30 août 2018 |
La rentrée de Macron frappée par la tempête Hulot
L'exécutif a tenté de minimiser, mardi 28 août, la démission du ministre de l'écologie. Le chef de l'Etat affronte la première crise gouvernementale majeure de son quinquennat
Ancien ou nouveau monde, l'adage popularisé par Jacques Chirac selon lequel " les emmerdes, ça vole toujours en escadrille " continue de se vérifier. L'affaire Benalla a explosé mi-juillet, produisant des effets dévastateurs et obligeant même l'exécutif à suspendre l'examen de la révision constitutionnelle dont Emmanuel Macron avait fait un des marqueurs emblématiques de son quinquennat. Et voilà que, moins d'une semaine après la rentrée de l'exécutif, le numéro trois du gouvernement, le plus populaire de ses ministres, Nicolas Hulot, annonce sa démission de manière fracassante, mardi 28 août, en direct à la radio, sans en avoir prévenu personne, à commencer par le président de la République et le premier ministre. Du jamais-vu !
Certes, le départ de Nicolas Hulot couvait depuis plusieurs mois. " Il a toujours dit qu'il ne prenait aucun plaisir dans cette fonction ministérielle, minimisait son secrétaire d'Etat, Sébastien Lecornu, mardi après-midi sur RTL. La question de sa démission a toujours été quelque part présente. " Il n'empêche que, au-delà de la forme, qui confère à ce départ une dimension inédite, celui-ci agit comme un révélateur des ambiguïtés de la politique mise en œuvre depuis quinze mois, de ses limites, voire de ses impasses.Après sa victoire présidentielle, M. Macron avait pris soin de composer un casting gouvernemental des plus séduisants sur le papier, amalgamant figures politiques et personnalités issues de la société civile. Avec deux figures de proue, promues ministres d'Etat : François Bayrou, côté politique, et -Nicolas Hulot, courtisé de longue date par les prédécesseurs de M. Macron à l'Elysée et qui avait jusque-là constamment refusé d'entrer au gouvernement. Sa " plus belle prise ", s'extasiaient les proches du président. Colmater les brèchesUn an après, les deux ont dû jeter l'éponge. Mais autant la démission contrainte de l'ancien garde des sceaux avait été relativement facile à gérer, alors que M. Macron était encore porté par sa victoire présidentielle et la vague des législatives, autant celle, volontaire, de son ministre de la transition écologique et solidaire, dans une période où le doute s'est installé et la confiance s'est effritée, peut avoir de sévères répercussions. L'édifice est ébranlé et le chef de l'Etat ne peut se contenter de colmater les brèches. C'est la première fois de son quinquennat qu'il est confronté à une telle situation. C'est dans le Falcon qui l'emmenait mardi matin à Copenhague pour une visite officielle, accompagné de trois ministres – Françoise Nyssen (culture), Bruno Le Maire (économie) et Nathalie Loiseau (affaires européennes) –, que M. Macron a été informé de la démission de Nicolas Hulot. A peine débarqué, il s'est longuement entretenu au téléphone avec le premier ministre, Edouard Philippe. Une ligne conductrice s'est vite dégagée : pas de précipitation, pour ne pas entretenir un sentiment de crise, tout en saluant le travail accompli par et avec le désormais ex-ministre de l'écologie, en soulignant que c'est " une décision personnelle ". Le président de la République étant en déplacement au Danemark puis en Finlande jusqu'à jeudi en fin de journée, aucune décision ne devrait être annoncée d'ici là. La question reste cependant posée de l'ampleur du remaniement à venir. Le premier ministre, selon certains échos, souhaiterait profiter de l'occasion pour faire d'une pierre plusieurs coups. Le chef de l'Etat serait plus circonspect, ne voulant pas accréditer l'idée d'une crise politique. Toute la journée de mardi, les deux têtes de l'exécutif ont dû bon gré, mal gré réagir en s'évertuant à ne pas surréagir. En arrivant vers midi à la conférence des ambassadeurs, devant laquelle il doit prononcer un discours, M. Philippe fait une brève déclaration à la presse : " J'ai appris ce matin la décision - de Nicolas Hulot - de démissionner et j'en prends bien entendu acte. Je le remercie pour son travail, qui a été important au sein de ce gouvernement. J'ai aimé travailler avec lui. " Le premier ministre indique qu'il fera, " au cours des jours qui viennent, des propositions au président de la République s'agissant de la composition du gouvernement ". A Copenhague, l'entourage du chef de l'Etat répond aux impatiences de la presse en attendant que celui-ci s'exprime. Les éléments de langage codifiés