collègue de l'intérieur, Gérard Collomb, à avoir le statut de ministre d'Etat, elle a tout d'une humiliation. Et ce n'est pas la première… Le 24  juillet, déjà, Emmanuel Macron avait reçu Brigitte Bardot sans l'avoir prévenu. " Moi qui n'étais pas une fervente de Macron, j'ai été très étonnée de voir l'attention, le sérieux et la bonne disposition qu'il a eus -envers nous ", avait déclaré l'ancienne actrice devenue ardente défenseure des animaux. Trois -semaines plus tard, elle étrillait M.  Hulot, qualifié de " lâche de première classe ! ", d'" homme qui  agit comme s'il n'avait aucun -pouvoir "" Cela a été une petite -vexation supplémentaire ", estime le député européen Pascal Durand, un ami de l'ancien présen-tateur télé.
On aurait tort, cependant, de s'en tenir à cela. Car les doutes du ministre se sont exprimés bien avant et sur des réformes – ou des absences de réformes – bien plus essentielles. Quelques semaines après son arrivée au ministère, pris par le sentiment d'urgence face à l'ampleur des dossiers à -gérer, il avait obtenu deux secrétaires d'Etat pour le seconder, Brune Poirson et Sébastien Lecornu. " Mais il voyait au fur et à mesure les choses lui échapper ", souligne son ami Gérard Feldzer, expert en aéronautique. Réduction de la place de l'énergie nucléaire, limitation des pesticides, préservation des espèces, chaque fois son ministère s'est retrouvé au car-refour d'intérêts puissants et -contradictoires. Malgré son énergie  et sa volonté, ce ministère fut  comme un long calvaire pour cet homme qui, en octobre  2017, avait annoncé au Monde qu'il se donnait un an pour voir s'il était " utile ".
Lors du déplacement du chef de l'Etat à la conférence climat de Bonn (Allemagne), en novembre  2017 (COP23), le contraste est saisissant entre un Macron tout sourire enchaînant les selfies, et un Hulot éteint. Les avancées, quand il y en a, se font à petits pas. Le 8  novembre 2017, devant les sénateurs qui viennent de tailler en pièces, à coups de dérogations, son projet de loi sur la fin des hydrocarbures, il déclare, le visage décomposé : " Je crains qu'ici et ailleurs, nous nous entêtions à sacrifier l'avenir au présent. Certains diront que - cette loi - n'était pas grand-chose. Eh bien, ce pas grand-chose, on n'y arrive même pas. "
" Pas de colère, mais de la honte "Convaincu de l'importance des questions alimentaires, il vit très mal d'être évincé de l'organisation et de la conduite des Etats généraux de l'alimentation (EGA) au profit du ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, son plus implacable adversaire. Celui-ci bénéficie du soutien de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricole (FNSEA), mais également d'Emmanuel Macron, soucieux de ménager les agri-culteurs. Ce sera l'une de ses plus grosses colères, exprimée dans le huis clos de son cabinet.
Exclu de la première partie des EGA, consacrée à la création de la valeur des produits agricoles et à sa répartition, Nicolas Hulot aurait dû prendre la main sur la deuxième partie, qui porte sur les modes alimentaires, la transformation et les choix de consommation… Ce n'est pas le cas, et le ministre n'a plus comme recours que de snober la conférence de clôture de ces EGA, le 21  décembre 2017. Le soir même, il confie au Monde : " Je considère que les conclusions ne sont pas à la hauteur de la qualité du travail extraordinaire et des propositions qui ont été faites dans les ateliers. Je ne vais donc pas aller faire le beau ou aller dire dans un micro que le compte n'y est pas. "
Le 21  mars, alors qu'il annonce la mort du dernier rhinocéros blanc à l'Assemblée nationale, il recueille une standing ovation en appelant à un " sursaut d'indignation " face à l'extinction du vivant. " Moi, ça ne me provoque pas de la peine, pas de colère- mais - de la honte ", lance-t-il aux députés d'une voix blanche. " Oui, je vais vous présenter un plan biodiversité dans les semaines qui viennent, ajoute-t-il, mais très sincèrement, tout le monde s'en fiche, à  part quelques-uns. " Si les Français disent approuver la protection de l'environnement, force est de constater que le pays fait preuve de moins d'allant lorsqu'il s'agit de renoncer à son modèle de développement.
