La question, un rien angoissante pour les amoureux du spatial, se pose alors qu'approche le 50e anniversaire du premier pas de l'homme sur la Lune, que l'on fêtera en juillet 2019 : des douze Américains qui ont foulé le sol de notre satellite naturel, combien seront encore vivants pour les célébrations de la mission Apollo-11 ? Le temps et la mort font leur œuvre et ces héros de l'épopée lunaire ne sont plus que quatre depuis le décès à Houston, samedi 26 mai, d'Alan Bean, à l'âge de 86 ans.
Né à Wheeler, au Texas, le 15 mars 1932, diplômé en aéronautique, pilote de chasse puis pilote d'essai dans la Navy, Alan Bean est sélectionné en octobre 1963 pour faire partie du corps des astro-nautes de la NASA. Les Etats-Unis sont alors en pleine course à la Lune. Lorsque son collègue Clifton Williams meurt dans un accident d'avion en 1967, le Texan prend sa place comme pilote du module -lunaire de la mission Apollo-12, qui doit être la deuxième à se poser sur notre satellite.
Ce qui a failli ne jamais arriver : quelques secondes après son décollage le 14 novembre 1969, la fusée Saturn-5, qui, en plus d'Alan Bean, emmène Pete Conrad -(commandant de la mission) et Richard Gordon (pilote du module de commande qui doit rester en orbite autour de la Lune), est frappée par la foudre. L'alarme retentit alors que les instruments sont privés momentanément d'électricité. Les contrôleurs au sol perdent leurs données. Lorsqu'elles reviennent, elles semblent inexactes, car l'appareil censé les traiter n'est plus -alimenté. Heureusement, Alan Bean, qui a déjà été confronté à l'incident lors d'une simulation de vol, se rappelle comment activer son alimentation auxiliaire. Son sang-froid permet à la mission de ne pas être avortée.
La peinture, seconde carrièreAu terme de quatre jours et demi de voyage, l'Intrepid (nom du module lunaire d'Apollo-12) se pose sans encombre dans l'océan des Tempêtes, à proximité de l'atterrisseur automatique Surveyor-3 qui s'y trouve depuis avril 1967. Pete Conrad sort le premier de l'appareil et, lorsque Alan Bean le rejoint, il devient le quatrième homme à marcher sur la Lune. Au cours des trente et une heures qu'ils passent sur le sol sélène, les deux Américains collectent des cailloux et installent des équipements scientifiques (mesure de la sismicité, du champ magnétique et du vent solaire) alimentés par une pile nucléaire. Ils récupèrent aussi des morceaux de Surveyor-3 pour y voir les effets d'un long -séjour à la surface de la Lune.
Après Apollo-12, Alan Bean ne retourne qu'une seule fois dans l'espace, en 1973, à bord de la petite station scientifique Skylab. Avec ses compagnons Owen Garriott et Jack Lousma, il parcourt en orbite près de 40 millions de kilomètres en cinquante-neuf jours. En cumulant ces deux vols, il est alors l'homme qui a passé le plus de temps dans l'espace.
Quand il prend sa retraite de la NASA en 1981, Alan Bean commence une seconde carrière inattendue, la peinture. Son sujet de prédilection : des astronautes sur la Lune, comme un moyen de revenir sans cesse sur l'aventure la plus marquante de son existence… Quand, en 1994, le
New York Times va le retrouver dans son atelier installé dans la banlieue de Houston, Alan Bean -explique s'être fixé l'objectif de 200 tableaux sur les missions Apollo.
" Pour ses œuvres, tout artiste s'inspire de la Terre ou de son imagination, dit-il.
J'ai la Terre et mon imagination, et je suis le -premier à avoir aussi la Lune. "
Lors de son bref séjour sur la Lune, Alan Bean n'avait pas eu de chance avec les images. Pour la retransmission télévisée, l'astronaute était, à la différence de l'équipage d'Apollo-11, équipé d'une caméra couleur. Mais celle-ci avait rendu l'âme après qu'Alan Bean l'eut pointée par inadvertance vers le Soleil. Le Texan avait aussi oublié sur place plusieurs rouleaux des photo-graphies qu'il avait prises… Alan Bean s'était rattrapé avec ses très nombreux tableaux. Alors que la Lune est un monde en noir et blanc, tout en contrastes, au ciel charbon et au sol éblouissant, Alan Bean osait la couleur dans ses peintures. Dans son livre
Apollo (Greenwich Workshop, 1998), il écrivait :
" Je ne me vois pas comme un astronaute qui peint, mais comme un artiste qui était jadis un astronaute. "
Pierre Barthélémy
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire