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mercredi 26 septembre 2018

Aux Etats-Unis, la Fed va tenir compte du plein-emploi


26 septembre 2018

Aux Etats-Unis, la Fed va tenir compte du plein-emploi

La Réserve fédérale américaine devrait remonter ses taux d'intérêt, mercredi, à l'issue de son comité de politique monétaire

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La communication de la Fed est réglée comme du papier à musique, de sorte que nul ne s'interroge pour savoir si la Banque centrale américaine remontera ses taux, mercredi 26 septembre, à l'issue de ses deux jours de séminaire. Elle le fera, c'est presque certain, augmentant ses taux directeurs d'un quart de point. Ils évolueront dans une fourchette comprise entre 2 % et 2,25 %.
L'enjeu est plutôt de voir si l'économie est menacée de surchauffe et si la Fed poursuivra son mouvement en décembre, puis en  2019. Ou si, au contraire, un inéluctable ralentissement tempérera le resserrement monétaire annoncé. On en saura plus quand elle présentera ses prévisions de croissance pour l'année prochaine.
Pour l'heure, le temps est au beau fixe, avec un moral des ménages au plus haut. Selon deux enquêtes de CNN et de l'université Quinnipiac (Connecticut), sept Américains sur dix jugent que l'économie est en bonne santé. La croissance s'est établie à 4,2 % au deuxième trimestre, tandis que le taux de chômage était de 3,9 % en août. Donald Trump s'en est réjoui sur Twitter, le 10  septembre : " La croissance du PIB (4,2  %) est supérieure au chômage (3,9  %) pour la première fois depuis plus d'un siècle ! ".
M.  Trump a énoncé une demi-vérité : c'est la première fois… depuis le début du siècle. Il n'empêche, ce chiffre confirme que l'emploi tourne à plein régime, et ce au profit de toutes les populations, puisque le chômage des Afro-Américains a sensiblement baissé. Le locataire de la Maison Blanche a essayé d'en tirer un profit politique dès janvier 2018 : " Le chômage des Afro-Américains est au plus bas niveau jamais enregistré dans ce pays. Le chômage des Hispaniques a reculé d'un point l'an dernier et est proche des plus bas historiques. Les démocrates n'ont rien fait pour vous, mais ils ont obtenu votre vote ! "
Peu importe la paternité de l'amélioration, seulement 6,3 % des Noirs américains étaient sans emploi en août, un niveau jamais atteint, contre un record de 16,4  % en août  2011. De même, 58,3  % des Afro-Américains de plus de 16 ans ont un travail – contre 51 % sept ans plus tôt.
Fortes disparitésLa reprise de l'emploi a-t-elle un effet sur les rémunérations ? Les salaires horaires ont augmenté de 2,9 % sur un an en août, une tendance saluée par les économistes, qui ont estimé qu'ils progressaient enfin. Mais cela s'accompagne d'une inflation à 2,7 % sur un an en août et à 2,2  % hors énergie et alimentation – chiffre qui sert de référence. Conclusion du Bureau du travail : le salaire horaire réel n'a crû que de 0,1 % et, si les revenus ont progressé au total de 0,6 point, cela tient à l'allongement de la durée du travail.
Ces données ne font pas les affaires de la Maison Blanche. De fait, en réintégrant les baisses d'impôt et les avantages en nature comme la santé, et en prenant en compte le départ en retraite des cohortes de baby-boomers – qui sont remplacés par des jeunes moins bien payés –, les équipes de Donald Trump parviennent à une hausse salariale horaire réelle de 1,4  %.
Cette tendance moyenne se retrouve dans le revenu médian des Américains, qui, selon les chiffres publiés en septembre, a progressé de 1,7  % en  2017 (61 372  dollars, soit 52 200  euros), avec de fortes disparités : 40 258 dollars pour les Afro-Américains (– 0,2 %), 50 486 dollars pour les Hispaniques (+ 3,7  %), 68 145  dollars pour les Blancs non hispaniques (+ 2,6  %) et 81 331  dollars (–  2,2  %) pour les Asiatiques.
Sur quatre ans, la hausse atteint 8,6 %, mais elle reste très modeste comparée à ce qu'elle fut au début des années 2000. Les revendications salariales sont bridées par le recours à la sous-traitance, la désyndicalisation et les délocalisations, même si le Wall Street Journal a perçu un frémissement avec la reprise des grèves salariales.
Elles ont surtout concerné les enseignants de nombreux Etats, mais ont aussi eu lieu dans l'hôtellerie (Hilton) et les travaux publics, et menacent la sidérurgie. Cet été, après neuf mois de négociations, les syndicats de Disney ont obtenu, en Californie puis en Floride, que le salaire horaire minimal passe de 11 à 15  dollars d'ici à 2021.
La reprise de l'emploi est en tout cas un antidote contre la pauvreté, laquelle est calculée de manière absolue aux Etats-Unis et n'est pas, à la différence de l'Europe, un indicateur d'inégalité. Selon les statistiques publiées en septembre par le US Census Bureau, le taux de pauvreté a reculé en  2017 pour la troisième année de suite. Il s'est établi à 12,3  %, contre 14,8  % en  2014, et retrouve le niveau atteint en  2002.
En revanche, le cœfficient de Gini, indicateur des inégalités fondé sur la répartition des revenus, demeure au plus haut (0,482). La situation ne devrait pas s'améliorer avec la réforme fiscale. Ce tableau satisfaisant pour les salariés ne l'est pas vraiment pour les entreprises et Wall Street : la pression salariale, conjuguée aux obstacles à l'immigration, devrait réduire les marges des entreprises, faire baisser le marché des actions et rendre moins indispensable le resserrement monétaire.
Arnaud Leparmentier
© Le Monde

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