Au Parlement européen, les écologistes sont très minoritaires. En France, ils sont divisés et souvent très critiques à l'égard de ce ministre dont ils ne cessent de douter de l'efficacité.Sur le glyphosate, Nicolas Hulot joue pourtant un rôle essentiel dans le refus du gouvernement de s'aligner sur la proposition de la Commission européenne d'autoriser ce pesticide pendant dix ans, obtenant que le délai soit ramené à cinq ans en France. Il met sa démission dans la balance sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), avant son abandon par le gouvernement en janvier.
Multiples alertesMais plusieurs figures d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) lui reprochent le recul de l'exécutif sur les perturbateurs endocriniens, le CETA (accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada) ou le nucléaire. " Tous les jours, ses propres amis écolos l'accablaient ", regrette son ami Jean-Paul Besset, un ancien journaliste du Monde qui l'a  rejoint en  2006.  Sans parti ni mouvement pour le soutenir, Nicolas Hulot se retrouve souvent bien seul, lorsqu'il s'agit de batailler à l'Assemblée.
Cet homme est un angoissé, un pessimiste actif, tenaillé par la conscience du danger qui menace la planète. " Cela me réveille la nuit ", confie-t-il à ses proches. Quand les pros de la politique se satisfont d'être ministres, lui s'interroge sur son utilité. " Très souvent, nous avons discuté de l'opportunité pour lui de rester ou pas au gouvernement, témoigne le député Matthieu Orphelin. Rester, c'était valider l'action du gouvernement sur les dossiers écologiques, mais partir, c'était prendre le risque qu'il y ait moins d'action encore. " A l'Elysée, Emmanuel Macron a pris l'habitude de lui envoyer de petits gestes d'amitié. " Mais chaque fois que le ministre passait à la radio, reconnaît un membre de son cabinet, on l'écoutait avec une forme d'appréhension, bien conscient de ses doutes et de ses tentations. "Même son secrétaire d'Etat, Sébastien Lecornu, doit bien l'avouer : " Il m'a toujours dit qu'il ne prenait aucun plaisir dans cet engagement ministériel et même dans la politique ", a-t-il indiqué mardi, sur RTL.
Tout le mois d'août, depuis la Corse puis la Bretagne, où il avait pris quelques jours de repos, Nicolas Hulot a remâché son dilemme. Il aurait voulu que la -société s'approprie la cause écologique, mais il a dû constater que, malgré les multiples alertes – été caniculaire, incendie, migrations climatiques –, les consciences n'avaient pas intégré, comme lui, ce sentiment d'urgence.
Raphaëlle Bacqué (avec les Services France, et planète)
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Thierry Coste, le lobbyiste qui a chassé l'écologiste

Le conseiller de la Fédération nationale des chasseurs, proche du chef de l'Etat, était la bête noire de Hulot

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" NOUS NE LE REGRETTERONS PAS "
Peu de regrets dans le monde agricole après la démission de Nicolas Hulot. Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, a déclaré dans Ouest-France qu'il était " un ministre hors sol, qui n'a pesé d'aucun poids sur l'agriculture "" Sa démission est un non-événement, nous ne le regretterons pas ", a-t-il ajouté. Si Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a décrit un ministre à qui " on pouvait parler " et qui " écoutait ", elle estime que ce sont surtout les ONG qui l'ont découragé et qui " l'ont poussé à bout (…) en lui reprochant de ne pas aller assez vite  sur beaucoup de sujets ".
C'est vraiment trop d'honneur que me fait Nicolas Hulot ! " Derrière le ton faussement indigné pointerait presque une note de plaisir dans la voix de Thierry Coste. Le " conseiller politique " de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), autrement dit son lobbyiste en chef, serait donc la goutte d'eau qui a fait déborder le vase Hulot. Même s'il n'en a pas fait la principale raison de sa démission du gouvernement, l'ex-ministre de la transition écologique et solidaire a expliqué, mardi 28  août sur France Inter, que la présence du lobbyiste à une réunion à l'Elysée, la veille, sur la réforme de la chasse, avait " achevé " de le convaincre de partir. " Pour moi, c'est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment ou à un autre poser ce -problème sur la table parce que c'est un problème de démocratie : qui a le pouvoir, qui gouverne ? ", s'est -interrogé Nicolas Hulot.
