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mercredi 30 mai 2018

L'engagement contrarié de la jeunesse bénévole


30 mai 2018

L'engagement contrarié de la jeunesse bénévole

Frilosité des associations et déterminisme social sont souvent un frein, alors que plus d'un jeune sur deux se dit prêt à faire du bénévolat

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Léa Moukanas a 15 ans lorsqu'elle fonde l'association Aïda, venant en aide aux enfants atteints d'un cancer. Alors qu'elle voulait s'engager dans des organisations de lutte contre cette maladie, toutes avaient refusé son aide. " On me répondait que j'étais beaucoup trop jeune, raconte-elle. Ou alors on me disait oui, mais je n'étais jamais sollicitée, sauf pour tenir des stands, ce que personne d'autre ne voulait faire. " N'ayant pas l'impression de pouvoir changer les choses, l'adolescente a décidé de monter sa propre structure. Trois ans plus tard, Aïda compte 500 membres, dont 80 % ont moins de 18 ans.
Les associations sont frileuses à l'idée de confier des responsabilités aux jeunes, et encore plus aux mineurs, pensant à tort qu'elles ne peuvent pas les prendre comme bénévoles. Pourtant, loin de l'image stéréotypée d'une jeunesse renfermée sur elle-même, 56  % des 18-30  ans se disent prêts à devenir bénévoles, selon le baromètre 2016 de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
Le bénévolat des 15 à 35 ans a progressé de 33 % entre 2010 et 2016, d'après France bénévolat. C'est la classe d'âge pour laquelle on observe l'évolution la plus importante. Parmi les 18-30 ans, 16 % se tournent vers des structures défendant des causes sociales, humanitaires, environnementales ou de lutte contre les discriminations par exemple, selon l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. Selon Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS, les formes d'investissement proposées aux jeunes ne sont pas en adéquation avec ce qu'ils cherchent. " Ils ne veulent pas d'une participation très formelle, sur la durée.Ils font du zapping, s'engagent, se désengagent, reviennent, observe-t-il. Il faut leur proposer une offre attractive, qui soit moins contraignante. "
Milieu social favoriséMais s'il y a un potentiel d'engagement fort chez les jeunes, tous ne sont pas égaux face au bénévolat et leurs ressources financières ont une importance. " L'engagement ne se décrète pas, il faut être sécurisé pour le faire. Quand on est dans la précarité, c'est plus difficile ", explique Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique, social et environnemental.On observe également une reproduction sociale de l'engagement : les jeunes dont les parents sont eux-mêmes bénévoles vont le plus s'investir à leur tour. " Pour s'engager, il faut s'intéresser à la chose publique, souligne Olivier Galland. Etre dans une famille où on parle de ces choses-là, dans l'enfance ou dans l'adolescence, ça aide. "
Comme leurs aînés, les jeunes volontaires viennent souvent d'un milieu social plutôt favorisé et de familles dont les parents ont fait des études, ou en faisant eux-mêmes. " On leur a appris à être ambitieux, à avoir envie de monter des projets et à avoir confiance en eux. Ce sont aussi ceux qui sont le plus sensibilisés au milieu associatif ",constate Marion Chapulut, fondatrice du programme Become qui propose à des jeunes de 14 et 15 ans de participer à un " parcours citoyen " de trois semaines. L'objectif : monter des projets en lien avec des associations. Un miniservice civique avant l'âge, où la mixité sociale est assurée puisque la moitié des participants viennent de collèges en REP +, selon sa présidente.
Aujourd'hui, les profils des jeunes qui s'engagent se diversifient néanmoins de plus en plus, avec l'augmentation du nombre de bénévoles. " Les choses sont en train de bouger, notamment avec le service civique, qui touche tous les jeunes ", indique Hubert Pénicaud, vice-président de France bénévolat, certains faisant ensuite le choix de continuer à s'engager, en tant que bénévoles.
Claire Thoizet
© Le Monde

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