seront servis toute la journée : " Nicolas Hulot restera un ministre qui a énormément apporté " ; " C'est grâce à lui qu'on a le meilleur bilan écologique des gouvernements de la Ve République " ; " Le départ de Nicolas Hulot est peut-être le prix à payer pour avoir des ministres de la société civile dans le gouvernement. Cela montre que ministre peut être une tâche frustrante et qui implique de lourds sacrifices personnels " ; " La majorité poursuivra sur la lancée impulsée par Nicolas Hulot et notre bilan finira par lui faire regretter sa décision ". M. Macron, lui, s'applique à jouer le bon élève du climat. " Notre Europe a besoin d'une plus grande ambition climatique ", insiste-t-il lors d'une conférence de presse avec le premier ministre danois, Lars Rasmussen. Lors du dîner d'Etat organisé au palais de Christiansborg, retransmis en direct sur la télévision danoise, il ajoute que la lutte contre le réchauffement climatique ne devrait pas être " une préoccupation lointaine mais un engagement quotidien ", vantant le modèle danois pour qui " la croissance verte n'est pas un slogan mais une réalité ". Il n'a toutefois pas pu échapper aux questions de la presse sur le départ de M. Hulot. " C'est un homme libre et je respecte sa liberté, a-t-il répondu. Je souhaite qu'elle n'enlève rien à son engagement et je souhaite pouvoir compter sur celui-ci sous une autre forme et là où il sera. " Soulignant le travail accompli par le gouvernement en quinze mois, le chef de l'Etat préfère se projeter vers l'avenir. " Ce que nous avons à bâtir, c'est une société du XXIe siècle où chacun aura sa place, pourra vivre dignement et pourra vivre avec une alimentation saine dans un environnement sain, a-t-il poursuivi. C'est un combat qui ne se fait pas du jour au lendemain. Il implique de se confronter au réel. Il vaut mieux que les petites phrases. Et, donc, il implique un travail qui va se poursuivre et un engagement sur la base de ce que j'ai promis aux Français qui sera constant de ma part. " Ce seront ses seuls propos sur l'affaire. " Il avait l'air sonné "Le premier ministre, lui, est attendu dans l'après-midi à l'université d'été du Medef, à Jouy-en-Josas (Yvelines), où il doit prononcer le discours d'ouverture. Refusant de répondre aux sollicitations des journalistes, il pénètre sous le grand chapiteau de la séance plénière, tentant non sans mal de masquer son tracas. " Il avait l'air sonné, saluant mécaniquement ses interlocuteurs, sans allant ", note un de ses accompagnateurs. Edouard Philippe prend la parole, évoque l'évolution de la dette publique, la dépense publique, " l'incapacité répétée à prendre des décisions de rupture ", la volonté de son gouvernement d'y remédier. Il s'interrompt alors. C'est le moment qu'il a choisi pour évoquer le sujet du jour, sur un ton qui se veut badin. " Il m'arrive d'écouter France Inter le matin, dit-il dans un sourire. C'était avant l'interview de 8 h 20. " Il confirme avoir appris " en écoutant la radio " la décision de son ministre de la transition écologique et solidaire de quitter le gouvernement. Pas question pour l'exécutif de se laisser déborder. Expert en communication, le président de la République s'affiche, mercredi matin, chemise blanche et sourire aux lèvres, sur un vélo pour une promenade d'une petite heure dans les rues de Copenhague avec le premier ministre danois. Macron l'écolo, en toute décontraction. Qui a parlé de crise ? Cédric Pietralunga (à copenhague), et Patrick Roger
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Les limites de l'ouverture politique
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30 août 2018 | Thierry Coste, le lobbyiste qui a chassé... |
Les dernières heures d'un ministre
C'est une humiliation supplémentaire, face au lobby des chasseurs, qui aurait provoqué le départ de l'écologiste
Nicolas Hulot est resté plus d'un an sur une ligne de crête. Partir ou rester au sein du gouvernement… " Un sacré dilemme, parce qu'il n'y a pas de bon choix ", disait-il souvent à son ami Matthieu Orphelin, l'ancien porte-parole de sa fondation devenu député (LRM) du Maine-et-Loire. Et puis, mardi 28 août, il a démissionné en direct sur France Inter, sans prévenir ni le président, Emmanuel Macron, ni le premier ministre, Edouard Philippe, ni ses conseillers, ni ses amis, ni même sa femme.A 63 ans, il a " sauté " comme il sautait en parachute -au-dessus de paysages menacés, lors des tournages pour Ushuaïa, cette émission qui l'a rendu célèbre, avant de devenir, en 2017, l'un des membres les plus emblématiques du gouvernement.