Thierry Coste, grand manipulateur de la politique rurale du gouvernement et tombeur de la figure vedette de la lutte pour l'environnement depuis près de trois décennies ? Le raccourci est flatteur, mais le costume un peu grand, estime l'intéressé. " Arrêtons les fantasmes, je ne suis qu'un beau prétexte, comme la chasse l'est aussi, pour expliquer la démission de Nicolas Hulot ", balaie auprès du Monde le lobbyiste quand on l'interroge sur son rôle dans cet événement politique.
On prête beaucoup à Thierry Coste et lui n'y est pas pour rien, qui adore distiller lors de ses rendez-vous donnés à L'Esplanade, un restaurant du quartier des -Invalides, à quelques pas des bureaux de sa société Lobbying et Stratégies, des anecdotes aux journalistes sur sa prétendue influence auprès des puissants. " Que Nicolas Hulot dise que je suis un méchant lobbyiste me fait bien rire. Qu'a-t-il fait, lui, pendant des années, si ce n'est du lobbying avec sa fondation financée par des industriels ? Lui aussi a parlé comme moi à tous les présidents pour -essayer de faire avancer les intérêts qu'il défend ", répond le lobbyiste. S'il " regrette " le départ de son meilleur ennemi, il observe que celui-ci " n'a jamais su assumer le rapport de force ".
Dans le sens du ventCette affaire a fait jaillir en pleine lumière cet homme de l'ombre qui réussit l'exploit de survivre à toutes les alternances politiques depuis le milieu des années 1980. Au fil des décennies, cet ancien agriculteur de 62 ans, passé par le trotskisme dans sa jeunesse, s'est tissé un solide carnet d'adresses auprès de responsables politiques de gauche, de droite comme d'extrême droite. Parmi ses clients, on trouve, outre la FNC, sa vitrine officielle, des fabricants d'armes ou des puissances étrangères (Russie, Tchad, Gabon, Arabie saoudite, entre autres), sur lesquels il s'épanche beaucoup moins que sur les disciples de saint Hubert.
Ce " Machiavel de la ruralité ", comme il aime à se décrire, est passé maître dans l'art de naviguer sur l'échiquier politique, toujours dans le sens du vent. Directeur de campagne de Jean Saint-Josse, le candidat de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT) à la présidentielle de 2002, Thierry Coste conseille à la même époque et en sous-main Jacques Chirac. Rebelote en  2007, où il fait officiellement la campagne de Philippe de Villiers, mais rejoint -Nicolas Sarkozy, sitôt celui-ci élu. En  2012, il quitte ce dernier pour François Hollande, le favori de l'élection. Et en  2017, alors qu'il a ses entrées dans l'équipe de François Fillon, il décide finalement de rallier -Emmanuel Macron. " Je vais là où mes intérêts et ceux de mes clients seront le mieux représentés. On peut dire que je suis un mercenaire, mais moi, au moins, je l'assume ", a-t-il l'habitude de résumer dans un grand sourire.
C'est son " copain ", le sénateur (LRM) François Patriat, qui l'a présenté au chef de l'Etat, à l'été 2016. Les deux hommes se connaissent depuis le gouvernement Jospin quand le premier, alors député, était en charge d'une mission sur la chasse, et que le second officiait déjà pour la FNC. " Thierry, c'est un pote, confie l'élu de Côte-d'Or. En affaire, il est sans pitié mais il est toujours cash. Quand il tire, c'est de face et entre les deux yeux. " François Patriat, lui-même chasseur, aime d'ailleurs raconter que son ami est " un chasseur terrible ", qui " n'aime tirer que le gros gibier " et qui " tire toujours pour tuer ".
Depuis le début du quinquennat, Thierry Coste murmure donc à l'oreille du chef de l'Etat sur les dossiers cynégétiques. Avec succès, puisqu'il vient d'obtenir du gouvernement la baisse du prix du permis national de chasse, que les chasseurs réclamaient depuis de nombreuses années. L'alliance peut étonner entre le jeune président censé incarner un renouveau et le lobbyiste, symbole de " l'ancien monde " politique prétendument révolu. " Sur le papier, rien n'était fait pour que ça colle, reconnaît Thierry Coste. Emmanuel Macron est énarque, ancien banquier d'affaires, entouré de technos parisiens, tout ce que je -déteste normalement. " Mais, -selon le conseiller de la FNC, le président " séduirait une chaise " et a " une qualité rare : c'est quelqu'un avec qui on peut dealer et qui sait trancher, sans faire de sentiment, comme moi ".
