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jeudi 31 mai 2018

Les Crises.fr - Combien de personnes les États-Unis ont-ils tuées dans les guerres qui ont suivi les attentats du 11 septembre ?.....

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31.mai.2018 // Les Crises



Combien de personnes les États-Unis ont-ils tuées dans les guerres qui ont suivi les attentats du 11 septembre ? Partie 2 : Afghanistan et Pakistan. Par Nicolas J.S. Davies

Le nombre de victimes des guerres américaines depuis le 11 septembre 2001 n’a pratiquement pas été comptabilisé, mais faire face à l’ampleur réelle des crimes commis demeure un impératif moral, politique et juridique urgent, affirme Nicolas J.S. Davies, dans la deuxième partie de sa publication.
Dans la première partie de cette publication, j’ai estimé qu’environ 2,4 millions d’Irakiens ont été tués à la suite de l’invasion illégale de leur pays par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2003. J’en viens maintenant aux morts afghanes et pakistanaises dans le cadre de l’intervention américaine en Afghanistan en 2001. Dans la troisième partie, j’examinerai les morts causées par la guerre en Libye, en Somalie, en Syrie et au Yémen. Selon Le général américain à la retraite Tommy Franks, qui a mené la guerre contre les talibans en Afghanistan en réaction aux attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement américain ne tient pas les comptes des pertes civiles qu’il cause. « Vous savez, on ne compte pas les cadavres », a dit Franks un jour. Il est difficile de savoir si c’est vrai ou si un décompte est caché.
Comme je l’ai expliqué dans la première partie, les États-Unis ont tenté de justifier leurs invasions en Afghanistan et dans plusieurs autres pays comme une réponse légitime aux crimes terroristes du 11 septembre. Mais les États-Unis n’ont pas été attaqués par un autre pays ce jour-là, et aucun crime, aussi horrible soit-il, ne peut justifier 16 années de guerre – et ce n’est pas fini – contre une succession de pays qui n’ont pas attaqué les États-Unis.

Comme l’ancien procureur de Nuremberg Benjamin Ferencz l’a dit à la NPR [National Public Radio], une semaine après les attentats terroristes, il s’agissait de crimes contre l’humanité, mais pas de « crimes de guerre », car les États-Unis n’étaient pas en guerre. « Ce n’est jamais une réponse légitime de punir les gens qui ne sont pas responsables du mal fait », a expliqué Ferencz. « Nous devons faire une distinction entre punir les coupables et punir les autres. Si vous vous contentez de riposter massivement en bombardant l’Afghanistan, disons, ou les talibans, vous tuerez beaucoup de gens qui ne croient pas en ce qui s’est passé, qui n’approuvent pas ce qui s’est passé ».
Comme Ferencz l’avait prédit, nous avons tué « beaucoup de gens » qui n’avaient rien à voir avec les crimes du 11 septembre. Combien de personnes ? C’est l’objet de cet article.
Afghanistan
En 2011, le journaliste d’investigation primé Gareth Porter faisait des recherches sur les raids nocturnes des forces d’opérations spéciales américaines en Afghanistan pour son article intitulé How McChrystal and Petraeus Built an Indiscriminate Killing Machine. La multiplication des raids nocturnes de 2009 à 2011 a été un élément central de l’escalade de Barack Obama dans la guerre des États-Unis en Afghanistan. Porter a documenté une augmentation graduelle de 50 fois le nombre de raids par mois, passant de 20 raids par mois en mai 2009 à plus de 1 000 raids par mois en avril 2011.
Mais curieusement, la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a fait état d’une diminution du nombre de civils tués par les forces américaines.

Des marines américains patrouillent dans la rue Shah Karez, dans la province de Helmand, en Afghanistan, le 10 février. (photo du Corps des Marines des États-Unis prise par le sergent d’état-major Robert Storm)
Les rapports de la MANUA sur les décès de civils sont basés sur des enquêtes menées par la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan (AIHRC). Noori Shah Noori Noori, journaliste afghan travaillant avec Porter sur l’article, a interviewé Nader Nadery, un commissaire de l’AIHRC, pour savoir ce qui se passait.
