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ALEXIS CARREL, FIGURE DE PROUE DE L’EUGENISME
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Force est d’admettre que cette citation de Rabelais s’applique admirablement bien au sulfureux personnage brièvement évoqué aujourd’hui. Carrel, 1873-1944, chirurgien et biologiste, fut un grand apôtre de l’eugénisme. Le terme « eugenics » a été employé pour la première fois en 1883 par un scientifique britannique répondant au nom de Francis Galton. Côté vitrine, l’eugénisme veut obtenir « l’enfant indemne de nombreuses affections graves » ; côté arrière-salle, on souhaite « l’enfant parfait ». Puis rapidement, on débouche sur le vieux fantasme de l’immortalité. Mine de rien, l’eugénisme a eu son influence dans au moins trois domaines : mise en place de programmes de stérilisation, durcissement de l’encadrement juridique du mariage, mesures de restriction ou promotion de tel ou tel type d’immigration. Dans sa quête d’immortalité, Carrel, prix Nobel de médecine 1912, a eu sa première heure de gloire, lorsqu’il réussit à maintenir vivant in vitro un cœur de poulet pendant une durée dont les estimations varient, selon les sources, de 28 à 37 ans. Or la durée de vie d'une poule est d’environ 5 ans. Pourquoi diable, aucun scientifique n’a-t-il pu reproduire totalement son expérience ? Sauf qu’il a été démontré depuis que Carrel rajoutait des cellules en les nourrissant avec une préparation à base de tissus broyés. Y aurait-il eu tricherie ? Je ne sais pas, moi… Toujours est-il que c’est là le genre d’expérience dont le grand public est friand. Vint 1935 et la consécration de notre homme, avec cet ouvrage –L’Homme, cet inconnu-. Il fera l’objet de multiples traductions et rééditions ; et son succès international durera jusque dans les années 1950. Aujourd’hui encore, il demeure le livre de chevet ou la Bible, si vous voulez, de beaucoup de gens. Comment résumer ça en quelques lignes ? En fait, l’idée maîtresse réside dans le fait, selon l’auteur, que « la sélection naturelle n’a pas joué son rôle depuis longtemps » et d’ajouter « beaucoup d’individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l’hygiène et de la médecine ». Là-dessus, il vante les mérites de son fonds de commerce, l’eugénisme, en affirmant qu’il est indispensable pour la perpétuation d’une élite possédant une connaissance globale de l’homme. Cette élite pourrait changer profondément la société moderne et ainsi permettre aux hommes de se développer indéfiniment, en conservant intelligence et sens moral (quel sens moral, au fait ?). Pour rendre possible ce fantastique projet, notre démiurge fait appel à un eugénisme volontaire « par une éducation appropriée, on pourrait faire comprendre aux jeunes gens à quels malheurs ils s'exposent en se mariant dans des familles où existent la syphilis, le cancer, la tuberculose, le nervosisme, la folie, ou la faiblesse d'esprit ». Il convoque également un eugénisme qualifié aujourd’hui de négatif (le mot est outrageusement faible) qui consiste à éliminer purement et simplement les humains qu’il juge indésirables à son projet. Ainsi dans le chapitre –Reconstruction de l’homme-, sous-chapitre –Le Développement de la personnalité-, il propose le reconditionnement par le fouet et l’euthanasie pour les criminels ou considérés comme tels, même s’ils sont aliénés. Dans la préface à l’édition allemande, en 1936, de –L’Homme, cet inconnu-, on lit ceci « En Allemagne, le gouvernement a pris des mesures énergiques contre l'augmentation des minorités, des aliénés, des criminels. La situation idéale serait que chaque individu de cette sorte soit éliminé quand il s'est montré dangereux ». Vint l’Occupation. Pas vraiment surprenant de voir notre démiurge adhérer au Parti populaire français, parti fasciste de Jacques Doriot. En 1941, il est nommé « régent » par Pétain de la -Fondation française pour l’étude des problèmes humains-. Mais, je l’ai déjà évoqué avant-hier. On voit d’ailleurs figurer à ses côtés, comme conseiller technique de ladite Fondation, un certain Le Corbusier, sulfureux paroissien lui aussi. Le secrétaire général de cette même Fondation était un certain François Perroux. Dans son –Dictionnaire de la politique française-, Henry Coston écrit à propos de Perroux « Il fut l’un des penseurs les plus appréciés de l’État français ». Vint la Libération de Paris. Carrel est dans la ligne de mire du gouvernement provisoire de la République française. Il est suspendu de ses fonctions le 21 août 1944 et la Fondation dissoute. Il meurt le 05 novembre 1944, à son domicile parisien. On oublia un temps ce personnage. Puis ses thèses eugénistes, ses liens avec le régime de Vichy, avec Charles Lindbergh, vieux compagnon d’antisémitisme d’Henry Ford et soutien du national-socialisme, sa préface à l’édition allemande de son ouvrage amiral, revinrent à la surface. Ainsi, en 1996, deux auteurs, Patrick Tort et Lucien Bonnafé, font le lien entre les positions eugénistes de Carrel, l’ « euthanasie douce » par la faim des « bouches inutiles » perpétrée sous le régime du vieux maréchal, et le programme T4 du régime nazi. Ci-dessous : Caricature du docteur Carrel à New York par Georges Villa. Musée des Hospices civils de Lyon, inventaire N° 2007.0.680.M. |
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ALEXIS CARREL, FIGURE DE PROUE DE L’EUGENISME « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». ...
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