Avec François Patriat, Thierry Coste a également convaincu Emmanuel Macron de relancer les chasses présidentielles. Autant de signes politiques envoyés au quelque 1,2  million de chasseurs que revendique la FNC, et qui sont des voix électorales potentielles dans le milieu rural au sein duquel le chef de l'Etat n'est pas le plus populaire. Bien sûr, le lobbyiste était aux premiers rangs, en décembre  2017, quand le président de la République, venu au château de Chambord fêter son anniversaire, en avait profité pour assister à un " tableau " – l'hommage rendu au gibier après la chasse – dans la forêt du prestigieux domaine. " Une première depuis Giscard ! ", souligne Thierry Coste, qui se souvient : " Quand le président est arrivé, la nuit était tombée. Il faisait très froid, la forêt était dans le brouillard et les chasseurs éclairaient aux flambeaux les sangliers tués. C'était magique ! "
Bastien Bonnefous
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Transition énergétique, bien-être animal… des chantiers inachevés

Les nombreux arbitrages perdus par Nicolas Hulot ont pesé sur son choix

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Il y avait les couleuvres déjà avalées mais, très probablement aussi, des décisions à venir du gouvernement sur des dossiers qui tenaient à cœur au désormais ancien ministre de la transition écologique et solidaire. Et Nicolas Hulot semblait avoir perdu de nombreux arbitrages, ces dernières semaines.
Nul doute que la question du nucléaire a joué un rôle important dans sa décision de jeter l'éponge. En évoquant, sur France Inter, mardi 28  août, les raisons de son renoncement, Nicolas Hulot n'y a fait que de brèves allusions, en fustigeant " cette folie inutile économiquement, techniquement, dans laquelle on s'entête ". Une sortie faisant écho à sa dénonciation, en juin, de " la dérive " de la filière nucléaire.
" Une forme de mystification "Il a toutefois laissé entendre que son incapacité à s'imposer sur ce dossier, face au chef de l'Etat, -Emmanuel Macron, et au premier ministre, Edouard Philippe, avait pesé sur son choix. Il ne pouvait plus s'accommoder, sous peine de participer à " une forme de mystification ", du flou entretenu par ses interlocuteurs " quand on rentre dans des choses très concrètes, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, sur les réacteurs - à fermer - qu'il faut nommer ".
Le sujet est d'autant plus brûlant que Nicolas Hulot devait présenter, avant la fin de l'année – il laisse donc le chantier inachevé –, la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de la France, couvrant les périodes  2019-2023 et 2024-2028. Il s'agit de la feuille de route qui doit permettre d'atteindre les objectifs de la loi de transition énergétique de 2015 : réduction de la -consommation globale, montée en puissance des renouvelables, baisse à  50  % (contre plus de 75  %) de la part de l'atome dans la production d'électricité.
Une première bataille avait été perdue, avec l'abandon, annoncé par Nicolas Hulot en novembre  2017, de l'échéance de 2025 pour parvenir à ce seuil de 50  %. Tout porte à  penser que l'ex-ministre était sur le point d'essuyer un nouveau revers.
Lui-même jugeait nécessaire, pour être crédible, que la PPE comporte un " calendrier précis ", avec le nombre mais aussi le nom des réacteurs à fermer, parmi les cinquante-huit aujourd'hui en service, pour amorcer la décrue du nucléaire. Les arbitrages que s'apprêtent à  rendre les chefs de l'Etat et du gouvernement n'allaient probablement pas dans ce sens.
Sans préjuger de la position – et du pouvoir d'influence – du (ou de la) ministre qui succédera à M.  Hulot, on peut donc s'attendre à ce que la feuille de route énergétique renvoie à  plus tard les décisions sur les arrêts de réacteurs. Tout au plus pourrait-il être indiqué un nouvel " horizon ", autour de 2035, pour ramener la part de l'électricité d'origine nucléaire à  50  %.