Nadery a expliqué à Noori, « …que ce chiffre ne représentait que le nombre de morts civiles dans 13 incidents ayant fait l’objet d’une enquête approfondie. Il excluait les décès dans 60 autres incidents pour lesquels des plaintes avaient été reçues, mais qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une enquête approfondie ».
« Nadery a depuis estimé que le nombre total de civils tués lors des 73 raids nocturnes qui ont fait l’objet de plaintes était de 420 », a poursuivi M. Porter. « Mais la Commission admet qu’elle n’a pas accès à la plupart des districts dominés par les talibans et que les habitants de ces districts ne sont pas au courant de la possibilité de se plaindre à la Commission des raids nocturnes. Ainsi, ni l’AIHRC ni les Nations Unies n’ont connaissance d’une proportion importante – et très probablement la majorité – des raids nocturnes qui se soldent par la mort de civils ».
Depuis, la MANUA a mis à jour le nombre de civils tués lors de raids nocturnes des États-Unis en 2010, qui est passé de 80 à 103, ce qui est encore loin de l’estimation de Nadery (420). Mais comme l’a expliqué Nadery, même cette estimation a dû représenter une petite fraction du nombre de civils tués lors d’environ 5 000 raids nocturnes cette année-là, dont la plupart ont probablement eu lieu dans des zones où les gens n’ont aucun contact avec la MANUA ou la Commission indépendante des droits de l’homme.
Comme les officiers supérieurs de l’armée américaine l’ont admis à Dana Priest et William Arkin du Washington Post, plus de la moitié des raids menés par les forces d’opérations spéciales américaines ciblent la mauvaise personne ou la mauvaise maison, de sorte qu’une forte augmentation des décès de civils était un résultat prévisible et attendu d’une telle augmentation massive de ces raids meurtriers « tuer ou capturer ».
L’escalade massive des raids nocturnes américains en 2010 en a probablement fait une année exceptionnelle, de sorte qu’il est peu probable que les rapports de la MANUA excluent régulièrement autant de rapports non instruits sur les décès de civils qu’en 2010. Mais d’un autre côté, les rapports annuels de la MANUA ne mentionnent jamais que leurs chiffres concernant les décès de civils sont basés uniquement sur les enquêtes menées par la Commission indépendante des droits de l’homme ; il n’est donc pas clair à quel point il était inhabituel d’omettre 82 pour cent des incidents signalés de décès de civils lors de raids nocturnes des États-Unis dans le rapport de cette année-là.
Nous ne pouvons que deviner combien d’incidents signalés ont été omis dans les autres rapports annuels de la MANUA depuis 2007 et, en tout état de cause, cela ne nous dirait toujours rien au sujet des civils tués dans des zones qui n’ont aucun contact avec la MANUA ou la Commission indépendante des droits de l’homme.
En fait, pour l’AIHRC le dénombrement des morts n’est qu’un sous-produit de sa fonction principale, qui est d’enquêter sur les rapports de violations des droits de l’homme en Afghanistan. Mais les recherches de Porter et Noori ont révélé que le fait que la MANUA s’appuie sur les enquêtes menées par l’AIHRC pour faire des déclarations définitives sur le nombre de civils tués en Afghanistan dans ses rapports a pour effet de balayer un nombre inconnu d’enquêtes incomplètes et de morts civiles non signalées dans une sorte de « trou de mémoire », les écartant de pratiquement tous les comptes rendus publiés sur le coût humain de la guerre en Afghanistan.
Les rapports annuels de la MANUA comprennent même des diagrammes en camembertpour renforcer l’impression erronée qu’il s’agit d’estimations réalistes du nombre de civils tués au cours d’une année donnée, et que les forces pro-gouvernementales et les forces d’occupation étrangères ne sont responsables que d’une petite partie d’entre elles.