Si l'on veut comprendre ce qui a provoqué sa décision, sans doute faut-il revenir à un incident survenu la veille. Ce n'est ni une défaite grave, ni un arbitrage important comme peuvent en perdre tous les ministres, juste une humiliation supplémentaire qui a, sans doute, provoqué un départ déjà en gestation depuis des mois." Eclats de voix "Il est près de 16 heures, lundi 27 août, quand un petit groupe se retrouve dans le vestibule situé au premier étage de l'Elysée, à quelques mètres du bureau présidentiel. Nicolas Hulot et son secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu doivent ficeler les derniers points de la réforme de la chasse, préparée depuis six mois. Antoine Peillon, le conseiller énergies, environnement et transport de l'Elysée, est là, de même que François Patriat, sénateur (LRM) de la Côte-d'Or et " M. Chasse " du parti présidentiel, ainsi que quatre responsables de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) : Willy Schraen, son président, Alain Durand, le vice-président de la FNC, son trésorier, Pascal Sécula, et Thierry Coste, le " conseiller politique " de la FNC. Des yeux bleus perçants, beaucoup d'entregent, Coste est le lobbyiste en chef, un habitué des palais de la République. Emmanuel Macron est en retard, mais, affirme ce même Thierry Coste, " l'ambiance était excellente, sans aucune tension. Tout le monde papotait avec tout le monde en attendant le président ". Vers 16 h 30, ce dernier ouvre la séance dans le salon vert qui jouxte son bureau. Ironie du hasard, MM. Hulot et Coste se font face à la longue table. La discussion s'engage, elle va durer près de deux heures. Baisse du prix du permis, encadrement de la police de la chasse, zoom sur les chasses tra-ditionnelles ou la chasse à courre, tout est passé en revue. " A aucun moment, Nicolas Hulot n'a fait part du moindre problème ou de la moindre opposition ", assure M. Coste. Ce n'est pas tout à fait vrai. Deux points au moins provoquent sa ferme réticence : la baisse du prix des permis, de 400 euros à 200 euros, et la conservation des chasses traditionnelles. Nicolas Hulot souhaite des sanctions plus fortes, afin de lutter contre la souffrance animale. La plupart des décisions ont cependant été arrêtées en amont. Le matin même, un dernier point a été fait au ministère de l'environnement, dans le bureau de Sébastien Lecornu, avec les représentants de la FNC, Thierry Coste en tête, mais aussi le conseiller environnement de l'Elysée et des -conseillers de Nicolas Hulot. A l'Elysée, pourtant, une fois M. Macron parti, Sébastien Lecornu, qui a déjà franchi la porte, " entend des éclats de voix ", rapporte un des conseillers du secrétaire d'Etat. Nicolas Hulot s'insurge contre la présence du lobbyiste dans la délégation des chasseurs. L'a-t-il fait devant M. Macron lui-même ? C'est ce qu'il confie le lendemain, en marge de son intervention sur France Inter, au chroniqueur politique Thomas Legrand : " Quand il a demandé à Emmanuel Macron “Pourquoi un lobbyiste était là ?”,Emmanuel Macron lui a répondu : “Je ne comprends pas comment il est rentré” ", rapporte celui-ci. L'affaire n'est pas si anecdo-tique. Pour ce ministre qui est le seul, avec son collègue de l'intérieur, Gérard Collomb, à avoir le statut de ministre d'Etat, elle a tout d'une humiliation. Et ce n'est pas la première… Le 24 juillet, déjà, Emmanuel Macron avait reçu Brigitte Bardot sans l'avoir prévenu. " Moi qui n'étais pas une fervente de Macron, j'ai été très étonnée de voir l'attention, le sérieux et la bonne disposition qu'il a eus -envers nous ", avait déclaré