Reste à savoir si la PPE exaucera le vœu d'EDF, qui souhaite la mise en chantier rapide d'un second EPR, en plus de celui de Flamanville (Manche). " Si je m'en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années ", aurait déclaré à Libération Nicolas Hulot, début août, des propos publiés mardi après qu'il a décidé de passer la main. Sur d'autres questions, moins visibles pour le moment que celle du nucléaire, le ministre avait perdu des arbitrages dernièrement, ce qui l'avait, témoigne son entourage, irrité.
Ainsi, pratiquement évincé des Etats généraux de l'alimentation, à l'automne 2017, dirigés alors par le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, il avait souhaité faire du bien-être animal une cause importante de son ministère. Il avait proposé la tenue d'une conférence de citoyens sur ce thème. Des contacts avaient été pris pour en organiser le comité de pilotage, mais, las, l'opposition du ministère de l'agriculture et, semble-t-il, du ministère de la recherche, ont mis fin à cette ambition. Matignon a écarté la proposition.
De même, sur l'artificialisation des sols, un dossier évoqué mardi sur France Inter par M.  Hulot pour justifier sa démission, il avait demandé, dans le cadre du projet de loi ELAN, déjà approuvé par les sénateurs fin juillet, à ce que l'objectif de zéro artificialisation nette soit réaffirmé et daté. Mais rien de concret n'y figure, regrette-t-on au ministère de l'écologie, et de dénoncer la pression du ministère de la cohésion des territoires.
Il en va de même dans d'autres dossiers comme le plan vélo, appelé de ses vœux par M.  Hulot, et absent du plan gouvernemental pour les transports propres, présenté en juillet.
Rémi Barroux et Pierre Le Hir
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La fin d'une aventure politique

Eminence grise de plusieurs présidents, Nicolas Hulot a longtemps hésité à accepter un poste de ministre

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Sans doute a-t-il mis un terme définitif à son expérience en politique. -Nicolas Hulot, 63 ans, quitte le ministère de la transition écologique et solidaire un peu plus d'an après avoir gagné l'hôtel de Roquelaure. Un passage éclair pour ce militant écologiste qui longtemps hésita à  franchir le pas.
Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, avaient tenté en vain d'accrocher ce trophée au fronton de leur gouvernement. Si Nicolas Hulot a finalement accepté l'offre d'Emmanuel Macron en mai  2017, c'est qu'il y voyait " la dernière occasion " pour lui de construire " un nouveau modèle " de société plus durable. Combien de temps allait-il tenir ? Les doutes sur sa longévité ont surgi sitôt sa nomination. Une question de jours ou de mois, affirmait-on. Trop torturé, trop exigeant, trop impulsif, expliquaient ses amis comme ses détracteurs. Quinze mois ont emporté sa décision.
La politique et Nicolas Hulot, c'est une longue histoire d'attirance et de répulsion, d'envie et de blessure, d'engagement et de renoncement. L'ancien présentateur d'" Ushuaïa " prend son bâton de pèlerin à la fin des années 1990. Ses voyages autour du monde pour ses émissions télévisées l'ont convaincu de la dégradation accélérée de l'environnement et de la nécessité d'alerter l'opinion publique et de mobiliser les responsables politiques.
Au faîte de sa popularité, il commence à chuchoter à l'oreille du président Jacques Chirac. Ce dernier considère que Nicolas Hulot " est le seul qui sait de quoi il parle ". Lorsqu'il était maire de Paris, il a fait voter une subvention à la Fondation Ushuaïa créée par l'ancien animateur en  1990. Les deux hommes qui se tutoient se rencontrent désormais régulièrement à l'Elysée les dimanches après-midi. -Nicolas Hulot accompagne le chef de l'Etat au Sommet de la Terre à  Johannesburg (Afrique du Sud), en  2002, où le président français met en garde les leaders mondiaux dans une fameuse formule inspirée par son -conseiller de l'ombre : " Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. "
" Il n'aime pas le conflit "Jacques Chirac lui propose alors le ministère de l'environnement. Nicolas Hulot a 47 ans. Il décline, trop attaché à son indépendance, à  sa liberté de parole. Mais il poursuit son dialogue et convainc le président d'inclure dans la -Constitution la charte de l'environnement en  2005.