Les sous-dénombrements systématiques de la MANUA et les diagrammes en camembert dénués de sens deviennent la base des manchettes et des reportages dans le monde entier. Mais ils sont tous basés sur des chiffres dont la MANUA et la Commission indépendante des droits de l’homme savent très bien qu’il s’agit d’une petite fraction des décès de civils en Afghanistan. Ce n’est qu’un rare article comme celui de Porter en 2011 qui donne un soupçon de cette réalité choquante.
En fait, les rapports de la MANUA ne reflètent que le nombre de décès sur lesquels le personnel de la Commission indépendante des droits de l’homme a enquêté au cours d’une année donnée, et peuvent n’avoir que peu ou pas de rapport avec le nombre de personnes tuées. Vu sous cet angle, les fluctuations relativement faibles dans les rapports de la MANUA sur les décès de civils d’année en année en Afghanistan semblent tout aussi susceptibles de représenter des fluctuations dans les ressources et le personnel de la Commission indépendante des droits de l’homme que les augmentations ou diminutions réelles du nombre de personnes tuées.
Si une seule chose est claire au sujet des rapports de la MANUA sur les décès de civils, c’est que personne ne devrait jamais les citer en tant qu’estimations du nombre total de civils tués en Afghanistan – et encore moins les fonctionnaires de l’ONU et du gouvernement et des journalistes qui, sciemment ou non, induisent en erreur des millions de personnes lorsqu’ils les répètent.
Estimation du nombre de morts afghanes au travers du brouillard de la tromperie officielle
Les chiffres les plus souvent cités pour les décès de civils en Afghanistan sont donc basés non seulement sur des « rapports passifs », mais aussi sur des rapports trompeurs qui ignorent sciemment beaucoup ou la plupart des décès signalés par les familles endeuillées et les responsables locaux, alors que beaucoup ou la plupart des décès de civils ne sont jamais signalés à la MANUA ou à l’AIHCR en premier lieu. Alors, comment pouvons-nous obtenir une estimation intelligente ou un tant soit peu précise du nombre de civils qui ont réellement été tués en Afghanistan ?
Body Count : Casualty Figures After 10 Years of the “War On Terror” [dénombrement des victimes après 10 ans de guerre contre le terrorisme NdT], publié en 2015 par Physicians for Social Responsibility (PSR), colauréat du prix Nobel de la paix 1985, a estimé le nombre de morts combattants et civils en Afghanistan sur la base des rapports de la MANUA et d’autres sources. Les chiffres de Body Count pour le nombre de combattants afghans tués semblent plus fiables que le sous-dénombrement des décès de civils par la MANUA.
Le gouvernement afghan a signalé que 15 000 de ses soldats et policiers ont été tués jusqu’en 2013. Les auteurs de Body Count ont pris les estimations des talibans et autres forces antigouvernementales tuées en 2001, 2007 et 2010 à partir d’autres sources et les ont extrapolées à des années pour lesquelles aucune estimation n’était disponible, sur la base d’autres mesures de l’intensité du conflit (nombre de frappes aériennes, raids nocturnes, etc.). Ils estiment que 55 000 « insurgés » ont été tués à la fin de 2013.

En Afghanistan, le soldat de première classe de l’armée américaine Sean Serritelli assure la sécurité à l’extérieur de l’avant-poste de combat Charkh le 23 août 2012. (Crédit photo : Spc. Alexandra Campo)
Les années qui ont suivi 2013 ont été de plus en plus violentes pour le peuple afghan. Avec la réduction des forces d’occupation des États-Unis et de l’OTAN, les forces pro-gouvernementales afghanes supportent maintenant le gros du combat contre leurs compatriotes farouchement indépendants, et 25 000 autres soldats et policiers ont été tués depuis 2013, selon mes propres calculs à partir de reportages et de cette étude de l’Institut Watson de l’Université Brown.