l'ancienne actrice devenue ardente défenseure des animaux. Trois -semaines plus tard, elle étrillait M. Hulot, qualifié de " lâche de première classe ! ", d'" homme qui agit comme s'il n'avait aucun -pouvoir ". " Cela a été une petite -vexation supplémentaire ", estime le député européen Pascal Durand, un ami de l'ancien présen-tateur télé. On aurait tort, cependant, de s'en tenir à cela. Car les doutes du ministre se sont exprimés bien avant et sur des réformes – ou des absences de réformes – bien plus essentielles. Quelques semaines après son arrivée au ministère, pris par le sentiment d'urgence face à l'ampleur des dossiers à -gérer, il avait obtenu deux secrétaires d'Etat pour le seconder, Brune Poirson et Sébastien Lecornu. " Mais il voyait au fur et à mesure les choses lui échapper ", souligne son ami Gérard Feldzer, expert en aéronautique. Réduction de la place de l'énergie nucléaire, limitation des pesticides, préservation des espèces, chaque fois son ministère s'est retrouvé au car-refour d'intérêts puissants et -contradictoires. Malgré son énergie et sa volonté, ce ministère fut comme un long calvaire pour cet homme qui, en octobre 2017, avait annoncé au Monde qu'il se donnait un an pour voir s'il était " utile ". Lors du déplacement du chef de l'Etat à la conférence climat de Bonn (Allemagne), en novembre 2017 (COP23), le contraste est saisissant entre un Macron tout sourire enchaînant les selfies, et un Hulot éteint. Les avancées, quand il y en a, se font à petits pas. Le 8 novembre 2017, devant les sénateurs qui viennent de tailler en pièces, à coups de dérogations, son projet de loi sur la fin des hydrocarbures, il déclare, le visage décomposé : " Je crains qu'ici et ailleurs, nous nous entêtions à sacrifier l'avenir au présent. Certains diront que - cette loi - n'était pas grand-chose. Eh bien, ce pas grand-chose, on n'y arrive même pas. " " Pas de colère, mais de la honte "Convaincu de l'importance des questions alimentaires, il vit très mal d'être évincé de l'organisation et de la conduite des Etats généraux de l'alimentation (EGA) au profit du ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, son plus implacable adversaire. Celui-ci bénéficie du soutien de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricole (FNSEA), mais également d'Emmanuel Macron, soucieux de ménager les agri-culteurs. Ce sera l'une de ses plus grosses colères, exprimée dans le huis clos de son cabinet. Exclu de la première partie des EGA, consacrée à la création de la valeur des produits agricoles et à sa répartition, Nicolas Hulot aurait dû prendre la main sur la deuxième partie, qui porte sur les modes alimentaires, la transformation et les choix de consommation… Ce n'est pas le cas, et le ministre n'a plus comme recours que de snober la conférence de clôture de ces EGA, le 21 décembre 2017. Le soir même, il confie au Monde : " Je considère que les conclusions ne sont pas à la hauteur de la qualité du travail extraordinaire et des propositions qui ont été faites dans les ateliers. Je ne vais donc pas aller faire le beau ou aller dire dans un micro que le compte n'y est pas. " Le 21 mars, alors qu'il annonce la mort du dernier rhinocéros blanc à l'Assemblée nationale, il recueille une standing ovation en appelant à un " sursaut d'indignation " face à l'extinction du vivant. " Moi, ça ne me provoque pas de la peine, pas de colère, - mais - de la honte ", lance-t-il aux députés d'une voix blanche. " Oui, je vais vous présenter un plan biodiversité dans les semaines qui viennent, ajoute-t-il, mais très sincèrement, tout le monde