Pour de nombreuses familles hébergées par le 115, soit le Samusocial, à Paris, et le Service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) dans tous les autres départements, l'approche de l'été signifie le retour à la rue. L'association Droit au logement voit ainsi, depuis quelques semaines, arriver dans ses permanences des familles à qui l'on a dit, ou parfois écrit, que leur " prise en charge hôtelière ne serait pas renouvelée ".
Mme R. et son enfant âgé de 4 ans ont ainsi été mis à la porte, fin avril, de l'hôtel de Rueil-Malmaison où ils habitaient depuis deux ans :
" On m'a expliqué qu'il y avait une réforme et que je ne rentrais plus dans les critères car mon enfant avait plus de 4 ans ", raconte-t-elle. Le SIAO des Hauts-de-Seine a, en effet, modifié sa politique d'accueil et signifié à quelque 200 familles la fin brutale, sans solution, de leur hébergement. Désormais ne seront accueillies dans le 92 que les familles avec enfants de moins de 4 ans ou handicapés, les femmes enceintes ou les personnes victimes de violences conjugales.
Un accompagnement menacé
" Le nombre de nuits d'hôtel, dans notre département jusqu'ici plutôt accueillant, a beaucoup progressé ces dernières années, passant de 438 000 nuitées, en 2013, à 1,3 million en 2017, détaille Jean-François Burgos, administrateur du pôle d'associations gestionnaires de la plate-forme.
A notre corps défendant, nous devons donc établir de nouveaux critères. "" Tout cela est parfaitement illégal, relève Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
. C'est une conséquence de la baisse des crédits d'Etat, de 9 % en 2018, ressentie d'autant plus fort en Ile-de-France que cette région absorbe, à elle seule, 875 millions d'euros, soit la moitié des crédits pour la France entière. "
Ces expulsions ruinent souvent des mois d'accompagnement. La famille Guino avec ses deux enfants, par exemple, venue du -Sénégal et hébergée en hôtel, à -Paris, depuis dix-huit mois, est dans l'angoisse de la fin de sa prise en charge dès ce mercredi 30 mai, le dernier enfant venant d'avoir 4 ans. Le couple a pourtant un -parcours exemplaire, après avoir -obtenu ses papiers en 2016, et -décroché, pour lui, un CDI dans un restaurant chic du 8e arrondissement qui le fait se lever chaque matin à 5 h 30, et, pour elle, un emploi d'agent d'entretien :
" J'ai tapé à toutes les portes et fait toutes les démarches du monde, témoigne la mère, Kadidiatou.
Nous sommes en principe prioritaires pour un logement social, mais, sauf miracle, nous serons à la rue à la fin de la semaine ", se désole-t-elle.
A Lyon, le collectif Jamais sans toit tambourine aux portes des institutions et n'hésite pas, au fil des fermetures des places hivernales, à recueillir les familles dans des écoles où elles viennent dormir après la classe. Ici, le critère d'hébergement est de compter, dans la famille, un enfant âgé de moins de 1 an :
" On ne comprend rien à la logique qui consiste à vider puis à remplir à nouveau les centres d'hébergement, à accorder in extremis quelques nuits d'hôtel… C'est kafkaïen ", commente Virginie Roussel, bénévole dans ce collectif.
" Les familles sont prévenues à la dernière minute, c'est inhumain, juge Raphaël Vulliez, lui aussi bénévole.
Et quand les écoles fermeront, le 6 juillet, nous retrouverons toutes ces familles sur le trottoir et dans les parcs. "
A Paris, la situation est plus tendue encore en raison du campement de migrants dit " du Millénaire ", dans le 19e arrondissement.
" Sur les 5 000 places pérennisées promises, fin mars, par le gouvernement, 1 900 le seront à -Paris, soit un effort significatif ", souligne Jean-Martin Delorme, chargé de l'hébergement à la -préfecture d'Ile-de-France, qui -concède qu'une baisse de 9 % des crédits a été annoncée.
La promesse d'Emmanuel Macron, le 28 juillet 2017, de
" ne plus avoir des hommes, des femmes dans la rue, dans les bois " s'éloigne encore un peu plus.
Isabelle Rey-Lefebvre
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