Si le même nombre de combattants antigouvernementaux a été tué, cela signifierait qu’au moins 120 000 combattants afghans ont été tués depuis 2001. Mais, comme les forces pro-gouvernementales sont armées d’armes plus lourdes et sont toujours soutenues par l’appui aérien des États-Unis, les pertes anti-gouvernementales risquent d’être plus importantes que celles des troupes gouvernementales. Il serait donc plus réaliste d’estimer qu’entre 130 000 et 150 000 combattants afghans ont été tués.
La tâche la plus difficile est d’estimer combien de civils ont été tués en Afghanistan à travers le brouillard d’informations erronées de la MANUA. Les rapports passifs de la MANUA ont été profondément faussés, sur la base d’enquêtes effectuées sur 18 % seulement des incidents signalés, comme dans le cas des raids nocturnes en 2010, sans qu’aucune information ne parvienne des nombreux secteurs du pays où les talibans sont les plus actifs et où la plupart des frappes aériennes et des raids nocturnes des États-Unis ont lieu. Les talibans ne semblent pas avoir publié le nombre de morts civiles dans les zones qu’ils contrôlent, mais ils ont contesté les chiffres de la MANUA.
Il n’y a pas eu de tentative de mener une étude sérieuse sur la mortalité en Afghanistan semblable à l’étude de 2006 du Lancet en Irak. Le monde doit aux Afghans ce genre de comptes sérieux pour le coût humain de la guerre qu’il a laissé les submerger. Mais il semble peu probable que cela se produise avant que le monde n’accomplisse la tâche plus urgente de mettre fin à la guerre qui dure maintenant depuis 16 ans.
Body Count a pris les estimations de Neta Crawford et le projet Costs of War de l’Université de Boston pour 2001-6, plus le décompte erroné de l’ONU depuis 2007, et les a multipliés par un minimum de 5 et un maximum de 8, pour produire une gamme de 106 000 à 170 000 civils tués de 2001 à 2013. Les auteurs semblent avoir ignoré les failles des rapports de la MANUA révélés à Porter et Noori par Nadery en 2011.
Mais Body Count a reconnu la nature très prudente de son estimation, notant que « par rapport à l’Irak, où l’urbanisation est plus prononcée, et où la couverture par la presse locale et étrangère est plus importante qu’en Afghanistan, l’enregistrement des décès de civils a été beaucoup plus fragmentaire ».
Dans mon article de 2016, Playing Games With War Deaths, j’ai suggéré que le ratio entre les rapports passifs et les morts civiles réelles en Afghanistan était donc plus susceptible de se situer entre les ratios trouvés en Irak en 2006 (12:1) et au Guatemala à la fin de la guerre civile en 1996 (20:1).
Mortalité au Guatemala et en Afghanistan
En fait, la situation géographique et militaire en Afghanistan est plus analogue à celle du Guatemala, avec de nombreuses années de guerre dans des régions montagneuses isolées contre une population civile indigène qui a pris les armes contre un gouvernement central corrompu, soutenu par l’étranger.
La guerre civile guatémaltèque a duré de 1960 à 1996. La phase la plus meurtrière de la guerre a été déclenchée lorsque l’administration Reagan a rétabli l’aide militaire américaine au Guatemala en 1981, après une rencontre entre l’ancien directeur adjoint de la CIA Vernon Walters et le président Romeo Lucas García, au Guatemala.
Le lieutenant-colonel George Maynes, conseiller militaire des États-Unis, et le frère du président Lucas, le général Benedicto Lucas, ont planifié une campagne appelée Operation Ash, au cours de laquelle 15 000 soldats guatémaltèques ont balayé la région d’Ixil, massacrant des communautés indigènes et brûlant des centaines de villages.

Le président Ronald Reagan rencontre le dictateur guatémaltèque Efrain Rios Montt.