s'en fiche, à part quelques-uns. " Si les Français disent approuver la protection de l'environnement, force est de constater que le pays fait preuve de moins d'allant lorsqu'il s'agit de renoncer à son modèle de développement. Au Parlement européen, les écologistes sont très minoritaires. En France, ils sont divisés et souvent très critiques à l'égard de ce ministre dont ils ne cessent de douter de l'efficacité.Sur le glyphosate, Nicolas Hulot joue pourtant un rôle essentiel dans le refus du gouvernement de s'aligner sur la proposition de la Commission européenne d'autoriser ce pesticide pendant dix ans, obtenant que le délai soit ramené à cinq ans en France. Il met sa démission dans la balance sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), avant son abandon par le gouvernement en janvier. Multiples alertesMais plusieurs figures d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) lui reprochent le recul de l'exécutif sur les perturbateurs endocriniens, le CETA (accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada) ou le nucléaire. " Tous les jours, ses propres amis écolos l'accablaient ", regrette son ami Jean-Paul Besset, un ancien journaliste du Monde qui l'a rejoint en 2006. Sans parti ni mouvement pour le soutenir, Nicolas Hulot se retrouve souvent bien seul, lorsqu'il s'agit de batailler à l'Assemblée. Cet homme est un angoissé, un pessimiste actif, tenaillé par la conscience du danger qui menace la planète. " Cela me réveille la nuit ", confie-t-il à ses proches. Quand les pros de la politique se satisfont d'être ministres, lui s'interroge sur son utilité. " Très souvent, nous avons discuté de l'opportunité pour lui de rester ou pas au gouvernement, témoigne le député Matthieu Orphelin. Rester, c'était valider l'action du gouvernement sur les dossiers écologiques, mais partir, c'était prendre le risque qu'il y ait moins d'action encore. " A l'Elysée, Emmanuel Macron a pris l'habitude de lui envoyer de petits gestes d'amitié. " Mais chaque fois que le ministre passait à la radio, reconnaît un membre de son cabinet, on l'écoutait avec une forme d'appréhension, bien conscient de ses doutes et de ses tentations. "Même son secrétaire d'Etat, Sébastien Lecornu, doit bien l'avouer : " Il m'a toujours dit qu'il ne prenait aucun plaisir dans cet engagement ministériel et même dans la politique ", a-t-il indiqué mardi, sur RTL. Tout le mois d'août, depuis la Corse puis la Bretagne, où il avait pris quelques jours de repos, Nicolas Hulot a remâché son dilemme. Il aurait voulu que la -société s'approprie la cause écologique, mais il a dû constater que, malgré les multiples alertes – été caniculaire, incendie, migrations climatiques –, les consciences n'avaient pas intégré, comme lui, ce sentiment d'urgence. Raphaëlle Bacqué (avec les Services France, et planète)
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Thierry Coste, le lobbyiste qui a chassé l'écologiste
Le conseiller de la Fédération nationale des chasseurs, proche du chef de l'Etat, était la bête noire de Hulot
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30 août 2018 | La fin d'une aventure politique |
Transition énergétique, bien-être animal… des chantiers inachevés
Les nombreux arbitrages perdus par Nicolas Hulot ont pesé sur son choix
Il y avait les couleuvres déjà avalées mais, très probablement aussi, des décisions à venir du gouvernement sur des dossiers qui tenaient à cœur au désormais ancien ministre de la transition écologique et solidaire. Et Nicolas Hulot semblait avoir perdu de nombreux arbitrages, ces dernières semaines.