En  2007, le militant est tenté d'aller plus loin et d'entrer dans la course à la présidentielle, puis -recule in extremis devant l'obstacle. Il laisse une empreinte en poussant tous les candidats, à l'exception de Jean-Marie Le Pen, à signer son " Pacte écologique ", une -initiative qui inspirera le futur Grenelle de l'environnement organisé par le ministre de l'environnement de Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo.
Des regrets ? En  2011, il se décide et se porte candidat à la primaire organisée par les Verts en vue de la présidentielle de 2012. Sa campagne tourne au désastre. " Il pensait qu'il était prêt, racontait au Monde, en décembre  2014, l'eurodéputé Pascal Durand, l'un de ses proches.Mais il s'était seulement mis -d'accord avec lui-même. Il n'aime pas le conflit. Pendant la primaire, il n'a pas voulu taper sur ses adversaires, alors qu'en face ils ne s'en privaient pas. " Eva Joly, sa concurrente, rassemble près de 60  % des suffrages. Il sort de l'aventure défait et profondément meurtri.
Le perdant ne quitte pas tout à fait le monde politique. François Hollande, nouvellement élu, lui propose de rejoindre l'Elysée en  2012 au titre d'" envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète ", dans la perspective de la conférence -internationale sur le climat, la COP21, qui se tiendra près de Paris en décembre  2015.
Il raconte avoir mis un an à comprendre les codes du Château, des Nations unies, de la diplomatie, à trouver ses marques. Ce n'est pas son univers, il se sent un " ovni ", mais " cette mission, confie-t-il, était un instrument inespéré par rapport à mon engagement. J'avais une position assez inédite, avec un pied dehors et un pied dedans, dans l'ombre et dans la lumière, qui me permettait sans provoquer de miracle ou de révolution écologique de faire bouger les choses ".
Une " vraie relation de -confiance " s'est nouée entre -MM. Hulot et Hollande, témoigne Vincent Feltesse, qui occupait alors le poste de conseiller politique du président socialiste. Pour autant, le militant écologiste ne s'écartait jamais du cadre de la COP21, déclinant les propositions ministérielles de François Hollande et n'intervenant pas dans les autres dossiers, comme celui de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), qui faisait déjà -débat. Dès l'accord de Paris sur le climat conclu fin 2015, ce " grand brûlé de l'action politique ", selon Vincent Feltesse, reprend sa liberté, mais sans avoir été au bout de l'aventure politique.
Un " optimiste désespéré "La tentation de se porter personnellement candidat à la présidentielle de 2017 le taraude de nouveau et il organise autour de lui une task force, vouée à mobiliser la société civile sur son nom. Pourtant, face à l'âpreté de la bataille présidentielle à venir, il renonce brutalement, le 5  juillet 2016, à " endosser l'habit de l'homme providentiel et présidentiel ", laissant ses troupes dans le désarroi.
Ces tiraillements ont toujours accompagné, et brouillé, la réflexion politique de Nicolas Hulot." Lorsqu'il était envoyé spécial de François Hollande et qu'il recevait les ONG dans son bureau de l'hôtel de Marigny - qui jouxte l'Elysée - , on le sentait déjà mal à l'aise ", rapporte Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Reconnaissant la nécessité d'être au plus près du sommet de l'Etat pour espérer peser sur les -décisions mais supportant mal " la compromission " qui consistait à fréquenter les allées du pouvoir, interprète M.  Julliard.
Les mois passent et les regrets aussi pour cet " optimiste désespéré " qui avoue refaire, " chaque nuit, le procès de la veille ". Après le renoncement du président en exercice, François Hollande, le 1er  décembre 2016, il confie que la décision de ne pas concourir à l'élection présidentielle " est la plus lourde " de son existence. Son épouse, si réticente quelques mois plus tôt, l'incite à revoir sa décision. Mais le temps est trop court et Emmanuel Macron déjà trop installé dans le paysage.
Il sera donc ministre. A 62 ans, le néophyte découvre la dure réalité d'un ministère, le poids des lobbys et la difficulté à gagner des -arbitrages face à un chef de l'Etat et à un premier ministre qu'il n'a pas réussi à convertir à l'environnement. Quinze mois pour se convaincre qu'il redeviendrait plus utile en reprenant sa liberté.
Sophie Landrin, et Simon Roger
© Le Monde



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