Les documents de la CIA que Robert Parry a déterrés à la bibliothèque Reagan et dans d’autres archives américaines ont spécifiquement défini les cibles de cette campagne pour inclure « le mécanisme de soutien civil » de la guérilla, c’est-à-dire l’ensemble de la population indigène rurale. Un rapport de la CIA de février 1982 décrivait comment cela fonctionnait dans la pratique à Ixil :
« Les commandants des unités concernées ont reçu l’ordre de détruire toutes les villes et villages qui coopèrent avec l’Armée de guérilla des pauvres, [EGP, Ejército Guerrillero de los Pobres, NdT]] et d’éliminer toutes les sources de résistance », selon le rapport. « Depuis le début de l’opération, plusieurs villages ont été réduits en cendres et un grand nombre de guérilleros et de collaborateurs ont été tués. »
Le président guatémaltèque Rios Montt, décédé dimanche, s’est emparé du pouvoir lors d’un coup d’État en 1983 et a poursuivi la campagne à Ixil. Il a été poursuivi pour génocide, mais ni Walters, ni Mayne, ni aucun autre reponsable des États-Unis n’ont été accusés d’avoir aidé à planifier et à soutenir les massacres au Guatemala.
A l’époque, de nombreux villages d’Ixil n’étaient même pas marqués sur les cartes officielles et il n’y avait pas de routes pavées dans cette région reculée (il y en a encore très peu aujourd’hui). Comme en Afghanistan, le monde extérieur n’a eu aucune idée de l’ampleur et de la brutalité des meurtres et des destructions.
L’une des revendications de l’Armée de guérilla des pauvres (EGP), de l’Organisation révolutionnaire des peuples armés (ORPA) et d’autres groupes révolutionnaires dans les négociations qui ont mené à l’accord de paix de 1996 au Guatemala, était d’obtenir une véritable évaluation de la réalité de la guerre, y compris combien de personnes ont été tuées et qui les ont tuées.
La Commission de clarification historique, parrainée par l’ONU, a répertorié 626 massacres et a conclu qu’environ 200 000 personnes avaient été tuées lors de la guerre civile au Guatemala. Au moins 93 pour cent ont été tués par les forces militaires et les escadrons de la mort soutenus par les États-Unis et seulement 3 pour cent par la guérilla, dont 4 pour cent étaient inconnus. Le nombre total de personnes tuées était 20 fois plus élevé que les estimations précédentes, fondées sur des rapports passifs.
Les études de mortalité dans d’autres pays (comme l’Angola, la Bosnie, la République démocratique du Congo, l’Irak, le Kosovo, le Rwanda, le Soudan et l’Ouganda) n’ont jamais trouvé un écart plus grand entre les rapports passifs et les études de mortalité qu’au Guatemala.
Compte tenu de l’écart entre les rapports passifs au Guatemala et ce que l’ONU y a finalement trouvé, la MANUA semble avoir signalé moins de 5 % des décès réels de civils en Afghanistan, ce qui serait sans précédent.
Costs of War et la MANUA ont compté 36 754 décès de civils jusqu’à la fin de 2017. Si ces rapports (extrêmement) passifs représentent 5 % du total des morts civiles, comme au Guatemala, le nombre réel de morts s’élèverait à environ 735 000. Si la MANUA a en fait éclipsé le bilan inégalé du Guatemala en matière de sous-dénombrement des décès de civils et n’a compté que 3 ou 4 % des décès réels, alors le total réel pourrait atteindre 1,23 million. Si le ratio n’était que le même qu’en Irak en 2006 (14:1 – avant que Body Count en Irak ne révise ses chiffres), il ne serait que de 515 000.
Si l’on ajoute ces chiffres à mon estimation du nombre de combattants afghans tués des deux côtés, on peut estimer qu’environ 875 000 Afghans ont été tués depuis 2001, avec un minimum de 640 000 et un maximum de 1,4 million.