Nul doute que la question du nucléaire a joué un rôle important dans sa décision de jeter l'éponge. En évoquant, sur France Inter, mardi 28 août, les raisons de son renoncement, Nicolas Hulot n'y a fait que de brèves allusions, en fustigeant " cette folie inutile économiquement, techniquement, dans laquelle on s'entête ". Une sortie faisant écho à sa dénonciation, en juin, de " la dérive " de la filière nucléaire." Une forme de mystification "Il a toutefois laissé entendre que son incapacité à s'imposer sur ce dossier, face au chef de l'Etat, -Emmanuel Macron, et au premier ministre, Edouard Philippe, avait pesé sur son choix. Il ne pouvait plus s'accommoder, sous peine de participer à " une forme de mystification ", du flou entretenu par ses interlocuteurs " quand on rentre dans des choses très concrètes, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, sur les réacteurs - à fermer - qu'il faut nommer ". Le sujet est d'autant plus brûlant que Nicolas Hulot devait présenter, avant la fin de l'année – il laisse donc le chantier inachevé –, la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de la France, couvrant les périodes 2019-2023 et 2024-2028. Il s'agit de la feuille de route qui doit permettre d'atteindre les objectifs de la loi de transition énergétique de 2015 : réduction de la -consommation globale, montée en puissance des renouvelables, baisse à 50 % (contre plus de 75 %) de la part de l'atome dans la production d'électricité. Une première bataille avait été perdue, avec l'abandon, annoncé par Nicolas Hulot en novembre 2017, de l'échéance de 2025 pour parvenir à ce seuil de 50 %. Tout porte à penser que l'ex-ministre était sur le point d'essuyer un nouveau revers. Lui-même jugeait nécessaire, pour être crédible, que la PPE comporte un " calendrier précis ", avec le nombre mais aussi le nom des réacteurs à fermer, parmi les cinquante-huit aujourd'hui en service, pour amorcer la décrue du nucléaire. Les arbitrages que s'apprêtent à rendre les chefs de l'Etat et du gouvernement n'allaient probablement pas dans ce sens. Sans préjuger de la position – et du pouvoir d'influence – du (ou de la) ministre qui succédera à M. Hulot, on peut donc s'attendre à ce que la feuille de route énergétique renvoie à plus tard les décisions sur les arrêts de réacteurs. Tout au plus pourrait-il être indiqué un nouvel " horizon ", autour de 2035, pour ramener la part de l'électricité d'origine nucléaire à 50 %. Reste à savoir si la PPE exaucera le vœu d'EDF, qui souhaite la mise en chantier rapide d'un second EPR, en plus de celui de Flamanville (Manche). " Si je m'en vais, il va y avoir trois EPR de plus dans les prochaines années ", aurait déclaré à Libération Nicolas Hulot, début août, des propos publiés mardi après qu'il a décidé de passer la main. Sur d'autres questions, moins visibles pour le moment que celle du nucléaire, le ministre avait perdu des arbitrages dernièrement, ce qui l'avait, témoigne son entourage, irrité. Ainsi, pratiquement évincé des Etats généraux de l'alimentation, à l'automne 2017, dirigés alors par le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, il avait souhaité faire du bien-être animal une cause importante de son ministère. Il avait proposé la tenue d'une conférence de citoyens sur ce thème. Des contacts avaient été pris pour en organiser le comité de pilotage, mais, las, l'opposition du ministère de l'agriculture et, semble-t-il, du ministère de la recherche, ont mis fin à cette ambition. Matignon a écarté la proposition. De même, sur l'artificialisation des sols, un dossier évoqué mardi sur France Inter par M. Hulot pour justifier sa démission, il avait demandé, dans le cadre du projet de loi ELAN, déjà approuvé par les sénateurs fin juillet, à ce que l'objectif de zéro artificialisation nette soit réaffirmé et daté. Mais rien de concret n'y figure, regrette-t-on au ministère de l'écologie, et de dénoncer la pression du ministère de la cohésion des territoires. Il en va de même dans d'autres dossiers comme le plan vélo, appelé de ses vœux par M. Hulot, et absent du plan gouvernemental pour les transports propres, présenté en juillet. Rémi Barroux et Pierre Le Hir
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