Pakistan
Les États-Unis ont étendu leur guerre en Afghanistan au Pakistan en 2004. La CIA a commencé à lancer des frappes de drones, et l’armée pakistanaise, sous la pression des États-Unis, a lancé une campagne militaire contre les militants du Sud-Waziristan soupçonnés d’avoir des liens avec Al-Qaïda et les talibans afghans. Depuis lors, les États-Unis ont mené au moins 430 frappes de drones au Pakistan, selon le Bureau du journalisme d’investigation, et l’armée pakistanaise a mené plusieurs opérations dans les zones frontalières de l’Afghanistan.

Carte du Pakistan et de l’Afghanistan (Wikipedia)
La belle vallée de Swat (autrefois appelée « la Suisse de l’Orient » par la reine Elizabeth du Royaume-Uni en visite) et trois districts voisins ont été conquis par les talibans pakistanais entre 2007 et 2009. Ils ont été repris par l’armée pakistanaise en 2009 dans le cadre d’une campagne militaire dévastatrice qui a fait 3,4 millions de réfugiés.
Le Bureau du journalisme d’investigation rapporte que 2 515 à 4 026 personnes ont été tuées lors de frappes de drones américaines au Pakistan, mais cela ne représente qu’une petite fraction du nombre total de morts de guerre au Pakistan. Crawford et le programme Costs of War de l’Université de Boston ont estimé le nombre de Pakistanais tués à environ 61 300 jusqu’en août 2016, en se basant principalement sur les rapports du Pak Institute for Peace Studies (PIPS) à Islamabad et du South Asia Terrorism Portal (SATP) à New Delhi. Cela comprenait 8 200 soldats et policiers, 31 000 combattants rebelles et 22 100 civils.
Si nous acceptons le plus élevé de ces chiffres rapportés passivement pour le nombre de combattants tués des deux côtés et si nous utilisons des rapports historiques typiques de 5:1 à 20:1 par rapport aux rapports passifs pour générer un nombre minimum et maximum de morts civiles, cela signifierait qu’entre 150 000 et 500 000 Pakistanais ont été tués.
Une estimation raisonnable à mi-parcours serait qu’environ 325 000 personnes ont été tuées au Pakistan à la suite de la guerre des États-Unis en Afghanistan, qui a débordé de part et d’autre de ses frontières.
En combinant mes estimations pour l’Afghanistan et le Pakistan, j’estime qu’environ 1,2 million d’Afghans et de Pakistanais ont été tués à la suite de l’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis en 2001.
Nicolas J.S. Davies est l’auteur de Blood On Our Hands : the American Invasion and Destruction of Iraq. Il a également écrit le chapitre sur « Obama à la guerre » dans Grading the 44th President : a Report Card on Barack Obama’s First Term as a Progressive Leader.
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]
Pepin Lecourt // 31.05.2018 à 09h39
C’est un effet du conditionnement collectif qui fait qu’une info ” officielle” du système dominant est à priori vraie alors qu’une info non officielle qui la contredit est à priori suspecte.
Une info critique non officielle n’est prise en compte que par une petite minorité de l’opinion sensibilisée à l’esprit critique exacerbé en quête d’informations.
La très grande majorité de l’opinion reçoit l’information passivement comme un bruit de fond qui l’interpelle à l’occasion, étant essentiellement préoccupée par les questions professionnelles, familiales, privées.
Il faut avoir une curiosité pour la chose politique, y être sensibilisé pour entreprendre une démarche active à la recherche de l’information et ce n’est que dans cet état d’esprit qu’il y a tentation à ” vouloir en savoir plus ” et donc entreprendre la recherche d’infos supplémentaires à la marge.
La force de tous les systèmes en place est de s’abriter derrière ce fond d’indifférence collective particulièrement efficace lorsqu’ils contrôlent l’essentiel des médias chargés d’entretenir ce bruit de fond conformiste qui baigne l’opinion.

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